Photographe, ayant fait ce choix pour des raisons si précises qu’il faudrait un livre pour les dire, tenter d’écrire sur des artistes pour qui le dessin est leur vie relève de la gageure. Dans Paris, le Marais notamment les artisans horlogers, maroquiniers, et autres boutonniers quand ils n’ont pas vendu leurs échoppes à des commerçant chinois plus industrieux cèdent leurs baux à des galeries d’art. Quelques cloisons abattues et un bon coup de blanc, l’art contemporain n’a qu’à bien se tenir. Si la rue au Maire reste encore aux grossistes chinois, toutes les rues près des Arts et Métiers, les rues Chapon, des Gravilliers, de Montmorency, du Temple voient fleurir ces jeunes galeries, non loin des grosses locomotives du marché, comme on dit.
Aussi quand une amie vous présente un couple qui expose des artistes, non pour une cote que le marché ne leur promet pas, des artistes dont chaque œuvre vous donne l’impression que vous êtes face à un enjeu vital, vous vous donnez comme un devoir de rendre hommage à ce courage. Anna Hartmann et Claude Forget ont repris une ancienne cave à vin, ils en ont soigneusement gardé le bandeau dont la typographie garde la poésie du vieux Paris et en ont fait une bien attachante galerie Prodromus. Le Prodrome est une flore d’Australie du début du XIX ème et la galerie s’est donnée pour but de donner à voir des artistes qui peuvent vivre simplement et creuser leur sillon avec les outils et les matières qui les inspirent. Chez Anna et Claude, les vernissages sont joyeux, une jeune fille et son violoncelle, et trois enfants gais et discrètement turbulents se faufilent entre les invités.
JEAN MURGUE
Sculpteur du métal, Jean Murgue montre ici de délicats paysages. Il nous raconte discrètement le sort qu’il fait subir à la matière, au lessivage de ses papiers pour nous livrer ses délicates images serrées entre deux verres habilement sertis d’un fin fil de fer. Il y a aussi des paysages qui sont issus de photographies retravaillées au point qu’on les regarde comme des gravures, inimaginables qu’elles soient encore des photographies.
NINE GESLIN
Pour cette exposition Nine Geslin délaisse ses sculptures métalliques, son bestiaire de fil de fer pour des dessins d’une facture somme toute assez classique. C’est avant tout sa sincérité qui donne sa cohérence à son travail. Patrick Rocard expose en même temps qu’elle, son compagnon dans leur vie angevine. Patrick s’amuse des livres, on peut en feuilleter trois, dans lesquels Nine dessine au recto comme au verso, rendant les objets si beaux qu’ils sont tout à fait invendables. D’une page à l’autre, la colle n’est pas encore tout à fait sèche et les morceaux de toiles, de dentelles et autres fantaisies accrochent un peu pour que le lecteur s’y attarde et trouve le temps de son plaisir.
PATRICK ROCARD
Peintre, Patrick Rocard expose ici des dessins enlevés à l’encre de chine sur des vieux papiers qui font penser à des pages de registres anciens, aux calligraphies nostalgiques sagement alignées sur des tracés soucieux d’une rigueur administrative. Patrick n’hésite pas à l’ajout d’aplats de couleur, de gouaches ou de lavis qui donnent à ces œuvres graphiques la cohérence qui développe nos émotions. On retrouve avec plaisir les petits livres de Patrick Rocard comme son hommage au bateau ivre d’Arthur Rimbaud, « Les limules électriques ».
J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
-Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?
Arthur Rimbaud
PRODROMUS
46, rue Saint-Sébastien
75011 Paris
Tél. : 01 43 14 48 25 / 06 60 44 48 25
Du mardi au samedi de 14h à 19h et sur RV