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Billet de blog 25 juin 2023

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Après la naturalisation du Président, une triple faute pour l'exécutif malgache

Difficile de ne pas réagir face à ce qui se passe à Madagascar ces derniers jours, le pouvoir d'Andry Rajoelina n'en finit plus de montrer son vrai visage.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après la trahison de la naturalisation française du Président, on poursuit avec des éléments tout aussi problématiques : aliénation culturelle, poursuite du travail des missionnaires et présence des "frères d'armes français" au défilé du 26 juin. C’est de pire en pire.

L’aliénation culturelle de la ministre de la Culture

Lors de la cérémonie officielle de réouverture du palais royal d'Antananarivo, Lalatiana Rakotondrazafy, ministre de l'inculture, s'est illustrée avec un discours teinté d'une ignorance crasse. Elle a mis en avant trois éléments : l’amour de la modernité, le béton comme digne héritier de la pierre, et la fierté de ne plus porter de salaka.

Elle a mis en exergue l'amour de la modernité qu'avaient les souverain.e.s merina du XIXème : il serait opportun de lui rappeler que la "modernité" dont elle parle n'est que la modernité dénuée d'âme, la modernité occidentale, l'erreur fatale de nos souverains. Ainsi Radama I a été subjugué par les artifices des futurs envahisseurs, au détriment de la règle d'or de son père : le grand roi Andrianampoinimerina, connecté à ses ancêtres, savait qu'il n'y avait pas de place pour les étrangers sur les terres sacrées de son royaume. Les souverain.e.s merina ont failli à leur mission en se laissant berner par les Occidentaux. Et nous voici, deux siècles  après, avec des hurluberlus similaires au pouvoir, obsédés par une illusion de modernité quand leur peuple meurt de faim.

Le béton serait d’après elle le summum de la modernité. L'histoire des différents palais qui composent le Rova d'Antananarivo témoigne de la perdition identitaire de nos souverains depuis l'arrivée des Occidentaux. Si Mahitsielafanjaka, palais d'Andrianampoinimerina, est en bois, ce n'est pas par non-maîtrise de la pierre, mais parce que dans la tradition malgache le bois est considéré comme une matière vivante, faite pour les vivants, quand la pierre est réservée aux morts. Ainsi lorsque les missionnaires comme James Cameron construisent les palais en pierre, c'est le symbole de la mort du royaume et la perdition de l'identité Merina. Faire une tirade sur le béton comme étant le digne héritier de la pierre est au mieux risible, au pire stupide, puisqu'il s'agit d'une méconnaissance de toute forme de noblesse dans les matériaux. Le nouveau colisée, immondice que l'on rasera le moment venu, n'est pas moderne, il est juste hors-sujet. Sans compter que du béton en 2023, à l'heure de la nécessaire transition climatique, c'est tout sauf moderne. 

Son mépris du "salaka", le mépris de Madagascar : le salaka est un habit traditionnel porté par les hommes. Il s'agit d'un pagne en tissu qui est passé autour des reins et entre les jambes. Il est traditionnellement en coton blanc pour le quotidien et en soie épaisse, parfois rehaussé de perles d’étain et d’un galon, pour les grandes occasions. La ministre de l'inculture a traité les opposants aux modifications de l'enceinte du Rova d'anti-modernes et a osé dire que "si nous n'étions pas entrés dans la modernité (comprendre "si nous n'avions pas singé les Blancs"), nous serions encore habillés en salaka" ! Cette phrase est d'une médiocrité sans nom. Non seulement cette Ministre pense que le salaka est honteux - alors que c'est un pan entier de notre identité (à l'instar du maro ura des polynésiens, du kilt écossais, etc.), mais qu'en plus le conserver signifiait ne pas rentrer dans la modernité. Décidément les bases sont à revoir.

Du XIXème au XXIème, le christianisme : arme coloniale, arme d'abrutissement

Le christianisme est l'arme principale utilisée par les colons, britanniques puis français, ayant pour mission de "civiliser" les affreux sauvages tout en s'approppriant leurs richesses et leurs terres.

C'est par le christianisme que les colons sont arrivés au plus haut sommet du royaume de l'Imerina.

C'est par le christianisme que les liens sacrés, qui unissaient le peuple d'une part et le peuple avec les souverains d'autre part, ont périclité.

C'est par le christianisme que le génocide culturel et spirituel s'est organisé, en construisant temples et églises sur d'anciens lieux de cultes traditionnels.

C'est par le christianisme que le Fihavanana et le Fiarahamonina ont été brisés, en corrompant d'abord la bourgeoisie puis en coupant celle-ci du petit peuple. Aujourd'hui plus que jamais, le christianisme, cette fois-ci dénommé évangélisme, est l'arme du pouvoir en place pour haranguer les foules.

Andry Rajoelina, entouré de sectes évangéliques toutes plus délurées les unes que les autres (à l'instar de Madagascar Will Rise, véritable machine d'embrigadement) organise un gala évangélique pour le peuple à la veille de la fête de l'indépendance. Peuple qui est encore majoritairement attaché aux spiritualités ancestrales et qui compte également des communautés non-chrétiennes : les musulmans, hindous, etc.

Voilà le mépris d'Andry Rajoelina. Voilà son projet. Détruire fondamentalement Madagascar et son identité la plus profonde, sa spiritualité.

Aux armes citoyens, formez vos bataillons !

Cerise sur le gâteau, après plusieurs jours de polémique sur la double nationalité du Président, on apprends que des éléments de l'armée française participeront au défilé militaire du 26 juin.

Comme pour insulter davantage le coeur blessé des Malgaches après la trahison de la naturalisation, voici que des "frères d'armes francais", venus tout droit de la colonie de la Réunion, viendront défiler pour la fête de l'indépendance de Madagascar.

...Est-il nécessaire de commenter ?

Il est peut-être temps pour nous, peuple malgache, encore colonisé par la France, avec des dirigeants nostalgiques ou aliénés, de nous approprier les paroles de la Marseillaise :

"Contre nous de la tyrannie

L'étendard sanglant est levé

L'étendard sanglant est levé...

 Aux armes citoyens, formez vos bataillons

Marchons, oui marchons

Qu'un sang impur

Abreuve nos sillons !"

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