Le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) est un coup d'Etat contre les peuples. Loin d'être un instrument d'émancipation des citoyens européens, il est bien plutôt celui de leur appauvrissement et de leur asservissement. Il est surtout l'exemple le plus cynique du triomphe de la technocratie la plus éloignée qui soit des idéaux démocratiques.
De plus, ce coup d'Etat se prépare de longue date car s'est mis en place depuis près de 5 ans une profonde ré-organisation de l'Etat et des équilibres des pouvoirs via un système d'information et logiciel fournis par un prestataire privé. Tout cela s'est fait par voie de circulaires, sans aucun débat démocratique.
La panoplie du coup d'Etat
Le MES n'arrive pas seul, il est l'héritage d'un détournement des règles de la République et de l'Etat de droit sous couvert de techniques de gestion, d'une idéologie dénommée new public management.
Cette idéologie n'est pas simplement une politique de réduction budgétaire mais aussi elle installe au coeur des politiques publiques l'impératif de rendement financier...totalement étranger à celui de service public.
En France cette politique a été initiée très tôt dans les années 2000 par la Loi d'Organique relative aux Lois de Finances votée par la majorité socialiste de l'époque ( sauf le PCF). Il s'agissait de rationaliser la dépense publique au regard de la mission de chaque service public. En découpant ainsi le service public et l'activité de l'Etat en 34 missions et 580 actions cette loi préparait les externalisations et privatisations futures sous prétexte d'impératifs comptables. ( http://www.bercy.gouv.fr/lolf/4clics/clic1.htm)
La suite on la connaît et notamment la politique de Révision Générales des Politiques Publiques (RGPP) de juillet 2007 qui sous prétexte de gestion et de performance n'est pas qu'un vulgaire plan de réduction budgétaire tout azimuts.
Si ce plan drastique se pare de courbes, de graphiques de performance qui sont le plus souvent des alibis de gestion, Valérie Pécresse nous explique sur le site http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/que
que la réduction des effectifs dans la fonction publique peut améliorer la qualité de services rendu au client-usager :
"9,5 milliards d'euros ont d’ores et déjà été économisés par rapport à 2008 (15 milliards d'euros fin 2013). L’application du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a permis de ne pas remplacer 150 000 fonctionnaires en retraite entre 2008 et 2012 (soit environ 7% des effectifs de l’Etat), avec des taux très différenciés entre les ministères. Quant à la qualité de service, elle s’est améliorée, comme l’atteste la progression du niveau global de satisfaction des usagers mis en évidence par le baromètre semestriel de la qualité des services publics."
Ce qui est encore plus grave, c'est que cette politique gestionnaire aboutit à une hyper centralisation de l'Etat sous la hiérarchie de l'exécutif et ce de manière la plus simple qui soit: on réduit les pôles décisionnels qui seront dorénavant pilotés directement par l'exécutif. Ainsi dans le domaine judiciaire, cela donne une nouvelle réforme de la carte judiciaire : par exemple, une réduction du nombre de Chambre Régionale des Comptes, une centralisation autour d'un nombre limité de Cour d'appel des pouvoirs de gestion budgétaire qui impacteront directement sur l'activité juridictionnelle etc...
Cette nouvelle architecture d'Etat centralisée est aussi le résultat de la mise en place à marche forcée d'un système de gestion et d'information financière de l'Etat dénommé "Chorus" dont on nous explique dans le secteur judiciaire dans une circulaire du 16 janvier 2012 que " ce nouveau système....déployé depuis le 1 janvier 2011 a redessiné les relations de travail entre les divers acteurs de gestion budgétaire et comptable. Cette structuration est inscrite dans les paramètres de l'outil" .
Ainsi toutes la gestion financière de l'Etat a été re-formatée en fonction de la mise en place d'un logiciel CHORUS, progiciel de gestion intégré créé et apporté par le concepteur privé allemand SAP (http://fr.wikipedia.org/wiki/SAP_AG) dont le coût de mise en place de 500 millions d'euros et de maintenance de 100 millions d'euros interroge sur la pertinence en termes de rationalisation de la dépense publique (http://www.zdnet.fr/actualites/le-projet-chorus-de-l-etat-de-nouveau-epingle-par-la-cour-des-comptes-39758386.htm).
Dans toutes les sphères de l'Etat et sous la conduite de l'Executif ( Bercy ) l'intégralité des circuits décisionnels est revu via la décision budgétaire et comptable, porte d'entrée à un véritable passage en force pour adapter l'architecture financière de l'Etat aux impératifs des plans de rationalisation et d'économies budgétaires que pourraient contenir les plan d'ajustement structurels du FMI et du MES..
Cette réforme et ce logiciel privé coutent très cher avec une fiabilité relative, la Cour des comptes dans deux rapports s'est interrogé sur sa pertinence et fiabilité. Depuis 2012 , il couvrira tous les secteurs de l'Etat non seulement budgétaire, comptable et d'engagement.
L 'Agence pour l'Informatique Financière de l'Etat (AIFE) dépendant directement de l'exécutif impose à marche forcée ce remodelage structurel de l'Etat.
La plus importante profonde reforme budgétaire de l'Etat en France ne s'est pas faite démocratiquement ni avec transparence....
Les citoyens qui abondent le budget de l'Etat avec leurs impôts étaient-ils trop idiots pour comprendre qu'une méthode de gestion de l'Etat confiée à un unique opérateur informatique privé non national pouvait à terme toucher à la souveraineté? Voire qu'il est pour le moins étrange de modeler les services public et l'organisation de l'Etat et la répartition des pouvoirs entre les différentes institutions de la République sur les paramètres d'un tel système d'information! Cette réforme fondamentale a été mis en place sans beaucoup de débats tout comme la décision et le choix du système d'information Chorus et de son prestataire privé. (http://www2.budget.gouv.fr/directions_services/aife/presentation_chorus0912.pdf).
Circulez y a rien à voir...
Un audit du fonctionnement de l 'AIFE et de Chorus s'impose, ainsi qu'une clarification des engagements contractuels de l'Etat avec la société SAP .
Comme le dit la brochure de présentation de Chorus par le ministère du budget : "Chorus est une opportunité pour la RGPP" c'est aussi donc un choix éminemment politique qui vise à confier toute latitude de gestion budgétaire de l'Etat et de la République... au secteur privé!
Les méthodes du coup d'Etat
Après avoir réformé l'architecture financière de l'Etat il ne reste plus qu'à graver dans la constitution la règle d'or interdisant tout déficit budgétaire ou le réduisant drastiquement.
C'était le choix qui avait été rejeté par les Français en 2005 puis finalement ratifié de manière non démocratique par le traité de Lisbonne... La tentation était trop forte au prétexte de la crise financière d'imposer définitivement cette règle par un traité au prétexte de solidarité européenne pour rembourser des intérêts de la dette aux banques.
La méthode employée est toujours la même:
1) Le secret.
Pour le MES, nous franchissons un cap:
- les locaux du MES seront inviolables ainsi que toutes ses archives et ses documents,
- aucune investigation judiciaire, législative, administrative ne peut être fait sur ses biens, financements avoirs... C'est donc une transfert de souveraineté sans retour ni contrôle!
- immunité de juridiction: avec un siège au Luxembourg connu pour être un" Offshore Financial center" selon les propres termes du FMI en 2007 , en clair un paradis fiscal.
C'est donc de ce pays que sera ordonné la solidarité européenne... et l'appauvrissement des peuples.
2) L'automaticité des mécanismes de contraintes.
Le MES grave dans le marbre " la bonne gestion durable et solide des finances publiques est donc de répondre à l'une des principales sources d'instabilité financière. Le présent traité et le Traité sur la Stabilité la Coordination et la Gouvernance sont complémentaires dans la promotion de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l'Union économique et monétaire. "
Evidemment le FMI avec ses plans de réductions budgétaires est associé au MES ainsi qu'a toute la panoplie de programme d'ajustement macro économique.
Ce qui est flagrant de constater ce sont les règles d'automaticité mise en place : la souveraineté des Etats est gérée comme de vulgaires méthodes de gestion comptable en utilisant finalement la même philosophie et le même fonctionnement que la RGPP et Chorus.
En clair le MES n'est que l'aboutissement de la camisole de force qui se met en place en France via la RGPP et le système Chorus.
La même logique technocratique est en oeuvre: l'Etat étant dorénavant découpé en missions, il sera plus facile de le dépecer, d'externaliser ses missions, bref, de les privatiser.
Le système Chorus permettra rapidement de dériver ses circuits financiers permettant une interchangeabilité et un interface facilitée avec les contraintes comptables et budgétaires du privé et des grandes multinationales...
Le MES donnera le coup de grâce au nom de l'impérieuse nécessité de réduction des déficits et faire payer les peuples.
3) L 'anéantissement de l'Etat de droit
Aussi bien par le biais d'une réduction et de transferts de souveraineté non soumis au peuple voire au mépris du choix de celui-ci en 2005, que par la mise en place insidieuse d'un corset budgétaire par voie de circulaires et d'un progiciel spécialisé, c'est à un anéantissement de l'Etat de droit et de la hiérarchie des normes auxquelles nous assistons.
En effet la réorganisation de la structure de l'Etat nécessitait au moins un débat démocratique, l'édiction de lois organiques, de plans de programmation transparents et discutés sur ces choix essentiels et leurs conséquences... rien de tout cela.
Le MES, traité qui va s'imposer à l'intégralité de l'organisation juridique aura été voté à la va-vite mais va irriguer et faire peser sur l'avenir du pays un chape de plomb et transférer les décisions stratégiques au FMI et à la commission européenne.
Le mécano et le puzzle du coup d'Etat se dessinent progressivement. Tous ces instruments de gestion technocratique, qu'ils soient adoptés par voie de circulaires ou par ratification de traités impératifs dessinent une totale dépendance avec le schéma de la gouvernance financière la plus néo-libérale...
La stratégie du choc qui est a l'oeuvre bénéficie ici d'une conjonction technologique de très grande ampleur visant a rendre l'architecture de l'Etat et de la République perméable à la gouvernance des marchés, afin de le dépecer et de l'asservir définitivement.
Gilles Sainati