Le capitaine a prévu de quitter le navire d'ici un mois, dès le 15 juillet 2025. Arrivé en 2020, Luca De Meo sera resté à peine 5 ans à la tête du groupe Renault. Présenté comme un sauveur suite à la chute de Carlos Ghosn, la politique de Luca De Meo a été surtout celle d’une fuite en avant. La « Renaulution » (un mot valise composé des termes "Renault" et "révolution" et qui désigne le "plan stratégique" concocté par Luca de Meo pour redresser Renault) a consisté à démanteler l’entreprise, avec la scission de ses activités thermiques au sein d'Horse Powertrain Limited, un partenariat avec le chinois Geely et le pétrolier Aramco dans lequel Renault est minoritaire, et de ses activités liées au véhicule électrique regroupées dans une nouvelle filiale appelée Ampere. Avec la création de Horse, Luca De Meo a fait perdre à Renault le contrôle de ses activités de motorisation thermique et hybrides et les a délocalisées. La création d’une filiale spécialisée dans le véhicule électrique devait pallier cette perte. Il n’en a rien été. Luca De Meo a surestimé la croissance des ventes de véhicules électriques, a dû abandonner l’introduction en Bourse d’Ampere faute d’investisseurs et il est revenu sur ses promesses de faire de l'électrique "made in France". La délocalisation du futur Scenic E-Tech en Espagne n'en est qu'une des illustrations.
Sous le règne de Luca de Meo, Renault a accéléré les délocalisations, particulièrement vers la Chine où est développé la nouvelle Twingo électrique et où Renault fait appel à de plus en plus de fournisseurs. Résultat : le groupe Renault a supprimé 8 000 emplois en France depuis l’arrivée de Luca De Meo en 2020, quand les entreprises hexagonales de la filière automobile en suppriment des dizaines de milliers.
Des accords de compétitivité et la baisse drastique des couts d’ingénierie et de fabrication d’un côté, une augmentation des marges réalisée grâce à la hausse des prix des véhicules (+32% en 4 ans pour les véhicules Renault, +44% pour ceux de Dacia) de l’autre, ont permis à Luca De Meo d’afficher un redressement des résultats financiers du groupe. Mais cette politique à court terme atteint aujourd’hui ses limites. Luca De Meo quitte le navire au moment où les avis de tempête s’amoncellent : baisse des ventes (de nombreux clients se rabattent sur l'occasion face aux prix élevés des véhicules neufs), stagnation de l’électrification du parc automobile, concurrence chinoise, tensions internationales… Alors que les décisions de Luca De Meo engagent le groupe Renault et ses salariés sur le long terme, celui-ci lâche la barre en pleine mer... sans oublier d’empocher 12,8 millions d’euros au titre de l’année 2024 passée comme Directeur Général du groupe.
A l’heure où la direction de Renault exige de ses salariés un comportement « corporate » fait de loyauté envers l’entreprise et de transparence, Luca de Meo a négocié en secret son arrivée chez Kering, numéro deux mondial de l’industrie du luxe (marques Yves Saint Laurent, Gucci, Pinault-Printemps-La Redoute…) avec surement une rémunération tout aussi « de luxe ». Sa « passion de l’automobile » tant médiatisée passe visiblement après celle de sa rémunération et de sa gestion de carrière. Il abandonne aussi un secteur automobile au moment où beaucoup doutent de son avenir.
Les salariés du groupe Renault et de toute sa chaine de valeur (fournisseurs, sous-traitants, équipementiers…) n’ont rien à attendre d’un nouveau supposé sauveur. Quel que soit le futur dirigeant de Renault, les salariés auront à se battre contre la dégradation de leurs conditions de travail, les fermetures de sites, les suppressions d’emplois et le laminage de leur pouvoir d'achat. Seules la mobilisation des salariés et leur intervention dans les orientations de l’entreprise pourraient changer la donne.