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Billet de blog 25 février 2023

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Les mythes répandus sur l’URSS empêchent de voir aujourd’hui l’impérialisme russe

Les 75 ans d’existence de l’Union soviétique ont recouvert dans la mémoire française la perception de la Russie qu’avait l’opinion avant 1914. Celle d’une Russie impériale et impérialiste qui avait contribué à détruire par la terreur l’Etat polonais, soumettait par la force la Finlande et les Pays baltes, et avait étendu ses conquêtes violentes au Caucase et à l’Asie centrale.

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Texte lu au meeting de solidarité avec l’Ukraine du 23 février 2023 à la Bourse du travail de Paris

Comme beaucoup d’entre nous, j’appartiens à la génération qui s’est mobilisée contre l’impérialisme américain lors de la guerre du Viêt-nam.

L’impérialisme américain était pour nous une évidence et il fallait dénoncer ses crimes.

Je me souviens être allé, à la fin des années soixante, chercher dans le grenier du pavillon de banlieue que j’habitais le drapeau américain que mes parents avaient mis, avec ceux des autres alliés, à leur fenêtre lors de la libération de Paris et qu’ils avaient conservé ; pour l’emmener à un rassemblement contre l’agression américaine au Viêt-nam où je l’avais brûlé ostensiblement.

La vigilance et la réactivité était vive alors vis-à-vis de l’impérialisme américain.

Force est de constater que l’agression de l’Ukraine, qui a commencé en 2014 et s’est poursuivie massivement il y a un an, n’a pas suscité la même indignation.

Durant les trois quarts de siècle de l’existence de l’Union soviétique, la France – et, à un moindre degré, l’Italie – a été profondément marquée par l’idée que l’impérialisme, dans le monde, c’était l’impérialisme américain.

Et que la Russie soviétique, qui avait joué le rôle que l’on sait dans la défaite du nazisme, faisait partie du « camp de la Paix ».

Ces trois quarts de siècle ont recouvert dans sa mémoire la perception de la Russie que l’opinion française partageait, à la fin du XIXème siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, avec les autres peuples d’Europe. Celle d’une Russie impériale et impérialiste qui avait contribué à détruire par la terreur l’Etat polonais, qui soumettait par la force la Finlande et les Pays baltes, et qui avait étendu ses conquêtes violentes au Caucase et à l’Asie centrale.

Les mythes sur l’URSS ont créé une russophilie qui aveugle la France

Il a fallu attendre l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, puis le mouvement Solidarnosc en Pologne dans la décennie suivante, pour qu’une partie de la gauche française qui ne s’indignait pas jusque-là de la domination soviétique sur une partie de l’Europe, commence à la percevoir comme intolérable.

Les mythes que la société française s’est construits pendant trois quarts de siècle à propos de l’Union soviétique l’a imprégnée d’une russophilie fondée sur le sentiment que la Russie était un obstacle au déferlement du seul impérialisme dans le monde : l’impérialisme américain.

C’est ainsi qu’une grande partie de l’opinion française n’a pas perçu les signes avant coureurs de l’agression de la Russie de Vladimir Poutine contre l’Ukraine. Qu’elle a été sensible aux diverses stigmatisations des mouvements de révolte des peuples comme celui de l’Ukraine que l’empire tzariste avait soumis et que la Russie post-soviétique voulait garder sous son contrôle.

Il s’agit bien, dans le cas de la Russie, d’un impérialisme.

D’un phénomène de conquête et de domination, où l’absence de continuité territoriale – qui le différencie des conquêtes coloniales outre-mer des Etats d’Europe occidentale – ne doit pas nous empêcher de voir les ressemblances profondes avec la vision du monde, le sentiment de supériorité et les conséquences funestes d’un phénomène expansionniste qui s’apparente à leur colonisation.

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