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Billet de blog 21 septembre 2012

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Quand l’ Europe minimise le droit des victimes

Il y a deux manières  d’envisager la construction de l’Europe, l’une en fixant des principes et des objectifs ambitieux pour proposer un horizon  démocratique et social toujours en progrès, l’autre harmoniser  le droit par le biais de garanties minimales et souvent en retrait vis à vis de certaines solutions nationales ou novatrices.Si l’on doit rattacher la première conception au travail du Conseil de l’Europe  autour de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, l’on doit malheureusement constater que c’est le deuxième choix qui a prévalu dans le  projet  de directive du Parlement Européen et du Conseil «établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité». 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a deux manières  d’envisager la construction de l’Europe, l’une en fixant des principes et des objectifs ambitieux pour proposer un horizon  démocratique et social toujours en progrès, l’autre harmoniser  le droit par le biais de garanties minimales et souvent en retrait vis à vis de certaines solutions nationales ou novatrices.

Si l’on doit rattacher la première conception au travail du Conseil de l’Europe  autour de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, l’on doit malheureusement constater que c’est le deuxième choix qui a prévalu dans le  projet  de directive du Parlement Européen et du Conseil «établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité».

Cette situation laisse un goût  amer lorsque l’on connait la situation dans beaucoup d’Etats membres et notamment la France où il y a encore quelques mois l’exécutif sous prétexte de suppression des juges d’instruction voulait aussi supprimer aux victimes le droit de se  constituer parties civiles et de mettre en mouvement l’action publique.

  1. Normes minimales pour les victimes

Le projet de directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité pourrait paraître novateur. Il est vrai  qu’il permet d’identifier et puis d’encadrer divers dispositifs concernant les droits des victimes..qui existent déjà.

Il ne s’agit  que de mesures  généralement admises dans tous les pays européens et/ou par les normes internationales qui président au fonctionnement des tribunaux pénaux internationaux et/ou la convention internationale des droits de l’enfant, entre autre.

De quoi s’agit il ?

Le droit à la réparation , le droit de comprendre et être compris dans la cadre de la procédure pénale, le droit à l’information, le droit d’accès aux services d'aide aux victimes, le droit à des garanties dans le contexte des servicesde justice réparatrice, le droit  à l’aide juridictionnelle, au remboursement des frais, le droit à la protection et aussi spécifique pour les enfants.

Tout cela n’est pas en soi très nouveau, les pays européens peinent à mettre en oeuvre ce type de garanties par choix budgétaires, absence de politiques et d’objectifs en ce domaine, espérons que cette directive leur en donne la possibilité et le goût... Mais c’est bien là que le danger réside, car ne concevoir le droit des victimes que comme des garanties en évitant soigneusement de leur donner  tout pouvoir d’action dans la procédure pénale et l’action publique qui les concerne, est non seulement consternant mais annonce un recul fondamental.

 2 L’annonce d’un recul fondamental du droit des victimes en Europe.

Ce projet de directive marque un profond recul du droit des victimes  en terme de procédure pénale.

En effet le chapitre 3 intitulé « participation à la procédure pénale» envisage le droit des victimes comme secondaire, c’est à dire que ces dispositions ne donnent aux victimes que le droit de demander une révision de  la non poursuite pénale....voir lui annule totalement ce droit quand les poursuites donnent lieu à un règlement amiable !!!!

Cette situation marque un profond recul ne serait ce que vis à vis de la situation française où les victimes ont droit de se constituer partie civiles et de mettre en action la poursuite pénale. 

Cette possibilité de se constituer partie civile et d’engager l’action publique   est la seule efficace  qui permet dépasser des situations de connivence entre le parquet et l’Exécutif ( comme ce fut le cas particulièrement sous Nicolas Sarkozy)  mais aussi d’ engager des poursuites pénales en matière d’infraction environnementales ou de santé publique donnant aux associations de victimes la possibilité et les moyens de recherche de la vérité et d’évaluation de leur préjudice et de s’afranchir du poids des lobbies.

Cet élément fondamental du droit des victimes de mettre en mouvement l’action publique sous certaines conditions est donc  totalement gommé par la présente directive...Car subsiste simplement le  droit à être entendu, et demander la révision du classement, ce qui est effectivement un minimum...

Bref, cette situation aboutirait en France  a interdire définitivement la voie pénale pour les victimes ou leur attribuant un rôle très secondaire...L’égalité des armes en matière d'action pénale n’est visiblement pas au programme européen... Le procureur déciderait  de classer l’affaire, la victime n’aurait que la possibilité de faire un recours devant le Procureur Général.....les deux étant hiérarchiquement dépendant de l’Exécutif.

Il faut remercier la commission et le parlement européen d’avoir trouver un système d’enterrement des affaires sensibles  aussi facile...

 Le danger est qu’à force de retirer à la victime ce droit d’action publique comme norme commune en Europe, cette situation se réalise vraiment...et le caractère subsidiaire de la directive n’y changera rien...

 Il n’ y a dès lors que deux explications à ce projet de directive aussi frileuse:

  • Cette directive n’a pas envisagé le rôle de la victime dans sa globalité, ces normes minimales n’ont qu’un objet compassionnel, victimiser la victime en quelque sorte...
  • Cette directive envisage à dessein de supprimer le droit des victimes en Europe et alors elle se fait le relais des projets les plus régressifs en cette matière, les victimes tout comme les citoyens n’ont pas  le droit d’exister, elles doivent se cantonner à leur rôle de sujet titulaires droits secondaires...

 Ainsi va l’Europe, de beaux discours de façade, mais un profond dédain pour les citoyens qu’ils soient électeurs ou victimes ou les deux.

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