
Il faisait froid ce soir là, le 13 février, la bise s'engouffrait par le moindre interstice laissé entre-ouvert. Alertés par deux amis écrivaines nous étions venus porte de la Chapelle avec notre puéril espoir de déplacer ces énormes pierres que la mairie de Paris avait fait soigneusement déposer à touche touche sous le pont de chemin de fer qui enjambe le boulevard Ney. Ce pont était devenu un abri de fortune à quelques un des réfugiés venus d'un lointain Soudan ou d'un autre ailleurs insupportable à vivre. Un abri en attendant qu'une place se libère dans cette bulle que la maire de Paris a installée au pied d'immenses hangars désaffectés, vides ou concédés à un improbable bowling. Quatre cent places à l'intérieur pour quelques centaines dans le froid des trottoirs et du chantier de prolongation du tramway, en attente d'une hypothétique place, prémisse d'un nouvel exil...


Arrivés un peu trop en avance pour ce rendez-vous de 19h, il nous avait fallu assister à une bagarre entre réfugiés, violente au point de faire des blessés évacués par les pompiers. Les familles Roms qui s'étaient bâtis des cabanes sur une voie inutile de la petite ceinture SNCF regardaient la scène sans bien comprendre qu'on puisse ainsi se battre pour une place dans une bulle qu'on ne leur proposerait jamais. Trois cent personnes qui devaient escalader un mur sur une échelle fragile pour rejoindre, en contre-bas leur logis de fortune. Le trottoir au pied de ce mur était devenu le terrain de foot pour les gamins Roms. Quelques jours plus tard un incendie fort opportun sera le prétexte à l'évacuation de ces trois cent personnes pour faire place nette et satisfaire le désir de la SNCF, propriétaire jaloux de ces voies inutilisables.









La mairie de Paris sait que la communication lui est plus profitable qu'une politique. Sentant un mouvement solidaire se construire pour obtenir le déplacement de ces lourdes pierres, elle ne trouvait pas mieux que d'avouer les avoir posées là, ne sachant qu'en faire après qu'elles ont été extraites du chantier du tramway, à proximité. Et voilà que Cœurs de Pierre et Solidaires entreprend de venir redonner vie aux cailloux honteux ; faire dire aux pierres que leur vie est de bâtir les demeures, dire qu'elles sont le lien de la solidarité. Après les travaux savants des pierreux qui ont réussi à bouger les tonnes inertes pour laisser une petite place aux pauvres couchages des réfugiés, la mairie menaçait de l'imminence de la démolition du pont devenu miraculeusement fragile ! Une fonte devenue fondante comme la neige ?
Le samedi matin devenu le rendez-vous de Cœurs de pierre et Solidaires au matin du 25 février la fragilité du pont était consolidée par le ruban adhésif qu'on peut voir sur les photographies.
Le 11 mars nous avions rendez-vous. Les pierres étaient gravées Liberté, Égalité, Fraternité, mais aussi salut à toi le Soudanais ! Quel plaisir de voir Yan Noblet au travail, citer Vézelay et sa basilique pour parler de l'animal allégorique qu'il termine avec l'aide d'un jeune garçon, arrivé là, comme guidé par cette nouvelle passion qu'il découvre, la taille de pierre. Un jeune dont nous ne saurons pas le nom, parlant un peu l'anglais, mieux l'allemand et trois mots de français. Il est peut être Rom, mais peu importe d'où il peut venir, ce qui compte c'est cette force qu'il met dans sa nouvelle passion et ce qui est écrit sur son tee-shirt, make some noise !

















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