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Billet de blog 7 juillet 2013

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BLOG À PART – 15 –

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je dédie ce quinzième épisode à mon amie Grain de Sel que j’embrasse ! GW

Charlotte s’était alarmée de la soudaine absence de Marc, aucun message, impossible qu’il ait laissé limules et topinambours sans les soins auxquels sa passion ne l’autorisait pas à déroger.

Un malaise soudain, une suée et la sensation d’un palpitant en breloque, Marc avait opté pour les urgences. Deux jours d’examens intensifs pour s’entendre dire que sa haute tension ne devait rien au harassement que ses passions agricoles occasionnaient mais que quelques pilules s’imposaient.

Charlotte enfin prévenue par un sibyllin S aime S était accourue. Juste arrivée pour la remise en route de la machine à clair de Lune. Marc devait se rendre à l’évidence ; qu’il faille aux limules un clair de Lune pour copuler, qu’il dût recueillir dans une cupule et les transvaser dans une coupelle plus confortable les œufs fraichement pondus, tout ceci était prévu, l’imprévu se révéla être l’effet désastreux sur les topinambours.

Cupules et coupelles, instruments de protection ensablés sur la plage artificielle, devaient épargner aux œufs de limules la prédation par un couple de corneilles établi sur le clocher voisin. Mais des topis blafards comme de vulgaires navets, affadis par les rayons bleus qu’aucun réglage de la machine ne permettait sans compromettre la copulation, c’était la ruine d’un commerce que le hors-sol promettait profitable.

La contemplation de la belle et brune chevelure de Charlotte tenait lieu de remontant à Marc, bien qu’il dût descendre de sa terrasse pour la rejoindre et l’humer. Brune et d’aucun d’ajouter légèrement auburn, ce que Marc trouvait déplacé, auburn, comme on dit aux fraises ! Grotesque ! Et ses yeux que les gourdes disaient bleus mais qu’elle revendiquait vert Ceylan. Marc avait consulté toutes ses encyclopédies et même cherché des images sur Gougueulle, le vert Ceylan qu’il trouvait reproduit était d’un terne, si terne que l’éclat pétulant des yeux de Charlotte ne pouvait y être comparé.

Si ternes, oui, et la sonnette venait tirer Marc de sa contemplation pour qu’il reçoive une nouvelle citerne d’eau de mer de l’Atlantique Nord. La terrasse devait encore pouvoir supporter pareille masse et sa prise en charge par l’autre machinerie, celle des marées qu’il fallait identiques à celles des côtes Est des État-Unis. Noire machine qu’il fallait accorder au rythme lunaire propice à une fécondation intensive des limules.

Consolé de toutes ses contrariétés par la présence radieuse et réconfortante de Charlotte, Marc dut reconnaître avoir un peu négligé la rédaction du Dos des Pseux. Un peu emberlificoté dans le méli mélo, méli dramatique et mélo de comptoir qu’il avait créé, Marc se trouvait perturbé par la visite que certains de ses personnages lui avait rendue à l’hôpital.

Sa chère amie « cocher » , Tassadit, oubliant tous les mon chéri qu’elle distribuait à l’encan lui avait témoigné par un je t’aime ce qui ne pouvait qu’être une amitié platinique, inoxydable comme le métal homonyme.

« LE DOS DES PSEUX » épisode n°15

Le bar du Splendid était en émoi, ce qui n’empêchait pas Gersainte d’offrir une échappée sur la courbe de ses mollets à ceux qui, d’un œil, quittaient leur Tuborg. Émoi causé par l’arrivée inopinée du commissaire Caramail, si attaché au respect de la loi qu’il avait trouvé un énorme conflit d’intérêt créé par le mariage, si gai qu’il fut, de nos deux flics, Kader et Pepino. Mais impossible de séparer ce couple de flics du trio qu’ils constituaient avec David, trio si habile à faire prospérer les petits arrangements de l’économie locale. Alors Caramail avait tranché ou plutôt leur avait collé une supplétive, une fliquette nommée Gertrude. Gertrude Gbagbo, bien que de famille ivoirienne n’avait aucun lien de parenté avec l’incarcéré de La Haye. Caramail avait fait le choix d’une mixité colorée sensée  venir à bout des abus constatés à l’étage des « Sept stades du plaisir ».

Mais l’émoi me direz vous, l’émoi découlait des conversations sur les affaires, affaires dont la presse se faisait l’écho. Nos deux tauliers auvergnats, Gersainte et Justin ne pouvaient endiguer cette intrusion de la politique dans leur établissement. Plus les conversations étaient animées, violentes parfois, moins les consommations se vidaient et les yeux que jetaient Gersainte au pauvre Justin avaient l’éclat du feu d’une Kalachenikofe. Lassido s’étonnait de cette orthographe mais avait reconnu que l’origine de ces armes était aussi trouble que leur destination.

« Zavez vu la couleur qui s’est mis aux cheveux le Pujadas ? » Pas pour faire jeune comme le Tapie mais pour faire noir, plus teigneux. Comme si teigneux était une histoire de cheveux.

Gersainte crut bon d ‘intervenir et d’un bon cru calmer Spission entamé par les ruses du Tapie, indifférente au sort des millions qui ne pouvaient qu’atteindre le montant de sa recette. Déjà qu’un Caramail lui collait des mélancolies…

L’été déjà las avait engrisé la place Paul Décibel, les terrasses n’étaient que chaises en rotin, les rares postérieurs réfugiés à l’intérieur. Le nouveau parc de Zotoslibres avait décimé la place réservée aux motos et l’accident de la pauvre Madame Dudesclin qu’avait pas entendu l’électrique lui foncer direct sur le col du fémur alimentait ce qui restait des brèves au comptoir du Splendid. Tassadit les avait pourtant prévenu, l’électrique c’est pas si silencieux que ça ne couvre pas le bruit des protestations. Mes chéris, mon coche au moins y sent bon et vos gniards y trouveront des bonbons.

Marc, descendu de sa terrasse aux limules vers sa prise de pilule était prêt à entendre Charlotte et ses derniers émois littéraires. Il lui passait indulgemment son attirance pour les émissions de François Busnel et se demandait à quel charme elle pouvait avoir succombé pour acheter « La disparition de Jim Sullivan » de Tanguy Viel. Charlotte lui rétorqua qu’un livre publié chez Minuit ne devait pas laisser insensible  un multiplicateur de clairs de Lune. Le challenge comme ils disent dans les journaux papier d’écrire un roman américain en tenant le lecteur par la main en justifiant le choix des accessoires littéraires, automobiles ou paysages, avait conquis Charlotte. Plus difficile fut l’aveu de cette dernière de son dernier dimanche et de l’invitation qu’elle avait reçue d’assister à un petit concert privé chez le professeur de piano d’un de ses amis. Et de sa rencontre avec Daniel qui, dès qu’il eut ôté son blouson de cuir orné tout autant que sa rutilante Harley Davidson avait laissé paraître ses pectoraux impressionnants. Charlotte ne savait pas comment raconter à Marc que ce Daniel, au demeurant officier de police judiciaire, avait chanté un air de Pamino de la Flute enchantée, du coffre avec tout de même un léger défaut de prononciation de l’accent tonique allemand.

Marc dut subitement remonter sur sa terrasse, les corneilles ayant décidé de s’attaquer à deux limules, faute d’avoir pu gober leurs œufs. Pauvres limules, le corps vidé par ces noires corneilles et leur pâle sang bleu répandu sur le sol. Pourvu, se dit Marc, qu’aucune fuite ne goutte sur le chignon de Madame Dudessous. Charlotte donna la main pour éponger au mieux et avec noblesse tout ce sang répandu à l’insu d’un Marc trop distrait par ses confidences mozartiennes.

Deux limules, les huit pattes en l’air, Charlotte dit à Marc qu’il n’avait plus qu’à penser au seizième épisode du « Dos des Pseux ».

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