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Billet de blog 13 juillet 2010

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La réforme de l'instruction avant son vote

On sait à quel point l'Exécutif veut supprimer les juges d'instruction, même si la réforme qui devait aboutir à cette suppression a dû être reportée....Aussi l'on ne peut pas être étonné de voir un procureur de Nanterre arc-bouté sur ses pouvoirs et vouloir, contre toute pratique habituelle , continuer a "instruire" des enquêtes sous son autorité dans le cadre de "l'affaire Bettencourt".Du reste, Madame la Ministre, soutient le Procureur dans cette attitude en estimant, dans le Figaro de ce jour, " L'enquête avance, et vite. Les fuites quotidiennes viennent le démontrer. Des règles existent pour garantir l'indépendance de l'enquête. Elles sont respectées", assure Mme Alliot-Marie. Interrogée sur un possible dépaysement du dossier, la ministre affirme que "les premiers concernés, les parties au procès, ne l'ont pas demandé. La question ne se poserait que si elles le faisaient". Ainsi nous sommes en train de vivre in concreto les avanies de la réforme que l'on nous promet d'ailleurs toujours....

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On sait à quel point l'Exécutif veut supprimer les juges d'instruction, même si la réforme qui devait aboutir à cette suppression a dû être reportée....

Aussi l'on ne peut pas être étonné de voir un procureur de Nanterre arc-bouté sur ses pouvoirs et vouloir, contre toute pratique habituelle , continuer a "instruire" des enquêtes sous son autorité dans le cadre de "l'affaire Bettencourt".

Du reste, Madame la Ministre, soutient le Procureur dans cette attitude en estimant, dans le Figaro de ce jour, " L'enquête avance, et vite. Les fuites quotidiennes viennent le démontrer. Des règles existent pour garantir l'indépendance de l'enquête. Elles sont respectées", assure Mme Alliot-Marie. Interrogée sur un possible dépaysement du dossier, la ministre affirme que "les premiers concernés, les parties au procès, ne l'ont pas demandé. La question ne se poserait que si elles le faisaient".

Ainsi nous sommes en train de vivre in concreto les avanies de la réforme que l'on nous promet d'ailleurs toujours....

Quels sont ces principe d'indépendance et d'impartialité dont beaucoup de professionnels estiment qu'ils devraient s'appliquer à Nanterre et rendent périlleuse une suppression des juges d'instruction.

1) Tout d'abord l'indépendance. Ce sujet est largement rebaché aussi en ce domaine nous ne ferons que reproduire quelques articles retenus par le Conseil Supérieur de la Magistrature ( C.S.M) dans son recueil publié chez DALLOZ en juin 2010 dont tous les magistrats ont reçu un exemplaire:

-A4 " les magistrats préservent leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif, en s'abstenant de toute relation inappropriée avec leurs représentants et en se défendant de toute influence indue de leur part"

- A6 " la mobilité géographique permet de préserver les magistrats de relations trop proches avec les diverses personnalités locales, notamment auxiliaires de justice, institutions, associations partenaires milieux économiques et médias"

-A10 "Dans l'exercice de leurs fonctions, ils bannissent par principe et repoussent toute intervention tendant à influencer, directement ou indirectement, leurs décisions, en dehors des voies procédurales et légales " . Le CSM suggérant que le magistrat " ne doit pas céder à la crainte de déplaire ni au désir de plaire au pouvoir exécutif"....

Le Procureur de Nanterre envisage t-il de demander sa mutation, pour cesser ces discussions infinies sur sa proximité avec le Chef de l'Etat, dans une affaire qui concerne les cercles du pouvoir, dans un département fief du chef de l'Etat? Non, c'est l'inverse ce magistrat a été nommé Procureur à Nanterre par Pascal Clément, alors Garde des Sceaux, et contre l'avis du CSM en date du 26 février 2007....

2) L'impartialité. Le CSM aborde ce principe dans son recueil soulignant que " l'impartialité est , au même titre que l'indépendance, un élément essentiel de la confiance du public "( B2).

Le CSM recommande "d'éviter la participation d'un juge, exerçant habituellement des fonctions spécialisées à une audience correctionnelle concernant un justiciable avec lequel il a connu des difficultés dans un contentieux antérieur". Que dire alors d'un Procureur qui instruit une affaire où il est nommément cté? Respecte t-il cette impartialité objective nécessaire a la sérénité des débats judiciaires et de l'enquête?

Nous ne reprendrons ici qu'un attendu de l'arrêt Médevediev de de la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui mentionne dans son paragraphe n°124 qu’une autorité de poursuite « doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’elle puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public ».

Certes dans le cas d'espèce il s'agissait de Garde à Vue, mais dans notre affaire de Nanterre, nous avons non seulement un Procureur sur lequel pèse des soupçons de dépendance du fait de son statut et de ses conditions de nomination, mais est encore personnellement " impacté" ( pour reprendre la nov langue ministérielle).

En réalité, le premier réflexe de n'importe quel juge est de se dessaisir d'un dossier où il est personnellement mis en cause; pratique saine et rapide....

C'est donc au mépris des pratiques habituelles, de principes déontologiques dégagés par le CSM, tout cela conforté par une jurisprudence européenne, que le Procureur de Nanterre s'entête...N'en déplaise à l'analyse du Garde des Sceaux.

Ce choix se fait au mépris d'un dernier principe dont il est peu fait état dans les commentaires: la sécurité juridique. Celui ci est suggéré par les propos du Garde de Sceaux lorsqu'elle fait allusion au désaisissement et qu'elle affirme :" les parties au procès, ne l'ont pas demandé. La question ne se poserait que si elles le faisaient". Or, il n'y a pas encore de parties au procès, nous ne sommes que dans une phase d'enquête et aucune juridiction n'est saisie.....Les articles 668 et 669 du code de procédure pénale qui concerne la récusation ne s'appliqueront que plus tard lorsqu'une personne sera poursuivie....

Mais le dépaysement du dossier Bettencourt "dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice" pourrait toujours être décidée par la Cour de Cassation soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel de Versailles, agissant d'initiative ou sur demande des parties...

Pourquoi un tel dépaysement, pour justement éviter les possibles récusations qui pourront arriver dans la phase judiciaire et éviter aussi les nullités diverses qui pourraient résulter d'une conduite de la procédure pénale par un Procureur dont l'impartialité est en question. Cela s'appelle la sécurité juridique. Mais peut être justement , il faut faire un maximum d'actes nuls pour éviter que ces procédures touchent un jour la barre d'un tribunal sur le fond...

Tout cela aurait pu être évité par la saisine d'un juge d'instruction...Evidemment l'on se souvient de l'affaire URBAT, du juge Jean Pierre..... Il est vrai que la parlement vient d'être saisi d'une curieuse réforme la proposition de loi 268 du sénateur UMP Bernard Saugey qui vise a alléger le délit de prise illégale d'intérêt en rendant possible celle-ci, sans infraction, en cas de financement d'un parti politique ( cf blog http://www.maitre-eolas.fr/). Pourtant il semble qu'une loi avait réglé le problème par le financement public des partis politiques....Mais il est vrai que l'actuel pouvoir s'est lancé dans une série de dépénalisation du droit des affaires....

Gilles SAINATI

membre du Syndicat de la magistrature

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