Ce devait être dans une vie, la mienne, je ne sais plus au juste, ou celle d'un autre. Ou d'une autre.
Le temps se dilate parfois, des raccourcis se traçant entre les lignes des destins croisés, des femmes, des hommes, des enfants aux joues garnies de dattes, ou de jus d'orange, ou bien de thé vert. Plus loin, la chaleur de l'été déshydratait nos corps, cette voiture avançait ce devait être un modèle ancien style 4WD Toyota. Au coeur de l'Afrique Subsaharienne, là où sans doute le père médecin d'un célèbre écrivain français avait perdu son fils pour mieux le révéler aux paysages intérieurs, cet homme devenu Nobel parmi les Nobels, une oeuvre lente, immense rythmée par la saveur de paradis perdus.
Je pensais," les paysages varient, mais là, le temps s'efface", le bitume ne compte plus, la chicha flatte votre esprit quand vient le soir, et qu'au bout de la route un être vous accueille dans sa demeure, près du feu qui crépite, il sait que ce feu n'est pas forcément le sien. Il vous demande à vous occidental un aspro, un stylo que vous n'avez pas, il parle avec son corps, ce corps rude rompu aux travaux de la terre, ce sont souvent les femmes qui tiennent les maisons, qui élèvent les enfants, qui vont aux puits, qui font vivre la tribu, là-bas un mulet, ici des chèvres qui se perchent au sommet des arbres, et que certains photographient, pour dire " j'y étais, moi aussi" mais là pas de rencontres, pas de voyages.
Ces êtres avaient des mains, comme nous, avec des dessins, oui, figurez vous que oui, des dessins, leurs yeux noirs ou bleus contemplaient la nuit au delà de la nuit, avec des lumières infinis, La croix du Sud, là-bas pas de radio, là-bas, ces êtres se contentaient d'exister, dans ce mzab, au milieu de nul part, oui là-bas le seul fait de venir au monde est un miracle, mais il n'y a aussi des rivage. Seul comptent les rythmes de la nature, le cycle des soleils successifs, jamais les mêmes, ou le souffle du vent de sable sous les portes qui annonce parfois la pluie. Le sommeil se fait rare dans ces moments où les brumes intérieures nous parlent, on ne sait plus très bien si demain le jour sera là, et les notes se perdent au fil des grains de sable qui résonnent de l'écho des mondes, ce monde où certains sont persuadés en occident, qu'ils sont le centre, et qu'on attend après eux pour sauver la planète,triste fin.
L'air se fait rare à l'heure des midi, quand le soleil plombe votre nuque, que l'espace se rétrécit au sein de votre âme.
Puis, arpentant ces sols entre mer et terre, vous découvrez aussi que cette mer s'est retirée, bien avant tout ces tremblements promis, bien avant toutes ces guerres venues d'occident qui se célèbrent à la saignée des peuples meurtris, pour construire des mythes voués à perdurer, bien avant votre vision, bien avant l'éveil de vos sens, votre toucher, votre odorat, votre formatage dans une société normante, qui ne considère les hommes que comme des stocks en économie. Une économie non contrôlée sous couvert de liberté, qui se meut en monde bien incertain pour arranger les dominants.Oui, les dominants savent qu'il suffit du pain et des jeux.
Ce formatage contamine, même là-bas, certains qui se réclament de la pensée divine, unique, réductrice, qui font de la vie pour seul but l'édification de tours d'un gigantisme némésien. Mais ce pétrole fait perdre l'odeur des sens, il déstabilise les mondes sans se poser la question de la dominance, sans penser que l'autre est aussi une partie de lui même, l'alcool étant interdit la griserie ne peut faire accéder l'esprit à la frontière de la folie pour mieux révéler tous ces êtres à la révolution, dans toute sa torpeur, dans toute sa lumière.
Je m'évaporais, donc, oui, en moi tous ces jours de l'eau se transformait, perdue, mutée en joule, j'étais juste une onde, qui rythme au gré d'un temps imparti, oublié, d'une vie violée, qui demain s'éteindra dans le plus grand silence, celui d'un monde devenu enfin sensible, sans jamais n'avoir eu la sensation de perdre une vie, mais au contraire de la découvrir dans le regard des autres, quels que fut ces origines, au fil du temps, au fil des rencontres de hasard, mot arabe, comme alcool, ou zéro, mais pas barbare, tout est étrangement bizarre. Le plaisir est de penser sa vie, et d'ouvrir son corps à de nouvelles perceptions des mondes, au delà du réel.
" là tout est ordre, luxe, calme et volupté"