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Billet de blog 9 avril 2015

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Modi à Paris pour une opération séduction

Le Premier ministre indien attend de sa visite en France que les liens économiques se resserrent avec son pays, notamment dans l’industrie manufacturière et le nucléaire.

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Le Premier ministre indien attend de sa visite en France que les liens économiques se resserrent avec son pays, notamment dans l’industrie manufacturière et le nucléaire.

La grève des contrôleurs aériens va-t-elle empêcher Modi-le-Conquérant de débarquer à Paris ? Alors que le Premier ministre indien entame ce 9 avril une visite de trois jours dans l’Hexagone, la presse de son pays ne parle, à propos de la France, que de la paralysie probable des aéroports. Quant à savoir si le nouvel homme fort du sous-continent, tel l’empereur Constantin brandissant son crucifix sur le Ponte Milvio au moment de conquérir Rome et de la convertir au christianisme, mettra en avant la religion hindoue pour laquelle ses partisans font de plus en plus assaut de prosélytisme, l’intéressé a fait une mise au point, en préambule d’une longue interview publiée jeudi matin par The Hindustan Times. Il aurait notamment confié aux journalistes venus l’interroger qu’il ne pouvait se livrer à déclarations publiques chaque fois que des excités jouaient dans le registre de la provocation ou organisaient des conversions forcées en masse, mais il aurait assuré qu’il “désapprouve” de tels agissements. C’est ce que l’on appelle le service minimum.

S’agissant de ses premiers mois au pouvoir, Modi donne en revanche dans l’auto-satisfecit maximum. Il estime avoir “restauré” la crédibilité de l’Inde en termes politiques, économiques et de gouvernance, et avoir redonné foi en la capacité de ce pays de 1,2 milliard d’habitants à agir “avec transparence, efficacité et rapidité”. Pour sa première intervention dans la presse écrite depuis son installation au 7, Race Course Road, la résidence officielle du chef du gouvernement à Delhi, Modi énumère tous les sujets sur lesquels il dit avoir agi : construction de toilettes dans les écoles et les campagnes, ouverture de comptes en banques pour les populations précaires, subventions à ses “frères et soeurs” agriculteurs, réattribution des concessions des mines de charbon dans des conditions financières satisfaisantes pour l’Etat, retour d’une croissance économique soutenue permettant à l’Inde de dépasser dès à présent la Chine...

Modi règle par ailleurs ses comptes avec le Parti du Congrès de la famille Gandhi qui, tout en étant dans l’opposition à la Chambre des députés, contrôle avec ses alliés le Sénat, où il bloque certaines réformes en cours. “Durant les soixante ans où le Congrès a été au pouvoir, les pauvres sont restés pauvres ou se sont appauvris. Ce parti ne prend des décisions qu’à l’approche des élections et explique ensuite qu’il agit en faveur des plus démunis”, estime Modi : “Nous, nous avons lancé une sécurité sociale pour les pauvres et un programme en faveur de l’emploi des jeunes. Pourquoi tout cela n’a-t-il pas été fait ces soixante dernières années ? Qui a empêché le Congrès d’agir ?” Le Premier ministre, qui prétend avoir été un simple vendeur de thé dans la gare d’Ahmedabad lorsqu’il était enfant, s’insurge aussi contre les médias, coupables selon lui de reprendre à leur compte les affirmations de la gauche. “Nos amis du Congrès disent que nous ne gouvernons que pour les grands groupes industriels tandis que le patronat nous reproche de ne rien faire pour les entreprises”, observe-t-il, narquois.

Interrogé sur ce qu’il attendait de son voyage en France et de ses rendez-vous avec le président de la République, Modi est en revanche davantage en position de demandeur. La presse indienne souligne, certes, le caractère stagnant de l’économie française et “le vaste potentiel” que l’Inde représente pour celle-ci, jugeant François Hollande “sous pression” après sa récente défaite aux élections départementales. Narendra Modi, lui, insiste sur ce que la France peut apporter à l’Inde en termes de capitaux et de savoir-faire technologiques. Comme l’Allemagne et le Canada où il doit se rendre dans la foulée, la France est un pays “majeur” qui peut contribuer au développement de l’Inde. “Elle possède une industrie manufacturière et des compétences qui nous sont utiles, elle est aussi un partenaire stratégique fiable”, déclare Modi. Une allusion au partenariat entre les deux pays dans le domaine de l’atome. Areva espère du reste qu’à la faveur de cette visite, Modi confirme la construction annoncée il y a cinq ans de la plus grande centrale nucléaire du monde, à Jaitapur. Situé à la frontière des Etats du Maharashtra et de Goa, le site doit être pourvu de six réacteurs, dont deux EPR français.