Léon bouif, Cavalier cinéaste

C'était hier la projection du dernier des six portraits XL réalisés par Alain Cavalier, Léon bouif de 1945 jusqu'à 2006, rue Boileau. Ainsi se clôturait les « Rencontres du cinéma documentaire » au Méliès de Montreuil, en présence d'Alain Cavalier et de Léon Maghazadjan filmé par Alain en 2006 juste avant qu'il mette fin à sa longue vie de travail de cordonnier, bouif comme Léon aime à nous le répéter en argot titiparisien.

Quand je suis arrivé dans le quartier en 1983, je cherchais à faire réparer une sacoche en cuir dans laquelle je protégeais mes Leicas et dont la fermeture avait perdu le moindre éclair. On me conseilla d'aller interroger le cordonnier de la rue Boileau, qu'on me disait friser le parnasse du métier. Léon m'accueillit comme le poète qu'il est et la sacoche, quelques jours plus tard avait retrouvé l'éclat du neuf.

Léon avait beaucoup d'amis, rue Boileau. Serge qu'il appelle le libraire, marchand de journaux, arménien comme lui et qui n'a pas survécu un an à sa retraite... Si vous apportiez une paire de chaussures, le matin, Léon pouvait bougonner puisque vous interrompiez son écoute de la radio arménienne. Mais vous aviez l'assurance d'un diagnostic sans faille pour ces chaussures dont il vous démontrait qu'elles avaient été fabriquées par des gougnafiers. Léon, son « certif » en poche, son père ne lui avait pas laissé le choix, il fallait bosser ! Plus de quarante ans au boulot, Rose qu'il surnomme Rosette au comptoir. Rosette qu'il a renvoyée à la maison quand il a trouvé qu'il était temps qu'elle se repose un peu.

Et quand il annonça d'un petit écriteau posé sur le comptoir qu'il cesserait son activité fin mai 2006, je lui proposai de faire quelques photos de sa si jolie boutique. Nous étions devenus amis et ses craintes face à l'appareil se cachaient derrière la confiance qu'il me faisait.

Un après-midi d'avril 2006, je poussais la porte de la boutique, appareil en bandoulière, et me trouvais nez à nez avec Alain Cavalier qui filmait Léon ! Cette rencontre fut suivie de beaucoup d'autres en compagnie de Rose et de Léon pour des déjeuners bien sympathiques dans un petit bistrot du quartier. C'est Léon qui me téléphonait pour proposer les dates.

Et hier c'était une bonne surprise quand Alain Cavalier m'annonça l'arrivée de Léon accompagné de Rose, sa fille et son gendre pour assister à la projection de « son » film. La salle du Méliès à Montreuil était bien remplie et les applaudissements nourris. C'est donc un petit hommage que je leur dois avec ces photographies.

 

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