Sur tous les frontispices figurent les mots «République Française», mais qu'est ce que la République? Avant d'être une forme de gouvernement, le mot «République» provient du latin «Res Publica», c'est-à-dire chose publique. La République défend l'intérêt général qui ne se confond jamais avec l'addition des intérêts particuliers comme le soulignait Jean-Jacques Rousseau et plus tard le professeur de droit public Léon Duguit.
Ce qui fonde notre Etat de Droit, nos institutions c'est la poursuite de l'intérêt général , du bien commun. Ainsi l'Etat, les collectivités territoriales se voient attribués des compétences exorbitantes de droit commun: expropriations, ....uniquement parce que le but poursuivi doit être le bien commun du peuple.... Cette conception est si forte qu'il en est né un statut spécifique pour les agents chargés de mettre en application cette politique de la chose publique, des services publics..c'est la fonction publique qu'elle soit d'Etat ou des collectivités territoriales. Comme le dit si bien Anicet Le Pors : " les fonctionnaires sont avant tout au service de l'intérêt général. C'est-à-dire qu'ils sont au service des valeurs cardinales de la citoyenneté, non seulement la conception française de l'intérêt général, mais aussi l'affirmation du principe d'égalité pour que l'égalité sociale rejoigne l'égalité en droit, mais encore l'exigence de responsabilité que fonde le principe de laïcité. C'est tout cela qui fonde la dignité du fonctionnaire dont parle Roger Vaillant dans ses Écrits intimes, « la dignité de ne pas avoir l'homme pour maître »(1)
Autant dire que ces préoccupations devraient être primordiales en matière d'urbanisme et d'intervention économique des collectivités locales. Pourtant l'histoire en cours dans le centre de l'Hérault, à Clermont l'Hérault précisément démontre qu'il y a encore des efforts à faire et que l'on peut y observer non seulement des élus locaux qui se moquent du principe d'égalité tout en revendiquant leur appartenance socialiste mais aussi toute une administration territoriale instrumentalisée pour contourner ce principe fondateur.
Les faits
En septembre 2009; Alain Cazorla, Président de la Communauté de communes du Clermontais signait avec Système U un protocole d'accord pour l'installation sur les meilleures terres agricoles de la plus grande plate-forme logistique routière du sud de la France ( 60 0000 m2) . Aucun chemin de fer, aucune voie navigable, ni aéroportuaire à proximité seulement un échangeur de l'autouroute publique A 75. Priorité absolue est donc donnée au transport par route, aux carburants fossiles. Cet aspect incompréhensible à l'heure du Grenelle de l'environnement, de l'augmentation du prix du pétrole et du réchauffement climatique place d'emblée ce projet en infraction a tous les schémas départementaux de logistique en cours d'élaboration, notamment dans l'Hérault....
Cette énigme devait bien avoir une réponse. Elle se trouvait dans le contenu du protocole signé qui n'était ni plus ni moins qu'un contrat léonin au profit de Système U. Que l'on s'arrête quelques instants sur ses clauses:
- prix ferme d'achat pour 21 euros HT le M2, l'aménagement intégral étant à la charge de la collectivité
- exonération de Système U de Taxe Locale d'Equipement, Taxe d'Ordures Ménagères
- Clause de non concurrence perpétuelle accordée à Système U sur la ZAC crée
-Indemnité pénale au profit de système U en cas d'augmentation des impôts fonciers
- clause de porte-fort de la part de la communauté de commune pour les cadres de Système U afin de bénéficier de réductions sur leurs transactions immobilières..transformant ainsi la collectivité en comité d'entreprise de la centrale d'achat.
L'on comprend que cette centrale d'achat puisse se réjouir d'un tel deal.La seule promesse de la société est la création de 120 à 150 emplois dont une partie transférée de son centre de Vendargues (34), le reste des intérimaires saisonniers en fonction de la consommation...
Ce contrat nécessite évidemment la modification du PLU pour transformer la plaine agricole en ZAC, et l'achat des parcelles aux propriétaires viticoles. La plupart devenu fervents supporters du maire et de la grande distribution ne trouveront rien a redire puisque qu'ils vendront la terre 8 à 10 euros le m2 alors qu'elle est évaluée habituellement sur ce secteur à 1 euros le M2. La plaine entière fait l'objet actuellement d'une spéculation foncière sans précédent localement, chacun pronostiquant déjà des extensions : hôtel routier, station de lavage,....
Le PLU fait d'ores et déjà l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de la part du collectif La Salamane, mais c'est une autre sera rapporté dans un autre article.
Le jugement
Saisi par le collectif SALAMANE le Tribunal administratif de Montpellier, par jugement du 17 décembre 2010 annulait la décision du Président de la Communauté de Communes de signer un pareil protocole avec Système U . Il évoquait une atteinte au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt, stigmatisant la position bénéficiaire de Système U au regard de la fiscalité locale et de la clause qui prévoit une indemnité pénale au profit des "nouveaux commerçants" logisticiens
Ce jugement notifié, une période de flottement s'ouvra pendant les fêtes de fin d'année 2010. Il faut dire que la collectivité était aussi liée par le protocole avec l'entreprise en ce qui concerne toutes ses démarches juridiques et judiciaires, une sorte de tutelle juridique. Du reste lors de l'audience, bizarrement les deux parties , la communauté de communes et Système U, avaient le même avocat, c'est dire que l'intérêt de la collectivité publique était fondu dans celle de l'entreprise... Le collectif a d'ailleurs pu distribuer en son temps des bons de réduction aux citoyens de la commune pour aller obtenir les mêmes avantages que la grande distribution, maintenant ces mêmes citoyens sont devenus en quelque sorte actionnaires par commandite de cet entrepôt géant !!!
Début janvier, le président de la Communauté de Communes indiquait qu'il ne ferait pas appel du jugement. Cette histoire avait assez duré, cette péripétie judiciaire n'entamerait pas sa détermination à continuer le projet. La décision de la Communauté de Communes était annulée mais le protocole ( qui de toute manière ne pouvait pas faire l'objet d'un recours direct) n'était pas directement annulé et donc il poursuivrait son application..... Il n'allait pas s'arrêter sur l'avis d'un groupuscule mais aussi d'un juge administratif....
Cette décision de non appel aussi incompréhensible qu'elle soit a des conséquences :
`
- L 'élu local, par ailleurs, maire de Clermont l'Hérault et président de diverses structures inter communales bafoue délibérément une décision de justice tout en prenant acte de son bien fondé puisqu'il ne fait pas appel.... Il entraîne toute son administration locale dans cette perspective : méconnaître une décision de justice pour favoriser un groupe de la grande distribution...Continuer un projet sur des bases profondément inégalitaires..véritable voie de fait.
- Système U reste taisant, se contentant de ne pas faire appel. Cette société évite ainsi qu'un jurisprudence régionale qui lui serait défavorable n' écroule tous les contrats signés ou a signer avec d'autres collectivités locales..ou bien à l'inverse, elle attend la mise a exécution du jugement et la ré négociation du contrat pour s'extirper de cette affaire..
Epilogue
Le collectif fera exécuter ce jugement et cela devrait aboutir à une nouvelle délibération de la communauté de Communes et la négociation d'un nouveau protocole..
Peu de chance pour qu'un des élus des petits villages aux alentours siégeant en qualité de vice président de la communauté se manifestent, apeurés de perdre une subvention, composants d'une véritable clientèle électorale,.. Les règles des communautés de communes se transforment en nouveaux liens de vassalité au profit du centre urbain...
Les fonctionnaires territoriaux ne pourront que se persuader de la légitimité de l'Elu, nouveau maître d'une administration décentralisée qui fonctionne au mépris d'un des principes de la République : l'Egalité
Sur le plan politique, il est surprenant qu'une telle attitude provienne d'un élu du Parti Socialiste, il faut préciser tout de même que cette fédération de l'Hérault est sous tutelle du national, et que notre élu était l'un des meilleurs supporters de feu Georges Frêche. Mais cela n'est qu'une péripétie lorsque l'on observe le developpement local urbain et les ZAC dans notre pays. Il en ressort une image anarchique, de longs corridors d'entrepôts , irréels plans d'urbanisme, sans parler de l'artificialisation des terres agricoles.. Il faut dire que la loi SRU charcutée par Nicolas Sarkozy ne prévoit plus aucun garde fou, lorsque l'on ajoute à cela la déréglementation dans le secteur de la grande distribution et de l'implantation commerciale, peu de recours sont dorénavant possibles face à la complicité des décideurs locaux avec tel ou tel lobby commercial.
Dans tous les cas , c'est la République qui est en déshérence et pourtant c'est notre avenir et celui de nos enfants qui est entre leurs mains. ....
Gilles Sainati
membre de l'association " La salamane".
1)http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2008/03/29/conception-francaise-de-linteret-general-du-service-public-et-de-la-fonction-publique-snm-cgt---spasmetsolidaires---meteo-france-toulouse-31-mars-2008/