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Édito: Cédric Leterme
Plus d’Europe ?
L’affaire est entendue. Face aux menaces qui se multiplient à travers le monde – économiques, sécuritaires, climatiques … – il faut « plus d’Europe ». D’autant que l’alternative, ce serait plus d’Europe du tout. Une « lente agonie », pronostiquait il y a quelques mois Mario Draghi dans un rapport qui semble déjà lointain. Entre-temps, Donald Trump est revenu à la Maison-Blanche. Il s’est acoquiné avec Poutine, a tancé ses vieux al- liés. Et désormais, la priorité va au réarmement.
Réarmement de quoi, et pour quoi faire ? On ne le sait pas trop. Du reste, ces questions valent aussi pour le projet européen lui-même. Quelle Europe, et pour quoi faire ?
Qui s’en soucie encore ?
S’il est vrai que la construction européenne procède surtout par « crises » successives, il est tout aussi indéniable que chaque nouvelle étape a poussé plus loin le caractère technocratique de l’entreprise. Ce qui n’empêche pas les réorientations, parfois significatives. Ainsi, de l’Europe de la paix à l’Europe par et pour la guerre. De la libre circulation (interne) au retour des contrôles aux frontières (internes). Du marché souverain aux (timides) tentatives de souveraineté industrielle…
Autant de basculements qui donnent l’impression de vivre ces « semaines où des décennies se produisent », comme disait Lénine. Dans ce contexte, ce numéro du Gresea Échos tente toutefois le pari du recul… et de la politisation. Dans un premier article, Jean-Christophe Defraigne (UCLouvain) s’interroge sur les ruptures et les continuités dans la poli- tique économique de l’UE. En second lieu, Cédric Leterme (Gresea) analyse les évolutions intervenues, ces dernières années, dans les grands équilibres entre États membres, au sein de ceux-ci et au niveau des institutions de l’UE. Dans l’article suivant, Juan Lovera (Handel Anders !, TNI) questionne cette fois le sens à donner aux bouleversements géopolitiques actuels à la lumière des relations historiques entre l’UE et les États-Unis. De son côté, Cécile Vanderstappen (CNCD) se demande à quels intérêts – et à quel prix – répond la politique migratoire européenne. Et puis, en guise de conclusion, Pierre Khalfa (ATTAC France) se demande s’il faut enterrer le mouvement social européen – et si oui, pourquoi.
Toutes ces questions nous paraissent aussi essentielles que peu présentes dans le débat public, y compris militant. On peut le comprendre. Les situations nationales sont déjà suffisamment compliquées comme ça. Il serait toutefois risqué de perdre de vue ce que ces situations doivent précisément aux nombreux choix décisifs opérés à Bruxelles. Et ce faisant, d’accréditer l’idée que, décidément, ce qui s’y passe nous échappe.
Car si le constat est fondé, il ne doit pas pour autant alimenter la résignation. C’est que cette dernière constitue probablement, avec les « crises », l’autre moteur derrière la fuite en avant de cette Europe-là.
Sommaire
Plus d’Europe ?
Cédric Leterme
Draghi Blues, ou l’éternel retour de la politique industrielle européenne
Jean-Christophe Defraigne, UCLouvain
Nouveaux équilibres politiques en Europe
Cédric Leterme
L’Europe doit se libérer de sa soumission à l’impérialisme américain
Juan Lovera, Handel Anders !/Transnational Institute (TNI)
Politiques migratoires européennes : de l’enlisement à l’urgence d’une justice migratoire
Cécile Vanderstappen, CNCD
Du FSE à l’ECSA, l’altermondialisme dans l’impasse ?
Pierre Khalfa, ATTAC-France
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