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Billet de blog 9 octobre 2024

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Kaizen, un produit commercial révélateur d’une époque

Le film d’Inoxtag, Kaizen, sur son ascension de l'Everest, de par son succès inédit pour un film de montagne est révélateur de notre époque envahie par la marchandisation.

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Le film d’Inoxtag, Kaizen ne peut manquer d’interroger par son succès, inédit pour un film de montagne. Plus de 18 millions de vue, plus de 100 000 commentaires le plus souvent élogieux et plus de 1,5 millions de « like » sur YouTube, 340 000 spectateurs en salle en deux jours, une diffusion sur TF1 début octobre sont des signes qui obligent à chercher à comprendre ce que ce film révèle du monde où nous vivons.

De fait, les réactions sont nombreuses et pour le moins différenciées. Certains, comme le sociologue Jean Corneloup y voient une tentative méritoire d’« inviter les jeunes à envisager d’autres visions du monde, en acceptant de s’approprier les principes du Kaizen ». Une tentative certes pas complètement aboutie, mais inscrivant la réalisation de son projet comme relevant « d’un défi et d’une épreuve réussis (et remarquables) qui auront sans nul doute des effets auprès des jeunes, à la recherche d’une voie alternative à leur mode de vie actuel, dominé par les réseaux sociaux postmodernes ».

D’autres, comme Arthur Malé, doctorant en STAPS, y voit surtout la mise en spectacle de l’alpinisme « au service d’un discours méritocratique » construit sur un « exploit (qui) réside davantage dans la traduction de son expérience en produit commercial, plutôt que dans la prouesse physique réalisée ».

Pour ma part, si je partage l’essentiel des propos d’Arthur, j’aborderai ce film sous un autre angle qui se veut complémentaire du sien. Quant à l’analyse de Jean, son souci de rattacher ce film à son cadre théorique défini par la forme hypermoderne dont Kaizen serait un exemple remarquable, tant par les codes culturels qui sont les siens (hérités de la culture geek), que par le décalage qu’il opère avec l’hyperalpinisme « traditionnel » de la performance style Védrines, Jornet et consorts, elle sort trop de ma propre grille pour que je tente de m’y raccrocher par quelque bout que ce soit.[1]

Si on veut comprendre ce qui fait qu’un tel film existe et pourquoi il a eu un tel succès, je pense qu’il faut remonter à la crise profonde, une quadruple crise, économique, sociale, écologique et anthropologique, que connaît aujourd’hui le capitalisme mondialisé.[2]

Au cœur de cette évolution il y a la baisse de la productivité du travail dans les pays de l’OCDE/USA depuis au moins les années 2000. En France elle est de l’ordre de 1% depuis la crise financière de 2007 quand elle était de 5 à 6% de 1945 à 1970. Cette baisse rend l’accumulation capitaliste de plus en plus difficile alors même que c’est la finalité profonde de ce système d’accumuler sans limite.

De ce fait, des milliards sont en quête d’une rentabilité qu’ils jugent suffisante. Mais les secteurs traditionnels de l’industrie ou des services ne permettent plus d’obtenir cette rentabilité souhaitée, que ce soit à cause de la tertiarisation de l’économie, le secteur des services étant moins favorable à l’obtention de gains de productivité, ou de ressources naturelles indispensables qui deviennent plus rares et plus coûteuses à extraire ou encore du peu d’effet de l’informatisation sur la croissance, comparé à celui qu’avait eu l’électricité, le rail et la voiture durant le 20ème siècle.

Pour augmenter cette rentabilité deux solutions sont possibles. L’une est dans la financiarisation croissante de l’économie, qui permet certes des rentabilités à court terme plus élevées, mais au risque (avéré) de crises financières successives dues à l’éclatement des bulles qui se révèlent finalement des impasses. L’autre, qui n’est pas à opposer à la première, c’est l’extension du rapport social capitaliste dans des secteurs où il restait limité. Cette extension peut d’abord être géographique, mais elle est aujourd’hui limitée à l’Afrique qui est le dernier territoire où le développement du capitalisme reste incomplet, ce qui en fait le lieu de toutes les convoitises des pays développés et l’arène privilégiée de l’affrontement entre la Chine et les USA qui sont les représentants de deux formes différentes de capitalisme. Et elle peut aussi, et c’est sans doute celle qui suscite le plus d’espoir pour les tenants du capitalisme, prendre la forme de nouveaux secteurs qui échappaient jusqu’alors à son emprise, dont les trois plus importants sont ceux des loisirs dont la montagne est un des éléments, du vivant avec le brevetage des gènes et l’apparition des pandémies qui fait de l’industrie pharmaceutique productrice de vaccins un acteur majeur, et des données personnelles grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), et au développement des réseaux dits sociaux. Ces trois secteurs ne sont d’ailleurs pas indépendants, notamment à cause des NTIC, qui jouent un rôle essentiel dans les loisirs via les grands networks comme Netflix ou les jeux en ligne, mais aussi dans l’étude du vivant avec les big data.

Cela se traduit par une extension de la marchandisation d’un nombre croissant d’activités. Elle peut prendre des formes aberrantes comme avec la valorisation des dégradations en les transformant en spectacle avant fermeture (c’est le cas de la mer de glace à Chamonix). Mais sa caractéristique principale, c’est qu’elle ne concerne plus seulement des biens matériels ou des services publics qui deviennent privés, mais également des êtres humains qui voient leur rapport au travail transformé avec un retour vers le travail rémunéré à la tâche, une précarisation des conditions de travail liée notamment à des méthodes de management inhumaines, comme l’a illustré le procès France Télécom en 2019 et la remise en cause des protections sociales, et son extension dans l’immatériel, avec le développement de l’IA, des métavers et autres NFT.

Le développement de l’industrie des loisirs (un temps qui par nature n’est pas destiné à créer de la valeur pour le capital puisqu’il est situé par définition hors du temps productif), est une des dimensions vers laquelle le capitalisme mondialisé cherche cette rentabilité qui lui garantirait de satisfaire encore un peu sa soif d’accumulation.

Pour contrer cette évolution du capitalisme il faut cesser de faire du marché tel qu’il fonctionne aujourd’hui le cadre indépassable où se prennent nos décisions de consommation, alors même que c’est ce cadre qui doit être remis en question.

Marx commençait Le Capital en écrivant dès sa première phrase que « La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste apparaît comme une " gigantesque collection de marchandises" ». Il n’imaginait sans doute pas à quel point cette " gigantesque collection de marchandises" pouvait s’étendre, du moindre bien matériel à notre propre cerveau.

Or, pour l’instant on assiste justement au processus qui consiste à mettre l’accent sur la consommation, en la naturalisant comme un moment nécessaire de l’activité humaine, car ce faisant on répond au besoin vital du capitalisme de transformer tout être humain en consommateur de ses produits, quelle que soit leur utilité sociale. Car il ne lui suffit pas de produire toujours plus de marchandises, il lui faut aussi les vendre.

Et c’est cette marchandisation de toutes choses qui caractérise notre monde, y compris aujourd’hui dans les temps dits libres des loisirs qui deviennent un de ces lieux d’extension, associée à une consommation devenue un mode d’être, souvent vécu comme une émancipation personnelle, voire politique.

Kaizen s’inscrit pleinement dans cette dynamique d’abord par son aspect documentaire qui nous donne à voir en quoi consiste l’alpinisme consommé par Inoxtag. Et qui explique les réactions négatives des alpinistes qui ont vu son film.

Car ce qui se passe sur la voie normale de l’Everest quand plus de 200 personnes – un certain nombre ne savent pas mettre correctement leurs crampons seuls – se suivent en tirant sur des cordes fixes qu’ils n’ont pas posées, n’a que peu de rapports avec l’alpinisme qu’on le qualifie de traditionnel, classique ou même hypermoderne tel que Benjamin Védrines en serait le représentant type. Quoi de plus différent en effet que son ascension du K2 en solo, en moins de 24H, sans cordes fixes ni oxygène et celle d’un prétendant à l’Everest qui ne réussit le sommet que grâce à toute une logistique qu’il ne maîtrise pas et n’a fait qu’acheter à une agence spécialisée ? Et il n’y a d’ailleurs pas besoin de faire référence à ce type de réalisation qui touche à la haute performance aujourd’hui pour marquer la différence entre « l’alpinisme » transformé en produit commercial et celui qui peut encore exister comme le souhaite et le pratique le guide Paulo Grobel[3] avec « le refus de l’oxygène, une progression encordée ou de petites équipes d’alpinistes solidaires ».

La cause essentielle de cette différence tient au fait que « l’alpinisme » commercial (au Népal, mais aussi sur les grands sommets médiatisés comme l’Aconcagua ou le mont Blanc) ne peut se développer qu’en tentant d’offrir aux clients un produit où la sécurité est maximum, car on ne peut pas vendre un produit où le risque de mourir de sa consommation soit très élevé, ce qui serait assurément le cas si les clients tentaient l’Everest par leurs propres moyens, c’est pourquoi ce qu’ils achètent ce n’est pas seulement un sommet, mais une forte garantie d’en revenir en vie, ce que le style alpin ne peut en aucun cas promettre. D’où les cordes fixes, l’oxygène, le soutien technique, voire l’hélicoptère. Mais d’où également les conflits entre type de pratiques différentes comme le 27 avril 2013, quand Ueli Steck et Simone Moro, deux alpinistes de haut-niveau qui s’acclimataient sur la voie normale de l’Everest, ont été pris à parti par les Sherpas qui l’équipaient en cordes fixes pour la « saison ». Du coup, ce que l’on vend n’a que peu de rapport avec l’alpinisme tel qu’il s’est développé depuis son origine au point qu’à mon sens il y a tromperie sur la marchandise. « Faire » l’Everest à la queue leu leu en jumarant sur des cordes fixes, si cela nécessite sans doute un effort physique non négligeable, ce n’est pas de l’alpinisme, c’est juste un effort physique dont on peut mesurer la vacuité par la liste à la Prévert des vainqueurs (de 12 ans, des aveugles aux unijambistes et auxquels il faut maintenant ajouter un youtubeur[4]). La voie normale de l’Everest est un produit marchand vendu à des privilégiés et s’il y a des cordes fixes sur les sommets, c’est parce qu’ils sont déjà catalogués comme marchandises et promus dans les catalogues des agences comme telles avec une garantie minimale de ne pas se tuer en faisant un des exemples montrant quel point de dégénérescence le capitalisme est capable d’atteindre quand il cherche à tout rendre marchand. Kaizen illustre spectaculairement ce constat en montrant ces embouteillages, ces camps d’altitude tout installés que les clients n’ont qu’à atteindre ou ces déchets abandonnés par la plupart.[5]

Pour l’instant, la garantie de sécurité minimale (et élevée) est tenue. Selon les données de l’Himalayan data base, plus de 300 personnes ont trouvé la mort à l’Everest, soit 1,2% de ceux qui tenté de le gravir. Mais ce pourcentage était de 4,3% pour la période entre 1922, date de la première tentative et 2000 (soit 219 morts) alors que le nombre total de clients a explosé après 2000, ce qui prouve que la sécurité s’est fortement accrue. Toutefois, le film montre que ces statistiques pourraient bien être obsolètes rapidement, parce que l’ascension est loin d’être aussi sécurisée que doivent le penser les clients. On le comprend quand on voit le groupe d’Inoxtag immobilisé pendant plus d’une heure sous des séracs qui peuvent tomber à tout moment, parce que le franchissement au jumar d’un mur de glace de quelques mètres se fait très lentement par les dizaines de personnes qui sont devant eux. Le commerce de l’Everest continuant à se développer, la probabilité qu’un écroulement de sérac se produise dans ce type de situation ne peut qu’augmenter.

Mais au-delà de cet aspect documentaire, il y a la nature même du produit filmique qu’il nous donne à voir, saturé de placements de produits et de codes visuels qui caractérisent, hélas de plus en plus, les biens audiovisuels qui nous sont proposés. Ces codes impliquent des « belles images » associées à une musique d’accompagnement qui surligne ce que l’on voit, un peu comme les rires enregistrés des sitcoms qui « stimulent » le rire du public. On y trouve aussi dans certaines parties un montage ultrarapide où l’on n’a à peine le temps de voir ce qui nous est présenté, ce qui est une pratique courante en publicité (se rapprochant des images subliminales agissant de manière inconsciente sur la perception des individus).[6]

Il y a aussi le message véhiculé par le film qui, comme l’écrit Arthur, « sacralise les notions de réussite et d’effort, qui, à elles seules expliqueraient le succès d’un individu. En incarnant la preuve par l’exemple, Inoxtag personnifie ce système dans lequel le dépassement de soi est érigé en valeur suprême ».

Et c’est sans doute sur ce point que le film est particulièrement représentatif de ce que j’ai appelé la crise anthropologique qui transforme les conditions dans lesquelles l’être humain s’hominise. Pour que cet être humain devienne de plus en plus un consommateur si nécessaire à l’accumulation capitaliste en formant les marchés solvables indispensables à la vente des produits, il faut le former. C’est notamment en révolutionnant le monde du travail, que se produit la formation des personnalités dont le capitalisme a besoin pour perdurer et qui découle des rapports où ces personnalités sont prises. Armée invisible des travailleurs du clic, hommes devenus inutiles à eux-mêmes et aux autres, (chômeurs de longue durée, travailleurs précaires, paysans sans terre)[7], télétravail désocialisant, ubérisation, telles sont quelques-unes des formes sous lesquelles des masses croissantes d’individus sont contraints de tenter de s’humaniser. Mais c’est également dans le développement de ce qu’Alain Supiot appelle le Marché total « qui étend la logique du calcul économique à tous les aspects de la vie humaine, y compris à l’usage de la parole ».[8] Et cette transformation des personnalités a aujourd’hui des caractéristiques nettes, dont la montée de l’individualisme est un des marqueurs les plus forts qui s’inscrit dans l’idée que la société n’existe pas et qu’il n’y a que des individus libres de leurs décisions.[9]

Cette transformation est également repérable par la montée du narcissisme comme névrose dominante, notamment dans les cabinets de psys, mais également dans les prises de parole publiques et même à la direction de certains États (Milei, Trump, Macron étant des exemples de cette situation).

Inoxtag s’inscrit pleinement dans cette transformation anthropologique qui fait des individus des consommateurs automates. A son échelle, il en est un fer de lance exhortant ces spectateurs qui aiment d'avance son film[10] à l’imiter « selon leurs moyens », car il ne s’agit pas que tout le monde puisse gravir l’Everest, mais que chacun se fixe l’Everest qui lui permettrait de développer la philosophie Kaizen, qui vise l’amélioration individuelle à partir de petits changements progressifs. On pourrait trouver cette position de bon sens, dire que chacun se lance dans l’ascension de l’Everest (ou d’un projet équivalent) ne tient pas compte des situations individuelles, à l’évidence différentes, Mais c’est en réalité une idéologie qui suppose que l’on est un humain dès sa naissance, chacun avec ses propres caractéristiques qu’il n’aurait qu’à utiliser au mieux et à s’améliorer le plus possible comme le suggère la philosophie Kaizen et la théorie néoclassique de l’homo oeconomicus. Ce n’est jamais qu’une version de la maxime qui dit que « si on veut, on peut », chacun se trouvant responsable de sa situation, sans que la société où il s’humanise en réalité puisse avoir un rôle. Pourtant, Inoxtag ne serait jamais devenu ce qu’il est si ses parents l’avaient empêché de jouer sur internet dès onze ans, si Warcraft, puis Fortnite étaient apparus à d’autres moments de sa croissance (ou pas du tout), s’il avait eu d’autres parents, d’autres copains, fait d’autres études, s’il n’avait pas connu le succès sur Youtube, si Youtube n’avait pas existé ou avait développé une autre politique, … bref, tout ce qui dans une société est extérieur à l’individu mais qu’il doit s’approprier pour devenir un humain de son temps (langage, codes sociaux, technologies existantes[11], …).

Bien sûr, rien de tout cela dans Kaizen, juste un individu face à lui-même qui décide en plein libre-arbitre de gravir l’Everest. Dès le début, après les effets numériques où un aigle vole contre les éléments déchaînés (tout un manifeste), la première image c’est lui, de dos face à un paysage peu identifiable (on le saura à la fin), immédiatement suivi par l’image de l’Everest et la dernière c’est toujours lui, une fois qu’il nous a expliqué « qu’il a ouvert des possibilités dans sa vie », confirmant ainsi qu’il est bien l’agent du processus qui l’a mené au sommet. Et si votre Everest vous semble riquiqui par rapport au sien, c’est que votre « nature » ne vous permet pas d’en avoir un autre. Finalement le film ne fait que dévider le refrain méritocratique qui justifie son statut social par ce que l’on a décidé de faire.

Car c’est simple et Inoxtag nous l’explique à la fin en peu de mots, il suffit de « prendre tout ce temps (celui passé sur le téléphone), pour poser ton téléphone et te dire, moi-aussi je vais faire ». Mais est-ce si simple ? Il ne se pose pas la question de la raison qui fait que, dès le plus jeune âge, les enfants réclament leur téléphone pour ensuite y passer captivés plusieurs heures par jour.[12] Ou que des parents justifient que leurs enfants en ait un, par le souci qu’ils ont de savoir si tout se passe bien, un souci qui n’existait pas à cette échelle avant l’apparition de ces appareils. L’accaparement du « temps de cerveau disponible » tourne à plein régime et ce n’est pas une évolution naturelle de l’être humain, guidée par sa « nature », mais bien l’effet de politiques commerciales menées par les grandes firmes du numérique[13].

Avec son film et le message méritocratique qu’il égrène tout du long, Inoxtag s’inscrit parfaitement dans la transformation des personnalités dont le capitalisme a besoin pour continuer à survivre, transformation causée par l’avènement du Marché total que redoute Alain Supiot.

Et comme il est sympathique, plein d’enthousiasme, convaincu de ce qu’il dit et de ce qu’il fait il risque fort d’y contribuer sérieusement. C’est bien pourquoi il faut voir son film et le discuter.

[1] Disons quand même que l’absence de précision quant à ce qu’est cet hypermodernisme omniprésent (souvent associé à un postmodernisme pas plus défini), ne me facilite pas les choses.

[2] Qu’il prenne des formes différentes, comme en Chine et aux USA, qui induisent des confrontations qui contribuent à structurer la dynamique sociétale dans le monde sous toutes ses dimensions, ne doit pas occulter la racine commune de cette crise.

[3] Dans une série d’articles publiés dans Alpine mag, une revue en ligne sur la montagne, il fait un certain nombre de propositions pour aller dans ce sens. Voir notamment son dernier texte sur ce sujet.

[4] Constat qui réduit à néant la publicité des agences spécialisées qui expliquent que l’ascension de l’Everest est réservée à des « alpinistes aguerris ».

[5] Le film moralise à peu de frais sur ce « manque d’éducation » des prétendants à l’Everest. J’aurais tendance à y voir bien autre chose. Faire l’Everest dans ce cadre commercial coûte très cher, entre 55.000 et 70.000 euros par personne (mais ça peut aller plus loin selon les prestations), et ceux qui ont ces moyens ont en règle générale l’habitude d’être servis, et dans leur vie quotidienne ils ne sortent certainement pas leurs propres poubelles. Pourquoi le feraient-ils au col Sud où les conditions rendent cette tâche beaucoup plus pénible ? Au lieu d’un manque d’éducation je pencherai plutôt pour une éducation de riches qui s’attendent à être servis. Pour avoir une idée de cette catégorie sociale très privilégiée et de leurs rapports à leurs domestiques, il faut lire le livre d’Alyzée Delpierre, Servir les riches à La Découverte.

[6] On retrouve ce type de montage dans les scènes d’action des blockbusters où on n’a pas le temps de bien distinguer ce que font vraiment les acteurs (un bon test est de demander au spectateur de lui raconter en détail ce qu’il vient de voir). Par exemple, comparez la scène du duel dans Scaramouche entre Steward Granger et Mel Ferrer (8 minutes de danse magnifiquement chorégraphiée), et le duel d’ouverture du récent D’Artagnan, qui plus est filmé dans le noir, sous la pluie et dans la boue.

[7] Pierre-Noël Giraud, L’homme inutile, Éditions Odile Jacob, 2015.

[8] Alain Supiot, La force d’une idée, Les liens qui libèrent, 2019.

[9] Une idée popularisée par Margaret Thatcher et mise en œuvre avec le développement des politiques néolibérales qui sont aujourd’hui dominantes.

[10] Une parfaite illustration du mécanisme que les réseaux dits sociaux mettent en place pour former ces nouvelles personnalités si utiles au développement capitaliste.

[11] Qu’on voit la difficulté de beaucoup de gens de ma génération (moi compris), à maîtriser le smartphone par rapports aux jeunes qui sont nés avec.

[12] Ce n’est pas mieux chez les adultes, qui y passent en moyenne 3h30 par jour pour les Français (contre 5h dans le monde).

[13] Et il me semble qu’il y ait très peu de chances que l’espoir que Jean Corneloup formule à la fin de son texte se réalise, à savoir que la réalisation du projet d’Inoxtag aura « sans nul doute des effets auprès des jeunes, à la recherche d’une voie alternative à leur mode de vie actuel, dominé par les réseaux sociaux postmodernes ». Si l’épopée d’Inoxtag relatée par Kaizen a des effets sur les jeunes, je crains qu’ils ne soient bien différents de ceux que Jean souhaite. Tout à l’opposé d’une voie alternative à leur mode de vie actuel, c’est bien plutôt un renforcement dans ce mode de vie qui risque de se produire.

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