Marc Duchrétien n’en croyait pas ses yeux. Il est vrai qu’il y avait longtemps qu’il ne croyait plus en rien mais cette neige sans discontinuer, un dimanche, tout le poussait sur le fil de Médiapart. Il fit le tour de ses contacts, revint consciencieusement sur chacun de ses billets. La balance des taux de recommandations et des commentaires le décevait, une fois de plus au point qu’il décida de se lancer enfin dans l’écriture d’un feuilleton qui, va t’on savoir – il ne pouvait écrire si Dieu le veut bien, n’y ayant jamais cru - pourrait un jour faire un livre. Il venait de trouver son titre, sa manière de vengeance envers ceux qui snobaient ses billets. Il bascula la touche du clavier sur l’italique, une petite touche qui le fit rêver d’Italie.
« LE DOS DES PSEUX »
Quentin Tamarre avait pour habitude, après avoir acheté au kiosque Le Parisien, l ‘édition Hauts de Seine pour sa page Boulogne, d’aller boire sa première Tuborg au bar le Splendid, place Paul Décibel. La première était rapidement suivie d’autres Tuborg et des tournées qu’il offrait à tous ceux qui partageaient ses commentaires sur les matchs de la veille. Ils étaient déjà six quand il aborda le sujet du Quatar. Justin, le gérant cantalou du Splendid craignait que Tamarre aborde la politique. Les discussions enflammées ralentissaient la baisse du niveau des Tuborg, le chiffre ne faisait plus son affaire.
Le gros Jacques et son frère Marcel avaient toujours quelques bonnes histoires salaces en magasin et leur blague favorite avait été de surnommer Quentin le Saint. Quentin s’offusquait aussi bien du salaire des joueurs du PSG que de l’argent donné par le Quatar aux « neuf trois » pour fabriquer des talibans fanatiques. Mais d’une bière à l’autre, les contractuels alignant les doubles files, la conversation glissait, le temps s’y prêtait, sur la politique de circulation mise en œuvre par la Mairie. Quentin Tamarre s’adressait à la cantonade qui plongeait dans son petit noir, ne voulant pas prendre parti. Jacques et Marcel carburaient au Kir blanc sec. Le grand Michel Pission passait aussi ce jour là mais sa préférence allait à la Suze. Mais qu’est ce que la France va faire chez tous ces bougnoules ? Et zavez vu tous ces Roms avec leurs chiards sur les trottoirs ? Qu’on renvoie tout ça chez eux concluait Quentin approuvé par la cantonade. Y’avait pas un joueur de foot qui s’appelait Cantonade osa le gros Jacques ?
Tiens vla’ Lassido hurla Quentin, ravi de l’arrivée de son souffre douleur. Fabrice Dugenou est un clarinettiste dont le talent n’est pas reconnu à sa juste valeur. Aux yeux de Quentin Tamarre il cumule un défaut rédhibitoire, être abonné à Médiapart et nous emmerder avec l’histoire Dahublic. Kifasseskiveut avec son pognon ce con et puis Plenel il a pas de preuve. D’ailleurs le Canard, l’a bien dit que tout ça n’était qu’une histoire de cul.
« Paraît qui vont baisser les retraites, j’va encore plus pouvoir gazoliner ma Tvaingo ».
La Suze de Spission venant à manquer c’est Dugenou qui fouilla son arfeuille pour renouveler les consos. Pour une fois que Lassido paie une tournée hurlait Tamarre !
Le téléphone se mit à sonner et Marc Duchrétien, à la voix de Charlotte remit à demain la suite du feuilleton. Charlotte, il l’avait connue par un message privé sur Médiapart et elle était montée à Paris pour les fêtes. Elle était belle, naturelle, drôle et brillante. Il se demandait s’il serait à la hauteur. Elle avait payé le premier repas à la brasserie du Rond-point. À charge de revanche avait-elle dit quand il se demandait si elle ne l’avait pas trouvé trop moche, trop décati. Il se dit qu’avec la Clarinette de Dugenou il aurait plus de chance… Quand il raccrocha le téléphone, c’était l’heure du JT, le feuilleton attendrait. Il glissa une pizza dans le four pendant que Delahousse recevait Kouchner venu recycler son droit d’ingérence. Après ce diner rapide il retourna compter les recommandations sur ses billets et eut la surprise de lire un commentaire de Charlotte à son dernier envoi sur la culture hors sol des topinambours. Il éteignit l’ordinateur et se coucha.