Charlotte était arrivée chez Marc bien décidée à aborder le sujet qui la hantait ; les commentaires qu’elle avait lus sur son Médiapart aux derniers épisodes du Dos des Pseux et les lecteurs choqués par la tournure que Marc avait donnée à son histoire. Marc n’était pas surpris que ses élans amoureux troublent l’addiction de Charlotte et il n’avait rien d’autre à lui opposer : la stricte réalité des anecdotes qu’il rapportait. Bien entendu certains noms avaient été changés, d’autres avec l’accord des impétrants étaient réels. Charlotte n’était pas prête à digérer ses affirmations d’autant qu’avaler l’origine des topinambours argentins que Marc venait de lui avouer, l’importateur dont le siège est à Castel Gondolfo, la laissait pantoise. En avançant à Charlotte le fauteuil qu’il lui réservait le sein qu’il aperçut un bref instant d’un décolleté complaisant, Marc remercia ce saint siège! Marc avait dû avouer la facilité qu’il s’était accordée à faire disparaître Fulbert Orsoni puis Quentin Tamarre, facilité ou ressort littéraire de mettre en bière deux icônes de bistrots parisiens. Charlotte aurait une sacrée surprise à la lecture du onzième épisode, la réalité dépassant de loin toute fiction.
« LE DOS DES PSEUX » épisode n°11
GW avait donné rendez-vous à Fabrice Dugenou pour un bref exil métropolitain du bar Le Splendid vers la rue Chapon, le Fabrice n’avait pu retenir sa blague à deux balles que le chapon n’est qu’un poulet mal assis. GW lui rétorqua, tu fleures le mal, nous n’allons pas célébrer le poète mais vernir l’exposition de John B. GW connaissait John B. depuis une bonne quarantaine mais ne pouvait écrire ici son nom rapport à la discrétion que lui imposait le poste de Ministre occupé par la fille de B. Les photographies de John B. sont depuis des lustres la recherche de l’essence de la couleur et l’exposition de la rue Chapon glorifie le support jet d’encre que les américains, pour donner au procédé toute sa valeur marchande ont baptisé « giclée ». Après une petite coupe, GW laissait Fabrice à sa soirée privée chez la belle Beatrix qui tient le salon-épicerie-galerie hongrois de la rue Chapon. Il avait choisi sa clarinette Buffet Crampon pour accompagner le nouveau piano de Beatrix, un droit en noyer très britiche.
GW avait décidé de l’autobus 72 pour retrouver son quartier. La tête de ligne de l’Hôtel de Ville était noire de monde et GW avait réussi à s’asseoir à la place avant, sur les roues et près de la porte. Le chauffeur, homme élégant portant lunettes fines s’apprêtait à fermer les portes qu’arrivaient deux femmes, fausses blondes méchées, et leur marmaille. Six pour deux que le chauffeur parqua à l’avant du bus pour qu’il bénéficient du paysage sans se faire écraser les ripatons. Philibert dites merci à Monsieur le Chauffeur dit Frigégonde assez haut pour que le bus entier sache ses origines très seize…L’affluence inhabituelle s’expliquait par la cérémonie des cloches de Notre Dame d’où venaient les dames. Frigégonde et son amie parlaient anglais afin que le commun n’entrave pas leur intention de se rendre à la manifestation du Dimanche. GW avait compris que la dame Frigégonde avait quitté son exil campagnard pour faire le guide parisien aux quatre bambins, progéniture en cours de formatage beurgeois qu’il faut convaincre par une bonne éducation que le mariage n’est pas bon pour n’importe qui. Dès l’arrêt du Châtelet la densité voyageante était devenue limite, notre chauffeur ouvrit ce qui lui servait de cloison et de caisse pour laisser entrer nos quatre Timothé, Alexis, Philibert et Capucine. Il avait pris Philibert sur ses genoux pour lui faire découvrir les ficelles de sa conduite. Philibert dites merci à Monsieur le Chauffeur le plus gentil de Paris pour sa grande sollicitude, qu’elle dit la Frigégonde. Sur la gauche vous avez le Louvre, merci Monsieur le Chauffeur et puis juste après les Tuileries, et voilà la Concorde et vous voyez là-bas, Capucine, c’est l’Assemblée Nationale. Le silence revint au Pont Mirabeau où coule la Seine, enfin descendue la Frigégonde qui n’a plus la peau lignère, comme on dit dans l’Orne.
Arrivé à la Porte Clodoaldienne GW alla saluer son ami Pascal, photographe en mal de commande et tenancier du kiosque à journaux. Ton ami Plenel, il est vraiment très méchant dit-il en riant pour résumer les réflexions des clients papier FigMag, suite aux ennuis d’un ci-devant Président. Jovial libertaire Pascal avait déjà présenté à GW la charmante Perrine, sa compagne. Un sourire à faire craquer les plus rébarbatifs à l’adultère. Mais ce matin une des clientes d’ordinaire affublée d’un mâle attaché arriva au kiosque la mine grise rehaussée d’un maquillage digne d’une voiture volée. Qu’est-ce donc qui vous arrive lui demandait Pascal. Je l’ai largué, trop jaloux le con. Mais un ami va m’accompagner pour aller choisir un petit animal plein de poils, ça me consolera. Une petite chatte ? Oui. Comme un ticket de métro lui demanda Pascal ? Ah non la mienne elle est toute nue… Ainsi va le petit commerce local.
Marc ne savait pas comment Charlotte recevrait tant de vérité sans lui refuser ses charmes, l’épisode félin sortant de la décence qu’impose un blog sérieux sur un site aussi respecté que Médiapart. Et son ami Edwy qu’elle juge si gentil…
Note de la Rédaction : les quelques photographies sont là pour attester de la véracité du récit que Marc nous livre au risque d’un délaissement temporaire de sa culture topinambouresque.