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Billet de blog 30 janvier 2013

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FAMILLES ROMS SANS ABRIS, quelques questions à propos?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La série remarquable de reportages de Carine Fouteau illustrée des photographies de Sara Prestianni que Médiapart vient de publier suscite différentes questions que je me permets d’apporter à un débat qui pourrait être utile.

En septembre 2012, un samedi après midi j’ai eu la surprise, me trouvant là par hasard, de voir une famille Rrom, la maman et ses quatre enfants dont un encore au sein, installée au métro Chemin vert, boulevard Beaumarchais entre la grille du métro et la cabine téléphonique. C’est discrètement que j’ai pris deux photos avec mon téléphone portable et publié un premier petit billet ici. Deux jours plus tard, j’ai ajouté une autre photo de la même famille. Turlupiné par ce spectacle désolant j’en parlais à un ami qui me signala la présence de plusieurs familles près du chantier de réaménagement de la Place de la République. Le symbole de la République était alors emballé d’une bâche révélatrice du malaise qui m’habitait. J’en fis un premier reportage en mêlant mes souvenirs du quartier de mon enfance et mes interrogations sur le devenir de ces familles, l’hiver approchant. Le lendemain de Noël j’ai décidé de retourner voir ce qui était advenu de ces familles. Je les ai retrouvées et publié un deuxième billet.

Les photographies de Sara Prestianni montrent des familles que j’ai reconnues pour les avoir moi-même photographiées. Carine Fouteau cite la famille Stoian que j’ai moi aussi vue à la Bastille, plusieurs fois. J’ai fait l’expérience de la difficulté à faire ces photos, le refus que notifiait les femmes, essentiellement, était prétexté par la crainte d’internet qui serait vu en Roumanie, notamment. Les hommes, souvent peu éloignés des « campements » venaient à la rescousse et la conversation qui s’engageait était un mélange du regret d’être laissés à l’abandon par notre pays, de l’aveu que même ainsi leur situation était encore meilleure que « chez eux » et enfin de la sollicitation d’une aumône. Je faisais le constat du soin que les mères apportaient à leurs enfants, souvent très jeunes, je m’étonnais de la propreté des matelas, couvertures et vêtements et étonné aussi que ces familles trouvent le moyen de leur hygiène dans de pareilles conditions.

Les questions posées par les reportages de Carine Fouteau sur les responsabilités de l’Etat, de la Mairie sont évidemment pertinentes.

J’espère que les personnes que je vais citer ici ne m’en tiendront pas rigueur. Gérard Jacquemin m’a donné à voir un documentaire qu’il a réalisé à Toulouse sur la sédentarisation de familles de gens du voyage. C’est à dessein que je ne parle pas de Rroms. Chacun a en mémoire le sort que les nazis avaient réservé aux Tsiganes. La France n’a pas à s’enorgueillir du traitement qu’elle impose aux gens du voyage depuis des lustres. Si les Gadjos s’accommodent de leur musique, les municipalités sont réticentes à respecter leur obligation d’accueil. Le cliché du voleur de poule fait encore fureur dans la conscience populaire. Pour faire simple, bien qu’il s’en défende, le Français qu’on dit moyen est raciste. Le film de Jacquemin est émouvant et nous montre des familles bien intégrées qui revendiquent leur culture. Leur rejet par l’église catholique qui les a le plus souvent fait confier leur âme à des prêcheurs évangélistes savamment manipulateurs est édifiant.

Dans plusieurs commentaires Véronique Hurtado a évoqué les organisations mafieuses qui organisent et gèrent la mendicité Rrom et les difficultés rencontrées par la police et la justice à palier des situations mettant souvent en cause des mineurs, souvent très jeunes.

Voilà donc ces questions qu’il me semble indispensable de se poser.

Les familles Rrom installées depuis l’automne sur les trottoirs parisiens sont elles toutes des familles refusant les campements des banlieues démantelés par les ordres de Manuel Valls ?

Ne serait il pas utile de travailler mieux pour comprendre la culture des bannis de la Terre ?

J’ai vu à Bucarest en  juillet 2007 de jeunes enfants Rrom mendier et sniffer de la colle. J’ai vu des villages rrom à l’écart des villes. J’ai observé le racisme des Roumains envers les Rroms. J’ai déjà vu des reportages sur la vie des Rroms en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie. J’ai aussi compris qu’il y a des organisations para mafieuses qui sont probablement les conséquences de la ségrégation imposée aux Rroms.

Cela fait plus de trente ans que j’ai observé des groupes de jeunes filles, d’enfants faire la mendicité dans Paris. J’ai vu ces petits groupes, une adolescente présenter aux touristes un journal, une gamine plus petite se faufiler sous le journal pour vider le sac à main de la touriste. Celà depuis plus de trente ans.

J’ai vu depuis des années des femmes ou des hommes tenant dans leurs bras de très jeunes enfants toujours endormis au point qu’on peut se demander s’ils sont naturellement endormis ?

J’ai vu des milliers de Français frigides du bocal manifester contre la société qu’ils ont édifiée et je me demande si le sort des Rroms peut encore éveiller des consciences ?

Enfin suis-je si naïf de croire encore que la diversité des cultures est la richesse du Monde ?

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