L'avantage du suicide virtuel, c'est qu'on peut s'en remettre facilement. Il n'aura ainsi fallu qu'une petite décision de justice pour que l'écrivain tamoul Perumal Murugan redescende du paradis des écrivains qu'il avait choisi de rejoindre début 2015, après avoir annoncé sa mort sur Facebook. Sa mort littéraire, entendait-il. Mardi 5 juillet, la Haute Cour de Madras a annulé l'interdiction qui frappait son roman, Madhorubhagan, interdiction qui avait poussé l'auteur à poser son stylo et à reprendre sa simple vie d'enseignant. "C'est le lecteur qui choisit ou non de lire un livre. Si le livre ne lui plaît pas, il peut le jeter. L'obligation de lire un livre n'existe pas", ont expliqué les magistrats. En somme, même en Inde, tous les goûts littéraires sont dans la nature et personne ne peut imposer ou interdire tel ou tel ouvrage. Mieux, dit le tribunal de Madras, le droit d'écrire ne peut souffrir "d'aucune entrave". Quelle bonne nouvelle pour la liberté d'expression ! Les extrémistes de tous bords apprécieront...
Rappelons que Madhorubhagan a été publié en tamoul en 2010 et que c'est sa transcription en langue anglaise sous le titre One Part Woman, en 2014, qui a valu des problèmes à Perumal Murugan. Ce dernier a reçu des appels anonymes avant d'être l'objet de rassemblements hostiles à son nom et à son oeuvre, durant lesquels des exemplaires du livre ont été brûlés par des fanatiques hindous. La police l'a alors arrêté et lui a demandé de présenter des excuses, en signant au passage une déclaration dans laquelle il assurait que ce roman n'était que fiction. Madhorubhagan est pourtant inspiré d'une tradition bien réelle pratiquée à Tiruchengode. Dans ce village du Tamil Nadu proche de Coimbatore, les femmes qui n'arrivent pas à avoir d'enfant peuvent chaque année se rendre au temple d’Ardhanareeswara, où elles ont le droit de s'accoupler avec un inconnu. Si elles tombent enceintes, leur enfant est béni des Dieux et souvent, le mari dont l'infertilité est ainsi révélée quitte le domicile conjugal.
Pour le moment, Perumal Murugan reste discret. Il n'a pas encore annoncé sa résurrection sur son profil Facebook...