Pour la première fois de ma vie d'électeur, un candidat présidentiable - je veux dire par là qui à toutes les chances d'aller au second tour aux élections présidentielles- n'est pas issu de l'oligarchie, ou mis en place par elle (par le biais des médias, ou des financements de campagne). Pour la première fois un candidat présidentiable n'est pas issu d'un parti de gouvernement, et de fait, représente une vrai alternance. Je ne parle pas de l'alternance d'apparat de ces deux mastodontes que sont le RPR (alias UMP alias LR) et le PS, tout deux viviers d'apparatchiks qui ont troqué leurs idéaux depuis belle lurette contre une place confortable d'élu ou un pantouflage. La rigole qui sépare leur politique nous est présenté comme un gouffre à travers le prisme médiatique, mais leur cadre idéologique n'est réduit qu'au libéralisme et à la rigueur économique. Et on remarquera avec malice (ou écœurement, selon la disposition), que le candidat actuel de nos bien pensants n'a fait qu'un seul petit pas pour édifier le pont rejoignant les deux rives de cette rigole.
Et l'apparition de ce candidat coïncide avec un moment crucial de l'histoire. A un point de bascule. Le moment ou le système à bout de souffle commence à montrer ses premiers spasmes. Dans lequel l'humanité rencontre les limites de son écosystème. Comment la population humaine va-t-elle se réguler? Dans la planification de l'utilisation des ressources et de leur répartitions, ou bien dans l'accaparement de ces ressources par les plus forts, et leur utilisations futiles et égoïstes à des fins mercantiles, sans tenir compte ni de la finitude du monde, ni de l'impact de leurs exploitations sur notre environnement? Deuxième hypothèse qui se soldera inévitablement par la multiplication des « obstacles malthusiens » au développement de nos sociétés humaines – guerres, migrations de masse, catastophes climatiques, famines, épidémies, bref tout phénomènes brutaux qui s'imposent de l'extérieur et freinent le développement de cette société, ou les détruisent. Là est tout l’enjeu de notre époque. Autant dire d'emblée que nous sommes très mal partis. Le défi que représente la transition écologique est immense, car il est évident qu'il ne doit pas se faire dans un seul pays. Et l'urgence de la situation est un facteur aggravant, connaissant le haut degré de conscience du problème écologique du chef de l'état de la première puissance économique mondiale.
Il est sidérant de voir que la crise écologique ne soit pas la préoccupation la première de nos dirigeants, médias, ingénieurs, techniciens, agriculteurs, et que tous nos efforts ne soient pas dirigés dans la recherche et la mise en œuvre de solutions, dont les pistes nous sont pourtant connues. Qu'elle ne soit pas en une de nos journaux télévisés et papier, dans la bouche de nos éditorialistes et de nos hommes politiques. Ne tournons pas autour du pot, car l'explication est d'une évidence et d'une limpidité enfantine: le capitalisme ne peut pas résoudre le problème environnemental. Pire, il ne peut que l'aggraver. Prendre conscience de l’urgence environnementale et en faire une priorité politique, c'est forcément remettre en question le capitalisme. Et cette remise en question n'entre résolument pas dans le logiciel de notre oligarchie. D'autant que cette dernière a les moyens de se protéger des malheurs à venir, et de vivre confortablement, si elle fait fi du malheur qui se déchaîne sous ses yeux.
L'humaniste que je suis ne considère pas la protection de notre environnement comme une fin, mais comme un moyen, le bien-être humain en étant naturellement la fin. Et cette utopie ne peut que passer par le traitement de la crise sociale que traverse l'humanité. Cette crise sociale que nous vivons jaillit de la même source que la crise environnementale. De la même manière que les aberrations environnementales, les inégalités, qui sont le symptôme le plus parlant de cette crise, croissent de manières exponentielles – les 8 personnes les plus riches détiennent autant que les 3,8 milliards les plus pauvres en 2016, contre 388 en 2010, 177 en 2013, et 62 en 2015. Elles sont génératrices des mêmes maux que la crise environnementale : violence sociale, guerres, migration de masse, famine, épidémies. Des maux qui souvent, s'ajoutent les uns aux autres, les désastres écologiques étant toujours mis à profit par le néo-libéralisme à travers les stratégies du choc décrites par Naomie Klein.
Ces deux crises, qui ne peuvent être réglées que par une remise en cause du capitalisme (peut-être pouvons nous commencer par sa régulation?) ne peuvent en aucun cas être dissociées de la crise institutionnelle représentée par le déficit de démocratie de la Véme République au niveau national, et des institutions européennes au niveau européen. Comme le dit avec éloquence Etienne Chouard, tant que nous désignerons des chefs plutôt de voter des lois, nous ne seront pas en démocratie (demos - le peuple / cratos -le pouvoir). L'oligarchie (oli-peu nombreux / garchie-commander), elle, ne vote pas, elle fait voter. Car les moyens qu'elle possède (médias, financements) n'ont pour limite que les lois qui subsistent encore de toutes les dérégulations massives dont nous avons été les témoins, pour ne pas dire les victimes, à commencer par celles des lois anti-concentration des médias mises en place après guerre par le Conseil National de la Résistance. Ce qui nous amène forcément à une 6éme république, abolissant cette monarchie constitutionnelle permettant à un monarque de vivre « pendant cinq ans un pouvoir relativement absolu », dixit Mr Hollande. Etant dit que ce monarque s'est fait élire en partie grâce à un discours promettant de combattre la finance, alors son seul ennemi, pour désigner sitôt élu un banquier de Rothschild pour conseiller à l’Élysée, avant de lui confier les clés du ministère de l’économie (voir l'excellent billet de Serge Halimi « Et cette fois encore, le piège du vote utile? » https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/HALIMI/57398). De même, tant que les traités européens prennent le pas sur la souveraineté des états, nous ne serons pas en démocratie. Le passage en force du traité de Lisbonne nous l'a illustré et le lourd nuage des lobbies des multi-nationales gravitant autour des institutions européennes nous le rappelle sans cesse.
Le programme de la France Insoumise répond à ces trois problématiques. Et si nous ne sommes pas des lapins de trois semaines et qu'il nous faut sans cesse douter de la bonne foi de nos représentants, l'histoire de son candidatest de la meilleure augure. Elle est notamment illustrée par sa désolidarisation d'avec les apparatchiks du PS, ses votes au parlement européens (voir son blog européen http://europe.jean-luc-melenchon.fr/), son action de ministre délégué à la formation professionnelle (dans lequel son travail a été salué par tout le monde – y compris l'éditocrate Christophe Barbier, c'est pour dire) et son activité de sénateur (https://www.nossenateurs.fr/jean-luc-melenchon/documents/loi ). De même, son absence de lien avec l'oligarchie et son irrévérence à l'attention de leurs chiens de garde médiatiques, dénote une véritable prédisposition à renverser l'ordre établi.
Ce programme est le seul plébiscité par autant d'ONG tel qu'Amnesty International, Oxfam, Secours catholique, CCFD Terre solidaire, Greenpeace, National Geographic, Action contre la faim, Care, Avocats du bureau de paris (https://blogs.mediapart.fr/georges-ledoux-lanvin/blog/160417/presidentielles-2017-revue-des-etudes-de-20-ong-et-experts-les-avis-sont-unanimes), soutenu par autant d'économistes universitaires (http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/18/pour-une-politique-economique-serieuse-et-a-la-hauteur-des-enjeux-votons-melenchon_1563456), et qui fait même l'objet d'une pétition lancée par des intellectuels et des artistes outre-atlantique (http://www.liberation.fr/france/2017/04/19/des-intellectuels-et-artistes-americains-appellent-a-voter-melenchon_1563890). Je ne vais pas aller en détail dans ce programme et dans les raisons qui me poussent à le soutenir, je vous conseille pour cela le long et excellent billet Pour qui Voter (https://blogs.mediapart.fr/lonesome-cowboy/blog/180417/pour-qui-voter).
Nous, le peuple français, ne devons pas laisser passer cette chance historique d'inverser la vapeur et de faire de la France la tête de pont du mouvement progressiste qui n'a pas su encore se faire aux Etats-Unis (qui ne perd rien pour attendre au vu du succès de Bernie Sanders aux dernières élections). Un mouvement progressiste dont se réclame la majeur partie de l'humanité, qui a souvent raccroché les gants en se croyant vaincu, et qui n'attend qu'un signe pour reprendre espoir et suivre une France forte d'une Histoire au cours de laquelle elle a déjà abolit 1300 ans de monarchie de droit divin.
Ne ratons pas la marche de l'histoire!