Tant va la démocratie à l’eau qu’à la fin elle se casse.
A la sortie du premier tour des élections départementales, le petit matin brun devient une habitude en Languedoc Roussillon et particulièrement dans l’Hérault, département sinistré par une crise économique, sociale et culturelle qui a atteint plusieurs générations d’habitants et se poursuit depuis plusieurs années. Département dont il faut bien acter une pratique politique désastreuse qui petit à petit mine la sphère publique et précipite les zones péri-urbaines et rurales dans un désespoir. Situation dont est comptable toute une génération d’élus et leur clientèle et qui va s’accentuer avec une reforme territoriale irréfléchie qui sonne le glas de toute velléité d’aménagement du territoire.
Abîmes politiques ( exemple de l’Hérault).
Tout d’abord, trois chiffres essentiels du premier tour des départementales 2015 que l’on peut consulter sur le site du ministère de l’intérieur: 384 146 électeurs se sont exprimés sur 772 969 inscrits. Le FN rafle 31,96 % de suffrages exprimés mais surtout reste en lice au deuxième tour sur 22 cantons sur un total de 25.
Cette évolution marque une implantation en zone rurale et périurbaine mais aussi à Montpellier la sur-douée où ce parti arrive a réaliser jusqu’à 25,22 % dans le canton 4.
Face à cette situation catastrophique, le PS sous directive Vallsiste ressort la ficelle usée du front républicain et le maire de Montpellier annonce qu’il soutiendra les listes de droite et de gauche contre le FN dans les cantons de Montpellier (enfin pas toutes puisqu’il censure ses opposants socialistes).
Dans cette débâcle la droite parlementaire fait figure de parti croupion.
Dans l’Hérault l’alternative du deuxième tour est presque exclusivement siglée PS ou FN et le président de Conseil Général sortant pronostique que cette fois ci « l’actuelle majorité devrait garder le département. »Midi libre du 25/03. Le danger FN n’est donc pas pour ce coup ci, mais comme d’autres départements de la façade méditerranéenne, il semble que l’on soit dans un jeu de va tout. Le département peut brusquement basculer FN à l’occasion d’une prochaine élection dans.... 6 ans …Pourtant va se mettre en place un chantage connu : Il n’y a pas d’autre alternative que le PS. C’est dire que le fantasme d’un Front Républicain va empêcher durablement toute autocritique et toute proposition crédible pour l’avenir de cette collectivité, et par delà faire le jeu du FN.
A gauche, l’absence de programme fut même une constante avec des interventions aussi diverses d’un candidat EELV qui a prôné la suppression du département alors qu’il en était lui même candidat, des candidats qui ont fait campagne sur la création ou non d’une ligne de tramway hors compétence départementale ( pour un aperçu plus complet de ces incohérences voir: https://pasderosessansepines.wordpress.com).
Mais c’est surtout la pratique politique qui n’arrive pas a se renouveler, la situation de l’Hérault signe la situation d’une classe politique d’élus qui récidive dans ses mauvaise habitudes à l’opposé de ce que réclamait le candidat du FDG aux présidentielles quand il faisait allusion à « la gauche par l’exemple. »( http://www.lagaucheparlexemple.fr).
Le PS est encore dans des cumuls électifs diaboliques, un député se présente dans le canton de St Pons de Thomières après une carrière politique de 20 années sans interruption.
EELV et le PCF s’allient au gré des cantons avec la majorité PS ou avec ce qui reste du FDG. Certains candidats EELV du premier tour allant jusqu’à faire la campagne du candidat PS disloquant ainsi tout le travail programmatique du premier tour, peut être n’y croyaient-il pas ? comme le cas de ce candidat EELV du canton de Clermont l’Hérault qui sans consulter son binôme FDG ( il est vrai une femme!) fait son petit ralliement dans son coin..
Coté FDG tantôt allié à EELV ou à des pseudos citoyens ce n’est pas mieux. En pleine campagne du premier tour son leader local, maire de Grabels voulait attaquer en justice le journal en ligne Montpellier Journal, se tirant littéralement un balle médiatique dans le pied ( http://www.acrimed.org/article4588.html.) et complétait le tableau en expliquant qu’il avait recruté à mi temps dans sa commune de 6698 habitants, une attachée territoriale pour faciliter le passage en métropole, qui n’est autre qu’une conseillère régionale de l’Ile de France…(http://www.midilibre.fr/2015/03/19/a-grabels-une-attachee-territoriale-pour-faciliter-le-passage-en-metropole,1138079.php). Les contribuables apprécieront ce type de création d’emploi totalement incompréhensible dans une petite commune.
Quant au maire de Montpellier, selon ANTICOR en septembre 2014 il refuserait obstinément de se plier aux avis de la CADA,.http://www.anticor.org/2014/09/23/le-maire-de-montpellier-interpelle-par-anticor/ et en mars 2015, suite à la charte éthique signée auprès de cette association, celle-ci lui signifiait un feu orange le 19/03/2015 en matière de transparence..(http://www.anticor.org/2015/03/19/les-candidats-qui-respectent-leurs-engagements-et-les-autres/).
Bref, c’est l’enfoncement dans des pratiques connues qui sévissent depuis des lustres..Rien de nouveau, mais aussi un rien désespérant ..
Toutes ces abîmes politiques et ce front républicain gondolé vident le discours politique et transforme le FN et ses électeurs en martyrs, sentiment sur lequel surfe un Ménard à Béziers.
En effet, soit il fallait interdire le parti politique FN comme parti antirépublicain mais cela n’a pas été fait, alors pourquoi exposer un Front Républicain alors que selon la loi électorale ce parti concoure à l’expression du suffrage, même s’il nous déplaît!! Incohérence du discours.
François Mitterand s’est servi de Jean Marie Le Pen comme repoussoir à des fins électorales, le PS continue sur cette lancée mortifère face à une Marine LE PEN qui réussit a s’imposer avec un autre story-telling.
L’état de sidération ne doit nous amener sur le territoire balisé de l’ennemi pour une élection cantonale qui n’aurait pas d’enjeux réels . Le FN a rempli son univers de propagande de mots poly-sémantiques prenant au vieux fond de vocabulaire de l’extrême droite et aussi de la gauche. Tout y est passé : laïcité, mondialisation ( sous le vocable mondialisme), etc et bien évidemment la République, Ce procédé qualifié de LTI - Lingua Tertii Imperii, n’est qu’une novlangue manipulatrice dont Viktor Klemperer décomposait le procédé sous l’Alllemagne nazie ( Lingua Tertii Imperii, la langue du Troisième Reich)….
Evitons ce piège et justement démontrons l'inanité des propositions, la manipulation des concepts...
Provincia, le partage notabiliaire.
Mais ce qui n’est pas envisagé ou très peu dans cette campagne ce sont les nouveaux rapports de pouvoirs qui vont être issus du nouveau redécoupage territorial.
Le seul qui semble y prêter attention est le maire de Montpellier qui vient de transformer l’agglomération en métropole mais a perdu l’arbitrage régional au profit de Toulouse. Il assume une neutralité politique ( droite/gauche), dit-il, pour implanter des élus montpelliérains au nouveau conseil départemental et asseoir définitivement le pouvoir de la métropole montpelliéraine sur son aire géographique.
Avec cette nouvelle région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées, l’Histoire refait surface et renaît l’opposition entre Toulouse, puissante cité industrielle et Montpellier universitaire prise dans un marasme économique.
La capitale régionale sera Toulouse et entraînera sans nul doute un transfert des pouvoirs administratifs et étatiques vers cette mega-métropole. Face à cet ensemble, Montpellier tente de conserver un rôle prépondérant, mais est amputée du pouvoir régional et du lien avec l’Etat central alors qu’elle s’était développé comme ville royale puis jacobine, le risque d’un relatif déclin se précise.
Dans la nouvelle région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées va voir se developper un axe Méditerranée/ Atlantique entre Narbonne et Bordeaux avec comme pivot central : Toulouse. La métropole montpelliéraine excentrée sera marginalisée.
L’avenir est donc à ce combat d’influence, à cette guerre entre lignées notabiliaires issues de ces deux anciennes capitales régionales, opposition que l’on va retrouver au travers des prochaines listes des élections régionales. Les zones péri-urbaines et rurales vont devenir alors des pays interstitiels, terres que se partagera le vainqueur: Provincia. « Provincia" sous la tutelle d’une métropole et qui ne pourront plus bénéficier d’un développement autonome et de la présence de service public forts.
Transports publics, liaisons ferroviaires, répartition scolaires inégales, avenir économique vacillant, ces « provincias » souffrent déjà mais les restrictions budgétaires et l’aspiration des subventions et projets par les métropoles vont continuer à les tarir, les transformer en zones pavillonnaires sans âme et sans avenir.
C’est parmi ces territoires oubliés, tous péri-urbains ou ruraux dans lesquels le FN fait les meilleurs scores. Ces espaces ressemblent de plus en plus à des zones de relégations , citons le centre Hérault, le Biterrois, la région de Bedarieux , le Carcassonnais, la plaine Catalane, le Gard et le Vidourle ( Lunel), Alès, entre autres.
La boucle est bouclée, et pourrait correspondre aux prédictions d’Emmanuel TODD et d’Hervé LE BRAS, qui prévoient une zone rurale brune mais l’existence de métropoles de centre gauche ou droit. (http://www.slate.fr/story/74653/elections-territoire-mystere-francais-le-bras-todd).
En tout cas aucun de nos élus ne semblent concernés par cette évolution structurante, l’aménagement et l’égalité des territoires sont devenus des impensés du débat politique au profit de combinaisons politiciennes de court terme.
La proximité n’est plus qu’un mot vidé de tout sens, et le débat devient illusoire.
Notre modèle démocratique et républicain prend l’eau de toute part mais la course aux places a supplanté la réflexion, ne parlons pas des enjeux climatiques ce sont des gros mots.
Pour terminer, un peu de musique correspondant à cette situation sociale : https://www.youtube.com/watch?v=SuPfe90hOaw
GS