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Billet de blog 29 août 2024

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Macron : quelle fin de règne ?

Comment parler du macronisme ? Quelques suggestions lexicales suivies de deux scénarios probables suite à l'instabilité institutionnelle créée par Macron.

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Il va sans aucun doute réaliser son rêve : marquer l’Histoire. Emmanuel Macron, par sa dernière décision qui a le mérite d’opérer la clarification qu’il n’a pas su voir dans les urnes, en déclarant que la gauche ne pourrait pas gouverner à cause de son programme (alors qu’il aurait nommé Bardella premier ministre si le RN était arrivé en tête aux élections), rend pour la première fois clairement impossible d’utiliser le terme de « démocratie » pour qualifier le régime politique en France. Il restera donc à jamais le premier président de la République à devenir son fossoyeur. Et bien sûr au nom de la « stabilité des institutions » qu’il faut évidemment traduire par la nécessité de continuer à appliquer la politique qui nous a conduit là, à ce moment d’une stabilité évidente, politique qui a justement été démocratiquement rejetée dans les urnes. Ici, Romaric Godin dit l’essentiel dans son dernier article.

Mais il y a aussi la possibilité qu’il marque le champ lexical en l’enrichissant de nouvelles expressions, de nouveaux adjectifs, de nouveaux verbes ou de nouveaux mots (pour Emmanuel Macron seul un enrichissement est acceptable, on n’imagine pas son patronyme associé à la moindre idée de pauvreté). La liste que je propose ci-dessous ne prétend évidemment pas à être exhaustive et je fais confiance à la créativité lexicale du peuple pour l’augmenter, la peaufiner bref, l’enrichir (on ne prête qu’aux riches).

Un Macron (ou une Macron, le terme étant épicène[1]) pourrait désigner

  • Quelqu’un dont on ne peut pas croire la sincérité de ses propos
  • Un dictateur en puissance
  • Un imbécile qui veut paraître intelligent
  • Un narcissique aigu.

Macronisme

  • Doctrine néolibérale quasi chimiquement pure se traduisant par un soutien sans faille au capital et à l’enrichissement des plus riches, associé à la destruction rapide des services publics et au recours à un autoritarisme qui va jusqu’à s’attaquer à l’intégrité physique des opposants.

Macronard

  • Terme péjoratif désignant toute personne prête à n’importe quelle justification idiote pour défendre Macron quoi qu’il ait dit ou décidé
  • Exemples : Meta, Fraternitain, Vue de Genève et la petite dernière Lucie Casse-Tête, les commentateurs compulsifs du moindre texte critique envers le macronisme et/ou Macron lui-même.

Macronien, macroniste (syn.)

  • Partisans inconditionnels de Macron. Pour l’instant ces deux termes peuvent être considérés comme des synonymes, mais avec le temps il est possible qu’ils en viennent à désigner des variantes subtiles chez les partisans de Macron, par exemple en fonction de leur degré d’inconditionnalité. Ils risquent cependant de devenir rapidement obsolètes tant l’avenir politique de Macron est incertain.

Macronarien

  • Personne ne pouvant écouter que des informations à la gloire de Macron. Il existe une forme plus extrême, le macronalien pour qui cette injonction s’applique à toutes les émissions, de quelque nature qu’elles soient (infos, documentaires, fictions, …)

Macronaille

  • Petites mains du macronisme chargées des basses œuvres. Une caractéristique sociologique de ces personnes est qu’elles sont à 99,8 % des CSP+ avec un revenu mensuel minimum de 8743 euros. Une exception : Alexandre Benalla.

Macroner

  • Faire le Macron dans un des sens précédents : Parler en pensant le contraire, s’imposer par la force (physique ou morale), pérorer pour attirer l’attention, se croire le centre du monde. C’est bien évidemment un verbe intransitif.

Macronisation

  • Processus d’évolution d’un individu vers la doctrine macroniste. Se repère en général par la faible cohérence de ses propos et une tendance marquée à s’écouter parler.

Macronement

  • Manière de se comporter qui tend à imiter Macron (parler (principalement de soi), se contredire en deux phrases, se mettre en colère brutalement, …).
  • Exemples : Si quelqu’un explique que la réforme des retraites était absolument nécessaire, on peut dire qu’il a parlé macronement. Il agit macronement, autre manière d’exprimer le fait qu’il « fait le macron » (voir plus haut).

Macronal

  • Désigne un propos, une posture, un comportement qui fait penser à Macron. Peut avantageusement s’employer comme synonyme de « méprisant ».

Macronesque

  • Adjectif qualificatif qui désigne une situation, une personne, un événement, … qui fait penser à Macron.
  • Exemples : Se dit d’une réception très coûteuse payée par le contribuable. Un individu chaussé de Berluti et portant un costume sur mesure sera qualifié de macronesque. Un discours prononcé avec emphase, plein de phrases creuses est un discours macronesque.

Macronophobie        

  • Détestation de Macron. Comportement normal d’un individu qui vit en France depuis 2017.

Macronophilie

  • Trouble grave de la personnalité. Heureusement en voie d’extinction par diminution rapide des macrophiles. A été dangereusement contagieux. En cas de suspicion d’infection, faire le 15 et prier pour que les urgences fonctionnent encore.

Vaccin antimacron

  • N’existe pas pour l’instant et risque de devenir inutile avec la perte d’influence du macronisme.

Macronaste

  • Spécialiste du macronisme, une carrière professionnelle peu prometteuse.

J’arrête ici cette liste et vous suggère de donner libre cours à votre créativité et pour terminer plus sérieusement, envisager les conséquences les plus probables que vont impliquer le refus de Macron d’accepter la démocratie.

Je vois deux scénarios principaux possibles. Comme le gouvernement sera à la botte de Macron suite à son coup de force, il doit absolument en nommer un[2]qui ne doit pas être censuré immédiatement, sous peine de ruiner son argument du refus d’un gouvernement NFP pour cause de certitude de censure[3]. Et comme pour ce faire il n’a aucune majorité et que le NFP demandera la censure, la seule façon pour lui de ne pas l’être c’est de donner des gages aux LR et bien sûr au RN. Autrement dit, on peut dès à présent anticiper que la ligne politique qui sera engagée sera un renforcement droitier de celle pratiquée jusque-là. En particulier, le RN étant obsédé par l’immigration (c’est l’argument principal qu’a donné Marine Le Pen pour justifier qu’elle censurerait tout gouvernement NFP), la politique migratoire déjà xénophobe risque fort d’être accentuée. Quant au soutien sans participation des LR, ce sont les services publics qui vont nécessairement en pâtir puisque c’est l’obsession de ce parti qui traduit « services publics » par « assistanat ».

Cette situation fort risquée pour Macron rendrait à mon avis une dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2025 sans garantie d’un résultat qui lui agrée. S’il s’y risque néanmoins, c’est la porte ouverte à une défaite majuscule de son camp qui n’a plus aucune chance de voir fonctionner le front républicain qui lui a sauvé ses députés en juillet. D’où deux issues, la victoire du RN qui aura cette fois-ci sa majorité absolue[4]ou celle du NFP s’il a su rester uni[5]et mène dès aujourd’hui une campagne[6] pour rallier les abstentionnistes et une part de l’électorat ouvrier qui s’est reporté sur le RN.

L’autre scénario, c’est la présidentielle de 2027, qui ne se présente pas sous de meilleurs auspices pour Macron, surtout avec deux ans de plus de sa politique inféodée au capital et compte tenu que le soutien du RN ne peut que s’effilocher au fur et à mesure de l’approche de ces élections (ou du moins sa neutralité actuelle où il insiste plutôt sur le rejet du NFP). En effet si ce dernier veut apparaître comme une alternative au macronisme, il va bien falloir qu’il s’y oppose. Et de plus en plus à l’approche du vote. Pour le NFP la situation est la même que dans le cas d’une élection en juin 2025 : rester uni, et gagner des voies chez les abstentionnistes et au RN.

[1] C’est-à-dire aussi bien masculin que féminin.

[2] Oui, oui, je sais que formellement ce n’est pas lui qui le forme, mais seul un macronard peut nier cette évidence que c’est lui qui décide de tout, secondé par Brigitte.

[3] Il est impressionnant de voir à quel point des « journalistes », telle Sonia Devillers interrogeant Lucie Castets au lendemain du coup de force de Macron sur France Inter, ne font que lui opposer l’argument même utilisé par Macron pour justifier sa décision. Cette « journaliste » ne trouvait rien de mieux, sur le ton d’un prof tançant un élève qui ne veut pas comprendre, que de reprendre Lucie Castets en lui « expliquant » que puisqu’elle aurait été censurée (un événement présenté comme un fait), il était « logique » de ne pas la nommer. C’est évidemment inverser le raisonnement en utilisant un événement possible pour justifier l’injustifiable, alors que cette possibilité ne pouvait exister que si le NFP était au gouvernement et mettait sa politique en débat. Autrement dit c’est accepter comme certain que les opposants à cette politique étaient tenus de la censurer avant même tout débat. Et après on critique le refus du compromis de la part du NFP, comme le fait une nouvelle fois Thomas Legrand dans sa tribune de Libération du 28 août. Il est sûr qu’avec des « journalistes » de ce calibre, l’information diffusée ressemble fort à du bourrage de crâne.

[4] Elle pourrait d’ailleurs n’être que relative puisque Macron n’hésiterai pas cette fois-ci à nommer Bardella à Matignon.

[5] Le point faible c’est évidemment le PS mais faire sécession aujourd’hui comme Carole Delga qui se prête au jeu de Macron en acceptant de le rencontrer, c’est empêcher tout report de voies de la gauche et perdre la quasi-totalité de ses députés. Je ne pense pas qu’il s’y risque.

[6] Qui devrait être axée sur le contenu de son programme en rupture nette avec le macronisme : smic à 1600 euros rapidement, abrogation de la réforme des retraites, engagement d’amélioration des services publics, en premier lieu l’hôpital et l’école.

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