Ce drame dont tout le monde parle a été immédiatement récupéré à des fins politiciennes par Claude Guéant et consorts, malgré l'appel du père de la victime à «éviter toute politisation».
Décryptages:La disparition d'Agnès, jeune collégienne, a eu lieu le 16/11/2011 et son corps en partie carbonisé a été retrouvé le 18/11, le suspect était présenté le 19/11 devant un juge d'instruction et écroué.
Dès le 23 novembre le gouvernement annonçait une nouvelle loi.....
Il est évident que la méthode de l'émotionnel fonctionne à plein dans ce type de réaction politique... L'on ne se pose pas la question de ce qui a dysfonctionné. On sort un projet tout prêt pour lequel on n'attendait plus qu'un fait divers dramatique se produise pour l'imposer. D'ailleurs, comme le signale la porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, le texte "était en préparation depuis l'été".....
En réalité, malgré des échecs à répétition, la ligne politique ne change pas: surtout ne pas se poser de questions sur l'échec de la politique sécuritaire mais plutôt continuer en faisant fi de tous les avis de professionnels différents du sien. Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), en faisait l'aveu en indiquant qu'il y aurait "sûrement des mesures législatives" nouvelles après le meurtre d'Agnès au Chambon-sur-Lignon, considérant que les "mesures substantielles" prises depuis 2007 "n'ont pas suffi".
"Il y aura des initiatives gouvernementales, sûrement des mesures législatives", afin de "limiter le risque de nouveaux drames comme le drame abominable du Chambon-sur-Lignon", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse hebdomadaire.
Rappelant que "des mesures substantielles ont été votées par le Parlement depuis le début de la législature face aux récidivistes sexuels et aux mineurs délinquants notamment sur la rétention de sûreté, le renforcement de l'obligation de soins, les peines planchers, les centres éducatifs fermés", M. Accoyer a observé que "tout ceci n'a pas été suffisant".(http://www.vousnousils.fr/2011/11/22/agnes-il-y-aura-surement-des-mesures-legislatives-nouvelles-accoyer-517034)
Quelques mises au point:
Dans cette affaire il aurait été judicieux de mettre en place une inspection administrative regroupant les ministères de l'éducation nationale de la justice et de l'intérieur pour préciser divers aspects de ce drame, mais c'était courir le risque que ces conclusions enfoncent encore un peu plus la politique gouvernementale comme dans l'affaire de Pornic. ( cf mon article, http://blogs.mediapart.fr/blog/gilles-sainati/220211/affaire-meilhon-trois-rapports-dinspection-et-une-responsabilite-pol).
Quelques points méritent d'être soulignés:
- La dangerosité est difficilement évaluable. Prédire l'avenir tout le monde est d'accord mais en l'espèce il apparaît que le profil du présumé meurtrier agé de 17 ans n'était pas celui d'une dangerosité avérée. de plus il était très entouré et soutenu par ses parents qui avait même payé un internat dans un établissement ( Chambon sur Lignon) 12 000 euros par an ...
- Le secret partagé...Cette nouvelle formule qui tourne le dos à la notion de secret professionnel existe depuis 2005 est aussi en échec car s'il s'agit de permettre un partage d'informations confidentielles et personnelles entre Justice, Education nationale, Intérieur , Santé..il faut éviter de créer un véritable brouillage de la mission de chacun. A l'inverse, il faut plutôt envisager une coordination des politiques publiques ce qui est évidemment, totalement, laissé de coté faute d'y investir des moyens suffisants.
- Les Centres Educatifs Fermés: l'augmentation de leur nombre et leur mode de contention est promu par le gouvernement : Tout mineur auteur mineur d'un crime sexuel grave devra être placé en Centre Educatif Fermé.
Quels sont les résultats de tels centres ? Un rapport du contrôleur général des lieux de privations de liberté en date de 2010 nous donne quelques indications sur ces centres ( http://www.cglpl.fr/tag/centre-educatif-ferme/) et a publié une recommendation en date du 1 décembre 2010 publiée au journal Officiel (http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2010/12/reco_JO-CEF_20101208.pdf).
Dans cette recommendation concernant le C.E. F, il a été noté :
- Un recours abusif" aux "contraintes physiques" de la part des éducateurs."le recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, qui sont parfois érigées, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative". Et ces méthodes seraient plutôt violentes. Le rapport parle ainsi d'"enfermement, voire des placages au sol ou des corrections physiques".
- Des éducateurs travaillant dans les centres éducatifs fermés auraient un cruel manque de formation, "peu ou pas formés à l'encadrement des mineurs", au lieu d'apaiser les tensions, ces pratiques ne feraient que raviver les problèmes entres les jeunes. Pour Jean-Marie Delarue, "cela témoigne d'une incapacité à gérer les conflits avec les enfants".
- De "grandes variations" dans la prise en charge des soins de santé physique et mentale des enfants, souvent en souffrance. "Les liens avec la psychiatrie sont très ténus et quelquefois inexistants".
Voilà donc ce que nous propose le gouvernement pour resocialiser des jeunes en perdition et lutter contre la récidive....
Gilles Sainati
Membre du Syndicat de la magistrature