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Billet de blog 17 septembre 2014

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La Haute-Normandie face à la crise écologique

A l'heure où la loi de "non-transition" énergétique arrive devant les parlementaires, le Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs a mené une enquête dans la Région où il agit, la Haute-Normandie, pour regarder les conséquences des choix industriels et technologiques sur la Nature et la Société.

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A l'heure où la loi de "non-transition" énergétique arrive devant les parlementaires, le Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs a mené une enquête dans la Région où il agit, la Haute-Normandie, pour regarder les conséquences des choix industriels et technologiques sur la Nature et la Société. Le constat est clair. La spécialisation de ce territoire n'a apporté ni bien-être ni prospérité. L'économie de l'atome et du pétrole a plongé la région dans une crise durable dont elle peine à sortir.

L’industrie nucléaire est non seulement un choix technologique mais c’est un choix politique. La France a décidé de se doter d’un parc nucléaire au milieu des années 1950 dans le but de rattraper les Etats-Unis tout en garantissant l’indépendance énergétique de la nation. Une entente inédite entre les gouvernants et la haute administration a permis de réaliser cet objectif absurde. A l’aube des années 1980, la France apparait comme le pays le plus nucléarisé au monde si l’on compte le nombre de réacteurs par kilomètres carrés[1]. La Normandie déjà marquée par la présence massive des industries pétrolières est transformée en aire atomique de Flamanville à Paluel.

En dépit de toutes ses promesses, une fois l’alternance venue, François Mitterrand s’est empressé de marcher sur les pas de ses prédécesseurs. Le choix du nucléaire était conservé par la gauche au pouvoir. Mais fallait-il encore donner à voir par des gestes concrets cette orientation. C’est dans ce contexte si particulier qu’a été mis en service le Centre nucléaire de production d’électricité de Paluel près de Saint-Valéry en Caux. Première centrale constituée de réacteurs de 1.300 MWe, la centrale normande prouvait que la France était désormais en mesure de gagner son indépendance technologique. A peine Paluel terminée, le second mandat de François Mitterrand s’ouvrit avec l’ouverture de la centrale de Penly.

En une décennie la Haute-Normandie est devenue la seconde région nucléaire du territoire français en dépit d’une réelle résistance des populations locales et des écologistes[2]. A la malédiction du pétrole est venue s’ajouter celle de l’atome. L’abondance énergétique n’a pas permis le «°redémarrage°» tant attendu loin s'en faut. Le taux de chômage dans le département de Seine-Maritime passe ainsi de 9 % en 1982 à 12.3 % en 1994. Le développement des grands établissements industriels ne compense pas la disparition des activités traditionnelles. Le profil économique et social de la Région change sous l’influence d’une région capitale en pleine extension[3].

D’aucuns auraient pu croire que la décentralisation mis en œuvre sous les présidences de François Mitterrand tempère un modèle de développement déterminé par la satisfaction des besoins de l'agglomération parisienne. Cela n'a pas été le cas. S’il fut question de rééquilibrer le territoire français cela l’a été seulement au profit de quelques espaces périphériques. Le Bassin parisien conçu comme un tout, arrière-pays d’une capitale aux prétentions mondiales, a été contraint par le jeu délibéré des préfets et des vassaux de la rue de Solferino de répondre aux injonctions franciliennes.

La Haute-Normandie a ainsi été dévolue aux activités polluantes, dangereuses et aux « industries de masse » grandes consommatrices d’emploi non qualifié. La vieille province agricole a achevé sa transition en terre ouvrière. Aujourd’hui c’est un espace en crise[4]. Nulle autre industrie que le nucléaire n’illustre mieux la faillite du modèle économique imposée à la Haute-Normandie par un Etat soucieux avant tout de la prospérité parisienne. La promesse de développement n’a apporté aucun bienfait. La région subit de plein fouet la déliquescence d’un modèle économique qui ne maitrise ni ses impacts environnementaux, ni ses coûts et expose chacun à des risques immenses.

 Le Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs a publié sur son blog à la rentrée un document de synthèse qui essaie de donner à voir l'impasse dans laquelle les politiques publiques régionales et nationales ont enfermé ce territoire. La crise est complète ici. Non seulement sociale et environnementale, elle est aussi sanitaire au vu des données publiques que nous avons pu consulter.

Cet exemple local parmi tant d'autres devrait rappeler à ceux et celles qui prétendent gouverner que le modèle énergétique qu'ils veulent péréniser en dépit de quelques aménagements de façade n'est pas soutenable. Il est urgent de changer de base et d'admettre que l'issue la plus juste et la plus solidaire implique une stratégie de "descente énergétique" c'est à dire de faire le choix de la décroissance.


[1] Retour sur l’histoire du nucléaire en France

http://www.reporterre.net/spip.php?article2983

[2] Manifestation de 1977 : http://diazenligne.archivesenligne.fr/DIAZ-502-6565-0-0.html

[3] Le desserrement de l'emploi dans la région urbaine de Paris

https://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/17471/1/IP_doctrav_2003_11.pdf

[4] http://www.seinemaritime.net/sm2020/media/enjeuxdetailleweb.pdf

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