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Billet de blog 6 juin 2023

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Nouvelles technologies de l’information et de la communication et capitalisme

Le capitalisme cherche à repousser ses limites en investissant de nouveaux territoires et de nouveaux secteurs, en particulier grâce aux NTIC. Ce faisant, il ne fait qu'approfondir la quadruple crise où il s'englue chaque jour davantage (et nous avec).

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Le capitalisme a-t-il atteint ses limites ? La tendance longue de la baisse des gains de productivité, limitant la rentabilité des milliards de dollars de capitaux cherchant à s’investir semble aller dans ce sens. Pour pallier cette baisse de rentabilité, le capital n’a que deux solutions.

L’une c’est la financiarisation croissante de l’économie, permettant certes une rentabilité à court terme plus élevée, mais au risque de crises financières successives dues à l’éclatement des bulles qui se révèlent finalement des impasses, comme on en a vécu dans les trente dernières années. L’autre, qui n’est pas à opposer à la première, c’est l’extension du rapport social capitaliste dans des secteurs où il restait limité, voir absent.

Cette extension peut d’abord être géographique, mais elle est aujourd’hui limitée à l’Afrique qui est le dernier territoire où le développement du capitalisme reste incomplet, ce qui en fait le lieu de toutes les convoitises des pays développés et l’arène privilégiée de l’affrontement entre la Chine et les USA qui sont les représentants de deux formes différentes de capitalisme. On peut aussi voir la guerre en Ukraine comme le seul moyen pour le capitalisme russe de s’étendre géographiquement. Et pour ce faire, possédant une force militaire héritée de l’URSS, surdimensionnée relativement à son poids international, elle l’utilise pour conquérir l’Ukraine et réaliser cette extension qu’elle ne peut obtenir en innovant technologiquement dans de nouveaux secteurs.

Car l’extension peut surtout reposer sur l’innovation technologique permettant de soumettre à l’emprise du capital des secteurs qui lui échappaient jusqu’alors.

Trois sont particulièrement importants :

  • Les loisirs, qui jusqu’ici ne contribuaient pas à la création de valeur pour le capital, se déroulant dans un temps non dédié à la production. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de plus en plus de grands évènements sportifs se déroulent en Afrique, conciliant ainsi l’expansion géographique et le développement du secteur des loisirs via le sport.
  • Le vivant, avec le brevetage des gènes et l’apparition des pandémies qui fait de l’industrie pharmaceutique productrice de vaccins un acteur majeur.
  • Les données personnelles grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (les NTIC) et au développement des réseaux dits sociaux.

Ces trois secteurs ne sont d’ailleurs pas indépendants, notamment grâce aux NTIC, qui jouent un rôle essentiel dans les loisirs avec les grands networks comme Netflix où les jeux en ligne, mais aussi, avec les big data, pour l’étude du vivant et la publicité ciblée, grande consommatrice de données personnelles.

Mais croire que la technologie, grâce aux innovations, permettra toujours de relancer la croissance, c’est ne pas voir que si elle règle des problèmes, c’est en en créant des nouveaux. La destruction créatrice chère à Joseph Schumpeter et aux défenseurs de la croissance endogène semble même devenir de plus en plus davantage destructrice que créatrice.

C’est bien ce que montre notre monde actuel, saturé de technologies de pointe dans tous les domaines, qui est aussi celui des grands dérèglements du climat, de la biodiversité, de l’épuisement des ressources et des pollutions multiples. Car il ne faudrait pas oublier que si le réchauffement climatique pose aujourd’hui un problème, il est dû aux technologies utilisant les fossiles qui ont été mises en place au début de la révolution industrielle et sans cesse perfectionnées depuis.

Dès lors croire que les NTIC joueront le rôle qu’ont joué en leur temps le métier à tisser, l’électrification, le rail ou l’automobile c’est ne pas comprendre la quadruple nature, économique, sociale, écologique et anthropologique qui caractérise aujourd’hui le capitalisme.

Les NTIC et la crise économique

Beaucoup d’espoirs reposent sur le rôle que pourraient avoir les nouvelles technologies de l’information et de la communication (les NTIC) pour relancer la croissance et l’accumulation du capital.

Il est évident que le développement des nouveaux outils numériques, calculateurs, logiciels divers, a eu dans de nombreux domaines, de la recherche scientifique et médicale aux télécommunications en passant par l’agriculture, la production industrielle ou la création artistique des effets extrêmement positifs qui sont à porter au crédit du capitalisme innovant en révolutionnant sans cesse les moyens de production. Il est aussi évident que ces mêmes outils, et en particulier le smartphone, qui a une diffusion planétaire, ont joué un rôle important de maintien des liens sociaux durant les confinements liés à la pandémie, prouvant ainsi qu’ils peuvent servir à autre chose qu’à isoler les individus les uns des autres. Il n’est donc pas question de dire qu’ils sont inutiles. Pour autant, malgré leur présence dans tous les secteurs, ils ne permettent pas de relancer les gains de productivité. C’est finalement une extension aux NTIC de la remarque de Robert Solow en 1987 qui disait voir des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de la productivité.

Mais l’importance des NTIC sur l’économie est surtout liée à leur intervention dans la collecte de données personnelles de toutes natures servant à cibler les consommateurs pour mieux connaître leurs préférences, telles qu’elles ressortent de leurs navigations.

Au cœur de ce ciblage il y a le développement de l’algorithmique, dont chacun peut faire l’expérience quand il s’aperçoit lors d’une navigation à la recherche d’un produit, qu’on lui en propose d’autres, soit qu’il avait déjà, soit qu’il avait envisagé de se procurer. C’est ce développement qui fait de la publicité le cœur d’un nouveau modèle économique où l’on vend aux annonceurs les profils de ses utilisateurs, ce qui permet des annonces personnalisées, donc beaucoup plus efficaces.

Autrement dit, cette sophistication technologique, ces serveurs ultra puissants, ces informaticiens géniaux servent surtout à vendre davantage de marchandises. Quelle que soit leur utilité sociale et les externalités qu’elles impliquent.

Mais c’est faire du marché tel qu’il fonctionne aujourd’hui le cadre indépassable où se prennent nos décisions de consommation, alors même que c’est ce cadre qui doit être remis en question. Faire de la consommation, en la naturalisant, un moment nécessaire de l’activité humaine, c’est ne pas voir ce que dit Marx dans « L’introduction générale à la critique de l’économie politique » : « La production engendre la consommation en créant le mode déterminé de la consommation, puis en provoquant l’instinct de la consommation, le talent de consommer, le besoin de consommer ». Ce « besoin de consommer » est une nécessité vitale pour le capitalisme, qui ne doit pas seulement produire toujours plus de marchandises, mais aussi les vendre. Et c’est cette double extension, de la marchandisation de toutes choses qui caractérise notre monde, y compris aujourd’hui dans les temps dits libres des loisirs qui deviennent un de ces lieux d’extension du règne de la marchandise. La consommation devient, quelle qu’elle soit, un mode d’être, souvent vécu comme une émancipation personnelle, voire politique. On en a un bon exemple avec une émission populaire à grand succès sur France 2, N’oubliez pas les paroles, où l’on peut gagner 20 000 euros par émission en retrouvant les bonnes paroles. À la question rituelle de l’animateur de savoir ce que le gagnant ferait en priorité de cette somme, la réponse tout aussi rituelle est « un voyage », en général au bout du monde et bien sûr en compensant ses émissions, car l’écologie est l’une des valeurs sans cesse réaffirmée au cours de cette émission. On ne peut mieux illustrer l’écart abyssal existant entre un discours moralisateur largement partagé et les pratiques auxquelles aspirent réellement les candidats et les candidates dans une société où presque tout devient marchandise.

Les NTIC et la crise sociale

Ces NTIC ont deux types d’effets qui contribuent à la crise sociale qui marque aujourd’hui les sociétés capitalistes. Le premier est celui de la relation au travail, de sa perte de sens pour beaucoup qui a conduit à ce que certains ont qualifié de grande démission pour désigner ces travailleurs qui quittaient leur emploi du jour au lendemain. Le second est celui de l’utilisation des NTIC pour des fins de surveillance des individus.

Concernant la relation au travail Il faut noter la remise en cause de la division du travail et du statut de salarié. La première est remise en cause par la mise en concurrence de travailleurs vivants dans des conditions très différentes selon leurs pays, ce qui poussent les rémunérations à la baisse. Le second s’affaiblit avec le mouvement dit d’ubérisation, où la relation de subordination caractéristique du rapport salarial semble avoir disparu pour ne laisser subsister que le libre contrat entre deux parties supposées égales. Ce capitalisme de plateforme, comme on le désigne parfois, supprime le rapport salarial et incite les travailleurs « indépendants » à s’autoexploiter en enchaînant les heures de travail, en particulier quand la demande est forte, ce qui est utilisé comme argument d’efficacité pour justifier leur utilité.

La forme extrême de cette suppression du rapport salarial survient avec les « microtravailleurs rivés à leurs écrans qui, à domicile ou depuis des "fermes à clics", propulsent la viralité des marques, filtrent les images pornographiques et violentes ou saisissent à la chaîne des fragments de textes pour faire fonctionner des logiciels de traduction automatique » comme l’explique le sociologue Antonio Casilli. La dernière illustration de cette tendance à l’exploitation des travailleurs via les NTIC, vient d’être donnée par le célèbre Chat-GPT ou des Kenyans payés une misère et travaillant dans des conditions inhumaines ont été employés pour repérer les contenus toxiques sur le web.

Car contrairement à l’idée commune d’une intelligence artificielle autonome, celle-ci ne peut fonctionner qu’avec ces travailleurs de l’ombre qui servent autant à entraîner les machines qu’à valider leurs résultats. Loin d’avoir disparu, le travail est invisibilisé et fourni par ce sous-prolétariat payé à la tâche. Les NTIC servent davantage à intensifier le travail de populations invisibles qu’à le faire disparaître. Et il faut aussi noter l’exploitation brutale de centaines de milliers de travailleurs-esclaves par l’industrie minière, dont un bon nombre d’enfants pour extraire les ressources nécessaires à ces technologies.

La seconde conséquence du développement des NTIC dans la société est due à leur utilisation pour des fins de surveillance des individus. Si les raisons données pour exercer cette surveillance sont acceptables, (lutte contre la pédophilie, le terrorisme ou l’hameçonnage), ces pratiques s’étendent de plus en plus pour surveiller les déplacements ou les conversations de tout un chacun. Cette surveillance s’est d’abord développée dans les pays au pouvoir autoritaire comme l’Égypte ou la Chine qui va très loin dans la surveillance de ses habitants, avec la mise en place dès 2014 d’un « crédit social » qui fait passer les devoirs avant les droits. Mais elle est de plus en plus présente dans les pays occidentaux. En Italie, Bologne a adopté au printemps 2022, un « smart citizen wallet » présenté comme « un portefeuille du citoyen vertueux » qui fait des personnes des parties d’un réseau numérique, un projet défendu par IBM depuis 2008.  Et la Commission européenne prépare un « portefeuille européen d’identité numérique ». Quant à la France, Gabriel Attal, alors porte-parole du gouvernement explicitait le projet du second mandat d’Emmanuel Macron en indiquant sa volonté de « redéfinir notre contrat social avec des devoirs qui passent avant les droits ».

Et si le contrôle social des personnes n’a pas encore atteint dans les pays capitalistes occidentaux le degré qu’il a en Chine, ce type de déclaration montre qu’il ne s’agit pas d’une différence de conception.

Les NTIC et la crise environnementale

C’est le troisième volet des conséquences de l’utilisation massive des NTIC sur nos sociétés. Car si elles permettent une innovation technologique dont beaucoup espèrent une nouvelle croissance, c’est au prix de l’oubli de cet impact. Obnubilés par cette nouvelle croissance espérée, ses zélateurs ne voient pas que la finalité reste la consommation boostée par une publicité plus performante. Ce qui impose de produire en masse les marchandises vantées par cette publicité. Mais le but reste le profit, peu importe l’utilité sociale de ce qui est produit du moment que cela se vend. Il en résulte une pression accrue sur les ressources nécessaires à cette production, minéraux, énergie, eau, bois, … dont on voit de plus en plus les effets sur l’état de l’environnement et de notre santé.

Les NTIC sont donc grosses consommatrices de ressources dont on a vu dans la section précédente que leur extraction se faisait au prix de coûts humains inacceptables.

Mais à cet effet indirect vient s’ajouter un effet direct sur l’environnement à cause des émissions de gaz à effet de serre engendrée par ce secteur. C’est ainsi qu’une équipe de chercheurs de l'université de Lancaster a estimé que l'informatique mondiale - téléphones, ordinateurs, télévisions et autres centres de données - génère entre 2,1 et 3,9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), contre 2,5 % pour l'aviation civile. Les chercheurs estiment qu'au regard de la façon dont le monde est de plus en plus connecté, ces émissions continueront d'augmenter de manière significative si aucune mesure n'est prise.

Et pour l’instant, les « mesures » ne sont pas prises. Bien au contraire, on prévoit trois fois plus d’objets connectés en 2030 qu’il en existe aujourd’hui.

Bien entendu, ces constats sans appel ne douchent pas l’enthousiasme des technophiles qui voient toujours contre l’évidence dans les NTIC, un outil puissant pour limiter les émissions de GES.

Par exemple, la très officielle Arcep, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui voit les solutions numériques comme un vecteur d’innovation permettant d’apporter des réponses concrètes aux défis environnementaux est bien obligée d’admettre que malgré ce potentiel pour les autres secteurs le numérique reste émetteur net de gaz à effet de serre.

Les NTIC et la crise anthropologique

C’est peut-être la conséquence la plus préoccupante et la moins documentée de l’usage intensif des NTIC sous régime capitaliste. Si l’environnement est dans toutes les déclarations d’intention, si la crise du travail suscite des débats acharnés et des manifestations impressionnantes comme pour la réforme des retraites en France et si l’économie reste au centre de ces débats sociétaux, les conséquences de ces trois crises qui s’approfondissent sur les humains dans la totalité de leurs rapports sociaux n’est pratiquement pas évoquée dans les débats publics. Pratiquement seul intellectuel à dénoncer cette catastrophe en cours, dans le vide dont les médias l’ont toujours entouré, Lucien Sève n’a eu de cesse dans ses derniers écrits d’insister sur l’urgence d’une réaction. N’étant pas assez lu,[1]on peut sans crainte citer un peu longuement ce qu’il écrit en conclusion de L’homme ? le deuxième volume de sa tétralogie Penser avec Marx aujourd’hui (La Dispute) :

« La liquidation accélérée des solidarités sociales seraient-elles moins graves que la fonte des glaces polaires, et ne nous menace-t-elle pas d’inondations aussi ravageuses ? La contamination des consciences par le primitivisme de l’évaluation monétaire universelle est-elle plus supportable que la pollution de l’atmosphère ? Épuiser les ressources humaines pour une décimale supplémentaire de taux de profit n’enferme-t-il pas dans la même impasse qu’épuiser les ressources minières ? Rendre la vie invivable appelle-t-il moins à s’insurger que rendre la planète inhabitable ? (…) Si l’irresponsable saccage de la planète compromet la survie de l’humanité, l’irresponsable saccage de l’humanité prive d’innombrables énergies la sauvegarde de la planète. C’est à tous égards de première urgence historique : il faut sauver la planète-homme. »

Cette absence de réaction est sans doute en partie due aux politiques néolibérales mises en œuvre depuis Thatcher pour qui la société n’existe pas et qui ne voit que des individus. Une conception formalisée par l’économie néoclassique pour qui il n’y a que des agents rationnels n’agissant qu’en fonction de leurs préférences.

Mais la science économique ne peut devenir une science comportementale qu’en réduisant l’homme à peu de chose et le « comportement » à presque rien. Or l’anthropologie, la psychologie ou la linguistique nous apprennent que l’être humain n’existe pas indépendamment de la société où il vit.

Loin d’être façonnés par nos « préférences », nous dépendons de notre environnement technique et social. Du silex taillé au téléphone portable, toute l’évolution de l’humanité démontre le caractère constituant des objets techniques qui nous entourent.

Mais il n’y a pas que la technologie disponible dans la société. Les rapports sociaux qui s’y développent et dans lesquels les individus deviennent des êtres humains sont encore plus importants.

C’est frappant pour les mouvements féministes qui n’ont pris une grande importance dans les débats sociétaux qu’après l’entrée des femmes en masse sur le marché du travail, portant, par exemple, la revendication de l’égalité salariale, égalité qui n’avait pas de sens au temps où les femmes ne travaillaient pas. De même, les conflits autour de l’immigration et du rôle qu’elle est censée jouer dans l’insécurité se durcissent sur fond de chômage de masse et de l’expulsion de la production de nombreux travailleurs, suite au développement de la mondialisation et de la dispersion des chaînes de valeur.

En révolutionnant le monde du travail, les NTIC jouent un rôle important dans la formation des personnalités dont le capitalisme a besoin pour perdurer et qui découlent des rapports où elles sont prises. Armée invisible des travailleurs du clic, hommes devenus inutiles à eux-mêmes et aux autres, (chômeurs de longue durée, travailleurs précaires, paysans sans terre), télétravail désocialisant, ubérisation, telles sont quelques-unes des formes sous lesquelles des masses croissantes d’individus sont contraints de tenter de s’humaniser.

Mais il faut encore faire un pas de plus et quitter le monde du travail ou du loisir où cherchent à se rentabiliser les capitaux, car avec ces technologies ce qui est aussi en jeu c’est la tentative de valorisation de l’imaginaire avec le développement des métavers et autres NFT. Puisque les secteurs matériels ne permettent plus de rentabiliser des capitaux de plus en plus nombreux, on va chercher à « développer » le vide via la promotion du virtuel. Puisque la vie tend à devenir invivable, réfugions-nous dans le rêve et imaginons que nous contrôlons nos existences grâce à nos avatars et les dépenses qu’ils nous « obligeront » à faire pour leur survie.

La crise anthropologique n’atteint plus seulement les êtres humains dans leurs rapports matériels, mais aussi dans leur imaginaire.

Et si des économistes proclament qu’il « faut prendre le train de l’innovation, on en pense ce qu’on veut mais il faut le prendre, c’est très important », car « les NFT participent sans doute au mouvement de plateformisation de la culture », ce n’est clairement pas l’avis du mathématicien Etienne Ghys, qui, après avoir expliqué le rôle de ces NFT dans la validation des informations via la block chain, pointe l’absurdité d’un système où des acteurs résolvent des problèmes complexes sans aucun intérêt pour prouver leur capacité à valider ces messages, ce qui permet ensuite de vendre en toute sécurité un fichier d’un pixel pour 800 000 dollars à un heureux acquéreur.

C’est conclut-il « un monde décentralisé, un monde anarchique, un monde mafieux, un monde fou qui a perdu le sens des valeurs ». C’est ce vers quoi nous conduit l’utilisation des NTIC sous le capitalisme et dont la mise en friche de l’imaginaire aux fins de rentabilité du capital, est bien loin d’être le « train de l’innovation » à prendre que nous vantent certains économistes.

[1] Et même carrément snobé par les intellectuels en vue, comme Patrice Maniglier, présenté comme une des voies nouvelles de la philosophie en France, ne lui consacre pas une seule ligne et ne cite même pas son nom dans son livre La philosophie qui se fait, qui se présente pourtant comme un panorama exhaustif de la philosophie française. Exhaustif moins Lucien Sève.

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