C'est entendu, l'Inde entend être championne du monde de l'énergie solaire, les accolades et embrassades à répétition imposées par Modi à son hôte, Emmanuel Macron, samedi 3 juin à l'Elysée, avaient pour but de bien faire passer le message. Mais l'Inde a toujours plusieurs fers au feu. Elle achète ainsi des réacteurs nucléaires à la Russie tout en continuant de faire la moue devant les EPR qu'EDF veut lui refourguer pour la bagatelle de 40 milliards d'euros.
C'est vrai dans le domaine de la politique étrangère. Ca l'est aussi avec nos amis les animaux. Ainsi, alors que la vache n'en finit pas de défrayer la chronique, le dernier épisode étant l'interdiction désormais imposée à tout le pays de vendre et d'acheter du bétail sur les marchés à bestiaux en vue d'abattre ces pauvres bêtes, voilà que le paon fait irruption dans le débat public.
Animal symbole de l'Inde, au point d'avoir inspiré l'architecture de l'aéroport international de Bombay inauguré en 2014, le phasianidé est subitement devenu un modèle de décence et de morale, pour un peuple connu pour son rapport compliqué à la chose sexuelle.
Le paon, donc, a ceci de remarquable qu'il ne s'accouple pas. Pour se reproduire, il suffit que la femelle s'approche de son partenaire et avale les larmes de celui-ci, et le tour est joué. C'est en tout cas ce qu'a affirmé publiquement, le jour de son départ en retraite, Mahesh Chandra Sharma, juge à la Haute Cour du Rajasthan. De quoi mettre en colère notre très admirée chroniqueuse du dimanche dans les colonnes de The Indian Express. Tavleen Singh, réputée avoir un penchant pour le pouvoir actuel, n'est pas contente du tout.
L'Inde est prise de "folie", dit-elle, avec ces histoires abracadabrantesques. Alors qu'un attentat d'une violence inouïe s'est produit il y a quelques jours faisant une centaine de victimes à Kaboul, alors que la croissance économique de l'Inde subit un sévère ralentissement pour cause de démonétisation des billets de banque à la fin de l'année 2016, les journalistes en sont réduits à commenter et analyser... le célibat des paons.
Le pire dans cette histoire qui prête à sourire ou à pleurer, c'est selon, c'est ce que Tavleen Singh raconte subir sur les réseaux sociaux. Elle reçoit des menaces de fanatiques nationalistes hindous qui l'accusent de faire partie de "l'élite", c'est à dire de la frange de la population indienne qui parle anglais, mange de la viande, boit du vin et travaille dans des bureaux équipés d'air conditionné. Pourquoi ? Parce qu'elle invite les responsables politiques à oublier un peu les vaches (et les paons) et à s'occuper davantage des humains, qu'ils soient hindous ou musulmans.
Que Tavleen Singh se rassure : le ministre des finances, Arun Jaitley, s'est saisi de ces questions animalières et a laissé entendre que le commerce de bétail devrait finalement être autorisé sous conditions. On ignore encore, en revanche, si les paons auront un jour le droit de copuler.