Mercredi 13 mai, Saint-Ouen (93). N'écoutant que son courage légendaire et les conseils de son coach en coups médiatiques, l'intrépide ministre de l'intérieur a lancé ses plus vaillants guignols au cul des rupins des beaux quartiers, qui descendent en hordes dans nos paisibles banlieues et perturbent la vie locale. Photo-reportage exclusif.
Les Audoniens sont à bout de nerfs. Les habitants de cette petite ville tranquille de la plaine de France que borde la boucle de la Seine, ne supportent plus que des bandes de bourgeois sans foi ni loi viennent jusque devant leur maisonnette piétiner leurs plates-bandes. « Ils débarquent par la ligne 13, bondée dès potron-minet. Regardez dans quel état ils ont mis mon jardin ! Tout est ravagé : mes tomates écrasées sous la semelle des mocassins, mes potirons fêlés par les coups d'attachés-case ! » se plaint Marie-Jeanne, qui se fâche : « ces fainéants de cols-blancs ont les doigts palmés, ou quoi ? Ils peuvent pas faire pousser leur weed sur leurs balconnières bio, plutôt que de venir nous emmerder à fumer la nôtre ? »
Mais aujourd'hui les poulets sont là et ils ont ramené leurs potes gabelous, que l'on croyait à tort espèce éteinte, pour agrafer enfin les cailleras qui pullulent dans les tours de bureaux puis affluent en nos riantes campagnes afin de s'approvisionner en produits prohibés sans lesquels ils ne tiennent pas leurs objectifs de performance. Pour passer inaperçus et se fondre dans le décor, les rusés fonctionnaires se sont grimés en livreurs de cailloux. « La demande de crack est exponentielle », nous confie l'un d'eux sous couvert d'anonymat. « Vous allez les voir rappliquer sur leurs trottinettes, dès qu'on aura fini de décharger : c'est de la bonne coca fournie par l'Etat ! Si jamais il en reste, on saura quoi en faire !», murmure le jovial argousin en lançant au collègue un clin d’œil complice.
L'expédition policière est un véritable succès. Nos glorieux képis tricolores ont flanqué pas moins de 49 amendes en une seule journée, ce qui porte un coup fatal à cet odieux trafic de stup qui empoisonnait l'existence d'Alphonse, le digne propriétaire des « caves Emile Zola », le troquet du coin. « Il faut que le consommateur français retrouve le plaisir des vieilles traditions », affirme le bistrotier. « A quoi reconnaît-on un bon vrai Gaulois, si ce n'est à cet esprit typiquement de chez nous qui conduit le chômeur comme la victime du burn-out, à assommer son désespoir à coups de canons répétés? Chez moi, il y en a pour tous les goûts, et en toute légalité !»
Après une telle opération à hauts risques, menée de main de maître, le premier flic de France ne cache plus ses ambitions. « Nos compatriotes veulent un vrai chef pour remettre de l'ordre en France, je crois qu'ils l'ont trouvé », nous déclare le ministre de l'intérieur en se frottant les pognes, avant d'ajouter, finaud, « mais c'est en off bien sûr ! »
TEXTE de Juliette Keating - 16 mai 2015