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Billet de blog 2 mai 2017

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Présidentielles deuxième tour - Un choix cruel et un engagement

Pour qui ne souhaite ni Macron ni Le Pen, le choix ultime se situe entre le risque d'un pouvoir à terme totalitaire et le maintien, pour cinq petites années, d'une liberté d'expression dont nous devrons user pour éviter le risque totalitaire en 2022. Ce texte est le témoignage d'une réflexion, en aucun cas une consigne de vote ou un jugement des choix électoraux.

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 Voter "blanc" au deuxième tour…

Ne plus me faire voler ma voix, comme cela m'est arrivé lorsque j'ai voté Chirac en 2002 pour faire tomber Le Pen, tout ça pour entendre Chirac, au soir de ce terrible scrutin, s'autoriser à prétendre que "avec un score comme celui-là (plus de 82%), on peut tout se permettre",

En finir avec ces politiciens retors, qui instrumentalisent les extrêmes et toutes les menaces qui s'y rattachent, pour s'approprier nos voix à peu de frais et, une fois arrivés au pouvoir, refuser de les écouter,

Enfin pouvoir voter "contre", sans avoir l'air de voter "pour", sans que ma voix puisse être comptabilisée au crédit d'un candidat dont je ne veux pas,

Ne pas céder à la crainte et se rappeler qu'il faudra lutter, dans les 5 ans qui viennent, quel que soit le candidat élu à la Présidence de la République,

Me dire que, de toutes façons, ce serait reculer pour mieux sauter et nous retrouver devant un Front National encore plus fort dans 5 ans. Dès lors, pourquoi ne pas l'affronter tout de suite, en espérant que ces 5 ans suffiront à démontrer l'inanité de ce vote et éviteront peut-être ceux qui nous suivent d'avoir à l'affronter ?


Mais voilà…

Nous sommes face au Front National, un parti qui exploite la haine et le ressentiment, avec des messages prioritairement destinés à flatter nos instincts les plus bas, qui s'adressent à nos réflexes et non à notre intelligence, à nos ressentiments et non à notre bienveillance,

Nous sommes devant un programme économique dont l'échec très probable aura comme effet premier d'isoler notre pays, d'en détruire ce qui lui reste de puissance économique et rendra la vie encore plus difficile aux plus démunis, un programme social basé sur l'exclusion et non sur la solidarité, incluant des régressions majeures, notamment pour les immigrés,

Nous sommes face à un risque non maîtrisé de dérive totalitaire, que je pressens comme réponse toute trouvée aux échecs des politiques qui seront menées, moyen terriblement efficace de conjurer le mécontentement populaire par une exploitation renouvelée de ses bas instincts, principalement la peur et le ressentiment.

Pourrais-je envisager sereinement qu'un candidat d'un tel parti soit un jour en mesure de disposer des pleins pouvoirs (article 16 de notre Constitution), ait la maîtrise du bouton nucléaire et dispose de la police et de l'armée à sa convenance et à celle de ses collaborateurs ?

Où en seraient nos libertés fondamentales au bout de 5 ans ? Aurions-nous seulement encore le droit de voter, de manifester, de nous réunir, de proposer d'autres choix politiques ? Pas si sûr.


Par-dessus tout, je suis convaincu que le Front National au pouvoir, ce serait une formidable autorisation, sinon un encouragement, à donner sans réserve libre cours à la haine ordinaire, en toute impunité.

Dans le film "Sophie Scholl, les derniers jours", qui se passe dans l'Allemagne nazie, on voit un petit bonhomme sans grandeur, épicier de son état, enrôlé dans les milices nazies et savourer jusqu'à l'ignoble le pouvoir que sa nouvelle place lui confère.

Je vois mal au nom de quoi il pourrait en être autrement dans la France de 2017.

Les progrès de la civilisation en matière de santé, de technologies, etc. n'ont semble-t-il aucun effet sur certains aspects de notre comportement. Un exemple tout récent de la libération de cette haine a été donné par cette femme qui s'est permise d'insulter, devant un supermarché, un vigile dont la peau était noire, galvanisée qu'elle était par la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle (voir cette édifiante vidéo sur DailyMotion).


Voter blanc, c'est toujours refuser de départager les candidats en présence, en ne retirant à aucun des candidats une chance d'arriver en tête du scrutin. Dans le cas présent, c'est la terrible responsabilité de ne pas retirer une chance aux extrêmes de prendre le pouvoir.

Pour moi, voter, c'est avant tout me prononcer sur des questions qui touchent à l'intérêt général, pas aux intérêts particuliers de ma personne ou d'un groupe.

En votant blanc, j'aurais l'impression de me faire plaisir, de prendre une revanche personnelle sur l'élection de Chirac en 2002. J'aurais aussi le sentiment de me défausser de ma responsabilité sur les autres électeurs, en comptant sur leur nombre pour que soit choisi le candidat du moindre mal.

Voilà pourquoi, dimanche prochain 7 mai 2017, j'irai déposer le nom d'Emmanuel Macron dans une urne, cet objet trop souvent rabaissé au statut d'urinoir par nombre d'électeurs et à celui de réceptacle de la conjuration de nos craintes par un personnel  politique péniblement enclin à la perversité, aux bas calculs et à la manipulation.


Les seuls espoirs qui me restent, pour ce 7 mai prochain au soir, sont que Marine le Pen ne soit pas élue Présidente de la République et qu'un profond silence règne dans tout le pays, en signe de désapprobation d'une élection qui, une fois de plus, aura contraint une majorité d'entre nous à choisir, bien loin de l'espoir d'un avenir désirable, un mal certain pour en éviter un bien plus grand.

Pas de quoi faire la fête.

Au-delà, si Marine Le Pen n'est pas élue, nous devrons employer toute notre énergie, non seulement à nous battre pour contrer les effets délétères des politiques qui seront menées, mais aussi à trouver les moyens d'affaiblir la tentation totalitaire qui sommeille en chacun de nous.

Pas de quoi se tourner les pouces.

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