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Billet de blog 16 décembre 2014

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Je suis écolo et je vote contre le nucléaire

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Réponse à la tribune de Jean-Marc-Jancovici publiée par le quotidien Les Echos le 16 décembre 2014 intitulée "L'écolo doit voter pour le nucléaire"

Force est de reconnaître que le mouvement antinucléaire partage le souci de Jean-Marc Jancovici pour le climat. Notre engagement face à cette crise globale est ancien. Dès les années 1990, suite à la Conférence de Rio nous nous sommes tous rassemblés autour du slogan «°ni nucléaire, ni effet de serre[1]°». Ce ne fut pas un positionnement opportuniste mais un choix délibéré face à un péril immense. Copenhague a été l'occasion de rappeler cet engagement. Nous avons alors participé à la mobilisation commune en lançant un appel spécifique «°Don't nuke the climate°![2]°»

Cette campagne n'a pas été vaine. En 2011, le très sérieux Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat[3] (GIEC), a publié un document très intéressant «°Renewable Energy Sources and Climate Change Mitigation[4]°» (SRREN). Si l'option nucléaire n'est pas écarté clairement par ce rapport, il apparaît clairement à sa lecture que les énergies naturelles et renouvelables possèdent un potentiel d'atténuation bien supérieur à celui de l'atome. On est là à mille lieues de ce que l'on peut lire sur Manicore[5].

Trois choses au moins sont à retenir selon le Réseau Action Climat[6] :

•   Les énergies renouvelables sont minoritaires, selon le SRREN elles représentent 13% du bilan d’énergie mondial, dont la moitié en biomasse traditionnelle, pas forcément soutenables pour le climat ou pour les populations concernées. Le nucléaire, dans ce décompte, représente 2%.

•   Le potentiel technique des sept familles d’énergies renouvelables dépasse par contre largement les besoins en énergie de l’humanité. Leurs caractéristiques sont toujours plus soutenables que les énergies traditionnelles, avec notamment un bilan carbone bien plus favorable. Les énergies de la mer, encore à l’état de développement ou de recherche, sont cependant encore incertaines dans leur potentiel. De même, la biomasse peut avoir des formes plus ou moins acceptables du point de vue de son bilan d’émissions.

•   Il existe désormais de nombreux scénarios crédibles qui mettent en avant les énergies renouvelables, avec des contributions allant au-delà de 80% du bilan mondial en 2050 et des coûts comparables à d’autres scénarios basés sur les énergies fossiles.

Le rapport insiste sur la complémentarité des nouvelles technologies et sur leur capacité à pourvoir répondre à la fois à des demandes locales et globales si tant est que des choix politiques claires soient faits. «°La mise en place d’un éventail de technologies ÉR complémentaires est une solution envisageable pour réduire les risques et les coûts d’intégration des ÉR. Parmi les autres solutions figurent la mise en place d’une production complémentaire souple et l’exploitation plus flexible des systèmes existants; l’amélioration des prévisions à courte échéance, de l’exploitation des systèmes et des outils de planification; une demande d’électricité qui puisse varier selon l’offre disponible; la mise en œuvre de techniques de stockage de l’énergie (y compris l’énergie hydroélectrique stockable); et la modification des dispositions institutionnelles. Le transport par réseaux électriques (y compris les interconnexions entre réseaux) et/ou l’infrastructure de distribution devront peut-être être renforcées et élargies, du fait notamment de la répartition géographique et de l’emplacement fixe éloigné de nombreuses ressources énergétiques renouvelables[7].°»

Le constat est sans appel. «°À mesure que l’infrastructure et les systèmes énergétiques se développent et malgré la complexité des processus engagés, selon le GIEC, il n’existe guère de limites techniques fondamentales en ce qui concerne l’intégration d’un éventail de technologies renouvelables pour faire face à la plus grande partie de la demande totale d’énergie aux endroits disposant ou pouvant disposer de ressources énergétiques renouvelables appropriées.°»

Point besoin dès-lors de recourir massivement aux énergie fossiles, si ce n'est à court terme comme en Allemagne[8], pour engager une profonde transition énergétique. Au delà de l'absolue urgence de mettre un terme à l'exploitation périlleuse et dispendieuse des réacteurs nucléaires, il n'y a aucune raison de poursuivre l'utilisation d'énergies de stock qui de toute manière arrivent à épuisement. Seul le domaine des transports oppose aujourd'hui une résistance profonde à e qui est bien plus qu'une simple transition mais une mutation technologique et civilisationnelle profonde. Mais ce n'est en rien une fatalité. Les mobilités déjà évoluent vers l'usage préférentiel de modes doux en milieu urbain et des transports en commun pour les longues distances.

Toujours est il que le nucléaire est très clairement surclassé ne serait-ce qu'en terme d'émissions de gaz à effet de serre[9]. Les analyses du cycle de vie pour la production d’électricité, par le GIEC, indiquent que les émissions de GES émanant de technologies ÉR sont généralement beaucoup plus faibles que celles issues de technologies faisant appel à des combustibles fossiles et, dans certaines conditions, inférieures à celles correspondant à l’utilisation de combustibles fossiles avec captage et stockage du carbone (CSC). Les valeurs médianes pour toutes les énergies renouvelables s’échelonnent de 4 à 46 g éqCO2/kWh, alors que pour les combustibles fossiles, elles vont de 469 à 1°001 g éqCO2/kWh (à l’exclusion des émissions dues aux changements d’affectation des sols). L’empreinte carbone moyenne d’une centrale nucléaire est quant à elle de 66 g de éqCO2/kWh selon des études qui peuvent être considérées comme sérieuses[10]...

Si les écologistes et a fortiori les antinucléaire sont des lobbyistes, ce sont des lobbyistes du vent, de l'eau et du soleil et non des agents des multinationales des hydrocarbures. Les mésaventures récentes de nos amis de Greenpeace dans l'antarctique le rappellent de manière évidente. Ce n'est manifestement pas le cas de Jean-Marc Jancovici. Que ce soit en son nom propre ou pour la fondation de l'hélicologiste Nicolas Hulot[11], il intervient toujours comme un des plus résolus thuriféraires de l'atome[12].

In fine son argumentaire est toujours le même. Tout comme dans la tribune publiée ce jour par le quotidien Les Echos[13], le risque nucléaire est systématiquement nié[14]. Aujourd'hui, Jean-Marc Jancovici fonde son argumentaire sur les conclusions d'un rapport des Nations Unies publié en septembre 2014[15]. «°Car que dit cet organisme ? Tout simplement que le nucléaire civil, accidents compris, engendre des dangers qui restent minimes, et que tout ce qui est détectable n'est pas dangereux pour autant.°» L'expert préféré des médias intervient donc en toute objectivité pour expliquer aux écolos que le nucléaire est inoffensif, tout du moins beaucoup moins dangereux que les hydrocarbures ou le charbon[16].

La posture est osée et le discours inaudible. Non seulement Jean-Marc Jancovici va à rebours des enquêtes menées sur place par des associations dont le sérieux est reconnu de tous[17], mais il occulte les études menés par des instituts publics dont l'IRSN pour ne citer que cet exemple français[18]. La situation est beaucoup moins évidente qu'il voudrait le laisser entendre.

Ce ne sont pas seulement quelques antinucléaires farfelus qui dénoncent le constat établi par le Comité scientifique des nations unies cité par Jean-Marc Jancovici. L'organisation Human Rights Now et 40 organisations ont publié dès octobre 2014 une déclaration demandant une révision complète du rapport[19]. Rapport qui est loin de faire l'unanimité au sein même de la communauté scientifique[20]. Fin novembre, un colloque international organisé par le Collectif Independant Who a permis d'approfondir la critique et de donner à voir qu'une toute autre lecture des données disponibles est possible[21]. Le nucléaire tue. C'est un fait avéré quoi qu'en dise l'UNSCEAR et les partisans toujours moins nombreux de l'énergie atomique.

Force est de reconnaître en effet, qu'à l'échelle internationale, l'énergie nucléaire compte de moins en moins d'amis[22]. Elle recule inexorablement quelques soient les gesticulations de la diplomatie française pour proposer des réacteurs à la moindre occasion[23]. Cela s'explique très facilement. «°Pour 2050, selon le rapport du GIEC cité plus haut, nombre de scénarios de référence prévoient des niveaux de mise en valeur des ÉR supérieurs à 100 EJ/an, allant dans certains cas jusqu’à 250 EJ/an environ. Ces niveaux de base résultent d’un ensemble d’hypothèses, dont la croissance continue de la demande de services énergétiques pendant tout le XXIe siècle, la capacité des ÉR à faciliter l’accès à l’énergie et une moindre disponibilité des ressources fossiles à long terme. D’autres hypothèses (comme la baisse des coûts et l’amélioration des performances des technologies ÉR) rendent ces technologies de plus en plus compétitives sur le plan économique dans de nombreux cas, même en l’absence d’une politique climatique.°»

Pour le dire autrement, le nucléaire est surclassé. Trop cher, trop long à mettre en œuvre et surtout trop dangereux, cette technologie n'apporte aucune réponse aux défis énergétiques du siècle qui s'ouvre à peine[24]. C'est en particulier le cas dans les pays du Sud qui ont besoin d'installation fiables, robustes et locales. La Chine l'a parfaitement compris. Ici ce n'est pas le nucléaire qui remplace les fossiles mais les Energies renouvelables[25]. «°Au 3eme trimestre de l'année 2013, le monde a investi 46 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. En tête la Chine avec 13 milliards, ensuite le Japon avec 7 milliards et en 3eme les Etats-Unis avec 5,5 milliards, affirme Bernard Laponche, qui ajoute queles Chinois ont rapidement compris qu'il fallait changer de modèle énergétique[26]»

Somme toute il n'y a guère que le petit club très français, dont Jean-Marc Jancovici est un des plus fameux représentant, qui reste envers et contre tout accroché à l'atome et aux privilèges d'EDF. Bien que cette option soit hors de prix et nous expose à ces incertitudes croissantes, il tente par tous les moyens de stopper le cours des choses. Sans succès, il faut dire. Ici même de plus en plus se défient de l'énergie atomique et fondent leurs espoirs sur les énergies positives qui seules peuvent répondre à l'urgence climatique dans le respect de la justice sociale.


[1] http://www.mediapart.fr/journal/international/130708/ni-nucleaire-ni-effet-de-serre

[2] http://www.dont-nuke-the-climate.org/

[3] http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml

[4] http://srren.ipcc-wg3.de/report/IPCC_SRREN_Full_Report.pdf

[5] http://www.manicore.com/

[6] http://www.rac-f.org/DocuFixes/IDS/IDS84.pdf

[7] IPCC SRREN : Full report, http://srren.ipcc-wg3.de/report, p 16.

[8] L'Allemagne réduit ses rejets de CO2 tout en fermant son parc nucléaire

http://blogs.mediapart.fr/blog/jpm2/190313/lallemagne-reduit-ses-rejets-de-co2-tout-en-fermant-son-parc-nucleaire

Le « tournant énergétique » allemand est un projet politique complet, qui va au-delà de la sortie du nucléaire et du développement des énergies renouvelables. L’Energiewende recueille un large soutien de la société allemande : 89% des citoyens la considèrent comme importante. L’Allemagne a déjà réduit ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 25% depuis 1990 (objectif 40% en 2020 et 55% en 2030) et porté la part des énergies renouvelables à près de 24% de l’électricité consommée (objectif 35% en 2020). D’ici le milieu du siècle, le pays vise une réduction de ses émissions de 80 à 95% par rapport à 1990. L’Allemagne n’a abandonné ni l’objectif de sortie du nucléaire, ni celui de réduire ses émissions de 40% d’ici à 2020. Le nucléaire n’est pas remplacé par du charbon, mais par des énergies renouvelables. Si les émissions allemandes sont en hausse, c’est parce que le charbon remplace le gaz, moins polluant, mais devenu plus cher. On retrouve ce phénomène dans la plupart des pays européens. (http://www.rac-f.org/En-finir-avec-les-idees-recues-sur)

Lire aussi le numéro n°30 de la Revue Global Chance consacré à la comparaison de la consommation d'énergie en France et en Allemagne (http://www.global-chance.org/La-consommation-d-energie-en-France-et-en-Allemagne-une-comparaison-instructive)

[9] http://www.sortirdunucleaire.org/Le-nucleaire-une-solution-a-l

[10] https://www.nirs.org/climate/background/sovacool_nuclear_ghg.pdf

[11] http://www.fondation-nicolas-hulot.org/fondation/organisation-de-la-fondation/conseil-scientifique

[12] http://www.reporterre.net/spip.php?article1747

[13] http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204016652496-lecolo-doit-voter-pour-le-nucleaire-1075331.php#

[14] http://www.manicore.com/documentation/articles/idee_nucleaire.html

et visionner cette formidable prestation devant la commission d'enquête parlementaire sur le coût réel de l'électricité (http://videos.senat.fr/video/videos/2012/video12508.html)

[15] UNSCEAR's assessment of levels and effects of radiation exposure due to the nuclear accident after the 2011 great east-Japan earthquake and tsunami : http://www.unscear.org/unscear/fr/fukushima.html

[16] http://www.manicore.com/documentation/articles/idee_nucleaire.html

[17] celle qui mène le travail le plus constant sur place est sans conteste l'ACRO :

http://www.acro.eu.org/chronoFukushima.html

[18] http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2014/Pages/consequences-sanitaires-accident-fukushima-en-2014.aspx#.VJChiSuG97E

[19] courrier adressé à l'UNSCEAR : http://hrn.or.jp/eng/wp-content/uploads/2014/10/Letter-to-UNSCEAR2014.pdf

[20] http://www.rtbf.be/info/societe/detail_les-delegues-belges-indignes-on-minimise-les-consequences-de-fukushima?id=8042566

[21] http://independentwho.org/fr/2014/12/05/forum-2014-effets-genetiques/

[22] World Nuclear industry status report 2014 : http://www.worldnuclearreport.org/IMG/pdf/201408msc-worldnuclearreport2014-hr-v4.pdf

[23] http://observ.nucleaire.free.fr/com-fuku-3ans-declin.htm

[24] Face à la menace climatique, l'illusion nucléaire : http://www.rac-f.org/Face-a-la-menace-climatique-l

[25] http://blogs.telegraph.co.uk/finance/ambroseevans-pritchard/100027336/solar-to-match-coal-in-china-by-2016-threatening-fossil-dominance/

[26] http://www.franceinfo.fr/emission/le-vrai-du-faux/2013-2014/cecile-duflot-dit-elle-vrai-sur-les-energies-renouvelables-en-chine-12-11-2013-09-25

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