Pour la première fois, le doute étreint le camp présidentiel. Le doute s’insinue à tous les étages, plonge ses griffes dans les anfractuosités du système, les prend à la gorge. Il leur colle à la peau, tel de l’air vicié et putride, il sature leurs narines, il s’immisce dans la moindre faille, travaille les fissures, les élargit, jusqu’à nourrir la défiance entre le Petit Timonier et ses principaux soutiens. Il faut dire que jusqu’à présent, la multitude de scandales et de bouffonneries n’avait fait que glisser sur eux comme la pluie sur le dos d’un canard.
D’abord les trafics en tout genre. Le trafic de bois de rose, péché originel de la « transition », cette farce dirigée par TGV de 2009 à 2014, les biens mal acquis de ses principaux sponsors, les 73 kg d’or interceptés en Afrique du Sud, etc.
Puis la descente aux enfers des Malgaches qui n’ont eu cesse de s’appauvrir depuis cette même année 2009 et l’avènement de TGV au pouvoir par les armes. Le naufrage de l’éducation, de la santé, des infrastructures, de la sécurité, de la décence la plus élémentaire. Le pillage en règle du fonds routier qui a mené à la déliquescence du réseau routier, symptôme le plus frappant de ces deux dernières années. L’inaction criminelle du gouvernement face à la famine qui sévit dans le Sud – initialement dissimulée au public et menant à une campagne d’intimidation contre la journaliste qui en a révélé la gravité. Prétendre que cette famine serait le fruit du changement climatique a permis au gouvernement de se défausser à bon compte de ses responsabilités et de consacrer 75MUSD à la construction du stade Barea, montant similaire à l’appel humanitaire lancé par les Nations Unies pour nos concitoyens qui mourraient littéralement de faim… Une monnaie nationale qui glisse vers les abysses – les 5000 ariary pour 1 euro viennent d’être franchis - et dont les fluctuations servent les impératifs financiers des proches du pouvoir. Au premier chef les quelques faux capitaines d’industrie et vrais oligarques qui se paient sur la bête grâce aux commandes publiques. Energie, finance, téléphonie, travaux publics, transports, agro-industrie, sécurité, etc. sont trustés par une poignée d’hommes d’affaires qui passent pour des génies quand il ne sont que de minables héritiers de la rente coloniale et de vils laquais et obligés d’un pouvoir chaque jour plus fragile.
Enfin la profanation répétée des symboles du pays. La réfection (on n’ose utiliser le terme de restauration) au rabais du Palais de Manjakamiadana, qui est plutôt une véritable entreprise de vandalisme, est un affront à l’intelligence des Malgaches et une insulte à ce lieux chargé d’histoire. Celui qui se prétend le défenseur du retour à l’authenticité (de carton-pâte), qui joue au patriote (de pacotille), qui s’imagine le continuateur des lignées royales (décadentes), est celui qui aura le plus foulé au pied le patrimoine, la mémoire et l’identité du pays. D’abord avec son mini Colisée de béton. Puis son stade Barea qui souille la force principielle de « Mahamasina » et de son vatomasina. Certes, TGV Premier n’a pas suivi les études les plus brillantes mais ce sont tout de même des notions de niveau collège qu’il ne maîtrise pas. Il aura certainement été un élève dissipé au Collège de France, davantage intéressé par les tables de mixage, la house music et le dance-hall que par les cours d’histoire…
Impossible de dresser une liste exhaustive de tous les scandales dont s’est rendu coupable cette clique de sauterelles incultes. Mais jusqu’à présent, le Petit Timonier s’en est toujours sorti. Un miracle. On devrait l’enseigner en classe de science politique. Patrick Rajoelina, faux élève de Sciences Po et de l’ENA et véritable fonctionnaire français de catégorie B, y réfléchit certainement déjà. Pour complaire à TGV Premier, son activité favorite…
Malgré tout, une petite gêne continue à hanter TGV. Un minuscule cailloux qui refuse de quitter son soulier sur-mesure. Un petit pois qui trouble son sommeil malgré les sept épaisseurs de matelas. Un parfum de je-ne-sais quoi qui flotte dans l’air. Un fumet qui impose à chacun de regarder ailleurs, d’affecter de n’avoir rien vu ni entendu, alors que l’évidence leur saute à la figure, que personne ne peut y échapper, comme un pet dans un ascenseur.
Toutes ces années d’effort, toutes ces campagnes de communication (combien de boîtes de conseil aura-t-il épuisées, ses consultants individuels puis Concerto, ESL, Avisa partners…), tous les prix factices qu’il s’est fait attribuer par des jury complaisants, tous les offices religieux fomentés par toutes sortes de sectes, ne pourront faire oublier que le Petit Timonier est d’abord et avant tout un putschiste. Certes il s’exprime chaque année à la tribune des Nations Unies – sans être de ceux dont on suit les allocutions, ce n’est ni un Obama, ni un Chavez, ni même un Mugabe -, certes il est invité, comme de nombreux autres, à faire de la figuration à l’Elysée sur la réforme de l’architecture financière internationale - d’ailleurs que pourrait-il ânonner notre « champion » national dont la monnaie n’a fait que se déprécier depuis qui dirige le pays ? -, certes il représente Madagascar à la Conférence des Chefs d’Etat de l’Union Africaine… C’est à peu de chose près ce à quoi se limite son agenda international, ah oui, ses escapades familiales à Lausanne en jet privé aux frais de la Princesse, mais rien ne saurait faire oublier qu’il est d’abord et avant tout un putschiste. Les réflexes autoritaires reprennent toujours le dessus. Comme les limitations qu’il a posées à la liberté d’expression et de réunion de l’opposition. Interdiction de tenir meeting en plein air, on salue l’imagination de celui ou celle qui sorti cette idée de génie quand même. Romy, est-ce vous / Voos ? Pour la première fois ces pleutres de l’Union européenne sont sortis de leur mutisme pour condamner les nombreuses entorses aux principes démocratiques élémentaires. Jusqu’à refuser d’envoyer une véritable mission d’observation des élections, les préconditions élémentaires n’étant pas réunies. Un camouflet qui met Madagascar du côté des pires démocratures…
Tout cela nous le savions. Nous l’avons largement commenté. Nous avons déploré qu’aucun de ces forfaits ne l’entame ni lui ni son pouvoir.
Mais voilà que pour la première fois, le pouvoir est ébranlé. Même les séides les plus zélés du régimes se tiennent coi. Pour la première fois, ni Rinah, ni Romy ne savent où donner de la tête (encore faut-il en avoir une, ha, ha ha…). Les récentes révélations sur la nationalité française du Petit Timonier, et surtout sur les conditions de son octroi à l’intéressé et à sa famille, grippent sérieusement la machine minutieusement réglée pour gagner les élections de fin 2023. Ils sont encore debout, ils bougent encore, mais ils ne savent plus ni où ils vont, ni comment y aller, même plus comment ils s’appellent. Il faut dire qu’il y a de quoi.
D’abord, le secret de polichinelle est révélé à la face, si ce n’est du monde, du moins des Malgaches.
Le Chef de l’Etat – le charlot qui tient le rôle - dispose bel et bien de la nationalité française. Soit. Comme des dizaines de milliers de nos concitoyens, comme de nombreux membres de cette fausse élite qui profite d’un système bien huilé : j’utilise mon passeport malgache pour rentrer aux pays et y faire fructifier mes « affaires », voire alimenter mon petit trafic, je sors mon passeport français pour être soigné et mettre mes enfants à l’abri du besoin. Ce n’est pas glorieux, mais soit, cela fait 60 ans que ça dure. Là où l’insulte le dispute au scandaleux, c’est lorsque l’on apprend que le Petit Timonier, Bobonne et leurs lardons, ont pleurniché comme les pleutres qu’ils sont pour obtenir la nationalité française sur le tard, à 40 ans, et s’offrir ainsi une assurance tous risques en cas de pépin au pays.
Laissons les juristes s’écharper sur la question de savoir si oui ou non TGV Ier disposait encore de la nationalité malgache lorsqu’il s’est présenté aux élections de 2018. Laissons les gloser sur la question de savoir s’il a le droit de se présenter pour les élections de novembre prochain. Laissons les commentateurs s’épuiser sur la question de savoir si la déchéance de nationalité malgache, prévue par le code de nationalité dans le cas qui nous intéresse s’applique d’office ou nécessite une décision de justice. Finalement, ces points de droit sont devenus secondaires.
La seule question qui vaille est celle de l’éthique ou plus exactement du manque d’éthique du Petit Timonier. Comment prétend-il présider au destin de 28 millions d’âmes lorsque lui-même s’aménage et se ménage un destin autre que celui de ses concitoyens. De quel droit peut-il imposer aux Malgaches d’envoyer leurs enfants dans des écoles sans bancs, sans tableaux, sans vrais profs, quand lui-même envoie ses gamins dans les établissements les plus chers de la planète (pas du pays, pas de la France, du monde…). Comment peut-il imposer au peuple de se « soigner » au CVO Organics quand lui-même et ses proches peuvent quitter le pays à tout moment pour bénéficier des meilleurs soins contre le COVID-19 et ses effets ? Comment peut-il être garant de l’indépendance de la Justice quand-il mendie et obtient l’immunité pour trafics de bois de rose auquel il s’est livré durant la transition ? Quelle crédibilité prétend-il avoir sur les dossiers qu’il traite avec les Français quand il est leur obligé (pas du fait de sa nationalité, du fait de sa position de mendiant et de quémendeur) ? Il n’a finalement aucune communauté de destin avec ceux dont il sollicite les voix et qui ont été consciencieusement plumés, floués, volés, par ses sponsors : les cotisations retraite (CNaPS) détournées par/pour…, les cotisations au fonds routier siphonnées, la JIRAMA dépouillée par les vendeurs de pétrole et les loueurs de groupes électrogènes, les royalties des mines jamais arrivées dans les caisses de l’Etat, le produit des licences de pêche cédées sans limite aux Chinois, Coréens et Japonais, les licences d’exportation de litchi et de vanille confisquées ou entravées par Qui-on-sait.
Et plus généralement comment peut-il prétendre distribuer de la soupe populaire aux nécessiteux (99% de la population…) quand il se déplace en jet privé pour faire le malin le matin devant les caméras avant de rentrer les soir bien au chaud à festoyer avec les oligarques – quelle de clowns ceux-là aussi, un jour on vous fera une galerie de portraits, ils seraient drôles s’ils n’étaient pas aussi néfastes pour le pays - auxquels il a lié son destin.
Quid de la suite ?
K.O. debout mais la bête bouge encore. Et la fébrilité gagne les troupes. On entend ainsi parler de modifier le code de nationalité pour faire oublier cette mauvaise histoire. C’est inouï. Le gars viole la loi – non la Constitution -, et on change la loi. Même en Corée du Nord ils n’oseraient pas. Mais « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît »…
Ce serait évidemment grossier et inutile.
Grossier parce que la ficelle est énorme. On va désormais faire des lois sur-mesure pour TGV Ier pour aller avec ses déguisements sur-mesure (sérieux, il faut qu’il arrête là avec son style Kim Jung-Un, il fait flipper tout le monde, même à la présidence parait-il...). Inutile parce que cette histoire ne passe pas et c’est peut—être la seule qui ne passera pas.
Tout semblait lui sourire c’est-à-dire qu’il avait la main gagnante : des moyens illimités pour faire campagne en l’absence de règles, un réseau de soutiens et de sponsors qui ont identifié leur intérêt bien compris, et une acceptabilité internationale assurée par son équipe com’ (pas mal au fait les retombées du voyage de presse organisé par Avisa, chapeau les gars, poudre aux yeux et visites Potemkine, vos parents peuvent être fiers de vous. Ca peut tromper le lecteur lambda de Jeune Afrique et de l’Express, mais nous à Madagascar, on vit l’enfer tous les jours et c’est nous qui votons…). Par ailleurs, égale à elle-même l’opposition est atomisée et se perd en chamailleries sans fin. Du velours pour le passage de TGV I à TGV II (ou est TGV III, on s’y perd).
Mais notre petit grain de sable, a.k.a le décret de naturalisation du Petit Timonier signé de la blanche main de Manuel Valls, grippe la machine et remet les compteurs à zéro. Même s’il devait être considéré éligible pour les élections de novembre le mal est fait. La rupture est consommée avec ce peuple si « résilient » (quel terme affreux) qui en a marre d’être cocufié. On veut bien manger la soupe populaire, si tout le monde est au même régime. Pas si notre Petit Timonier fait les free-riders, venant nous servir la soupe en jet privé le matin et rentrant bien au chaud chez lui, à Neuilly, ou à se goinfrer de fondue à la truffe sur les rives du Lac Léman.
Plus intéressant. La rupture est en passe d’être consommée avec certains de ses sponsors les plus fidèles. Ceux-là même qui jouissent des largesses de l’Etat pour les commandes publiques et qui assurent des décision de justice défavorables pour leur concurrents. Ceux qui entretiennent des forces paramilitaires qui assurent leur protection, se sachant honnis de tous, ceux qui disposent de bureaux dans l’antichambre du Ministre des Finances. Ceux qui ont porté le Petit Timonier à bout de bras financièrement. Combien de temps encore avant que « le Petit » ne les précipite dans sa propre chute. Il n’est pas trop tard pour penser à un plan B. Aujourd’hui ils financent ses rivaux. Un signe qui nous ferait peur à la place de TGV. De préférence qu’ils se choisissent quelqu’un qui travaillera pour les intérêt du pays. Non, ça ne les intéresse pas, ça les dépasse. Après tout, nos « oligarques » ne sont que des boutiquiers. Correction : des épiciers.
A suivre…