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Billet de blog 15 juin 2023

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Atteintes à l'independance de la justice, après la Pologne et la Hongrie, la France

le projet de réforme du statut de la magistrature, après amendement sénatorial, portera atteinte à la liberté syndicale et d'expression dans la magistrature en France.

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Atteinte à l'indépendance de la justice :Après la Pologne et la Hongrie,    la France.

Le Sénat vient d’adopter le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire qui réforme le    statut de la magistrature.

Dans ce texte figure désormais une disposition issue d’un amendement déposé par le sénateur Union centriste Philippe Bonnecarrère qui tend à limiter l’exercice du droit syndical des magistrats. Il est ajouté à l’article 10-1 du    statut de la magistrature, qui garantit le droit syndical des magistrats, l’exigence que celui-ci s’exerce « dans le respect du principe d'impartialité qui s'impose aux membres du corps judiciaire ».

Cette disposition qui subordonne le droit syndical à l’impartialité est juridiquement erroné mais    elle aboutit a interdire à tout magistrat et tout syndicat de magistrats a exprimer une opinion critique à l’égard du fonctionnement de la justice et des projets de réformes qui la concerne.


Dissuader toute prise de parole est le propre d’une procédure bâillon mais cela fait aussi écho à la mise en cause de juges dans les affaires politico-financières comme la mise en cause de l'impartialité de l'une des juges ayant condamné un ancien Président de la République ou d'une juge à Mayotte, dont les décisions ont déplu aux membres du pouvoir politique, pour les exemples les plus récents.

Les syndicats de magistrats Sm et USM se mobilisent contre cette éventualité qui nous fait suivre le chemin des démocraties” illibérales..”

GS

Ci après le communiqué de MEDEL, association européenne de syndicat de magistrats progressistes du 13 juin 2023

APRES LA POLOGNE ET LA HONGRIE, LA FRANCE ?

C’est avec la plus grande préoccupation que MEDEL prend note de la volonté des autorités françaises de remettre en cause la liberté d’expression des magistrats et, à travers elle, d’amoindrir l’indépendance de la Justice française.  

Deux jours après que la Cour européenne des droits de l’homme ait, dans son arrêt SARISU PEHLİVAN c. Turquie du 6 juin 2023, rappelé que les organisations professionnelles de juges constituent des acteurs centraux de la société civile, dont les propos doivent bénéficier d’un « niveau élevé de protection » dès lors qu’ils s’inscrivent dans un « débat sur des questions d’intérêt public », le Sénat a modifié le statut des magistrats français pour restreindre drastiquement la liberté d’expression des organisations syndicales sur les questions qui ne seraient pas en lien direct avec leur pratique professionnelle. 

Cette attaque doit être prise avec d’autant plus de sérieux qu’elle vise expressément des prises de positions du syndicat de la magistrature visant à rappeler la mission de préservation des droits fondamentaux qui incombe à l’autorité judiciaire dans toute société démocratique et l’indépendance qui doit lui être reconnue en conséquence. Des prises de position adoptées à l’occasion d’une vaste opération policière mise en œuvre à Mayotte dans le but officiel de lutter contre l’immigration irrégulière mais dans un contexte où il était à craindre le déploiement d’une répression démesurée, plusieurs responsables politiques locaux ayant ouvertement appelé à des actions extrajudiciaires à l’encontre des personnes étrangères.

Cette attaque nous apparaît d’autant plus préoccupante qu’elle intervient quelques semaines après que le ministre de la Justice, par ailleurs poursuivi pour prise illégale d’intérêt, a officiellement saisi le Conseil supérieur de la magistrature de ses « interrogations » sur les limites de la liberté d’expression des magistrats.  

Alors qu’elles affirment œuvrer pour l’Etat de droit en Europe, il semblerait au contraire que les autorités françaises aient choisi de s’inscrire dans les pas des gouvernements polonais et hongrois dans leur entreprise de remise en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire, au risque d’exposer la France a une procédure pour manquement devant les juridictions de l’Union européenne.  

MEDEL rappelle, ainsi que le reconnaissent l’ensemble des instances européennes et notamment le Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne, que la participation au débat public sur des questions d’intérêt général – et en particulier sur le niveau de protection effective des droits et libertés publiques – constitue pour les magistrats non seulement un droit, mais également un devoir.   

MEDEL exhorte en conséquence les autorités françaises à renoncer à leur projet de restriction de la liberté d’expression des membres du corps judiciaire pour, au contraire, faire du pays de la déclaration des droits de l’homme le fer de lance d’un renforcement des structures de l’Etat de droit au sein du continent européen.   

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