On oublie souvent que l’Inde et la Birmanie ont une frontière commune. Et l’on aurait tort de croire que le gouvernement Modi est indifférent à la situation de la minorité Rohingya. Certes, les représentants de cette communauté musulmane apatride réfugiés en Inde ne sont pas assurés de pouvoir y rester et le sujet n’est pas au coeur des échanges actuels entre les chancelleries des deux pays. Mais le fait que 300 000 Rohingya soient passés de Birmanie au Bangladesh ces dernières semaines inquiète réellement Delhi.
Primo, parce que l’Inde ne tient pas à voir l’instabilité grandir et perdurer chez son voisin et allié, le Bangladesh. Deuxio, parce que l’Inde craint plus que jamais de voir la Birmanie glisser dans la sphère d’influence économique et géopolitique de son ennemi chinois. D’où les projets de routes, ports et voies ferrées qui se multiplient entre les deux pays. Tertio, parce que l’Inde tient à s’assurer que les rebelles de ses Etats du nord-est, au premier rang desquels le Nagaland, ne trouvent pas terre d’asile dans la jungle birmane voisine.
C’est pour toutes ces raisons que le premier ministre indien a tenu à faire escale à Naypyidaw la semaine dernière, en rentrant du sommet des Brics qui venait de se tenir en Chine. Or Narendra Modi a jeté un pavé dans la mare, en annonçant à Aung San Suu Kyi qu’il détenait la preuve de liens entre les rebelles Rohingya qui ont attaqué les postes frontière de l’armée birmane fin août d’une part, les services secrets pakistanais d’autre part. De quoi apporter de l’eau au moulin de la Prix Nobel de la Paix 1991, qui ne parle des Rohingya que comme d’un problème de sécurité intérieure.
Dans le cadre de leur coopération dans la lutte anti-terroriste, affirme The Economic Times, l’Inde et le Bangladesh auraient découvert que les attaques du 25 août avaient été préparées avec le soutien de l’Inter-Services Intelligence (ISI), la branche du renseignement relevant de l’armée pakistanaise. Des écoutes téléphoniques auraient permis de prouver que cette dernière a traité directement avec Ata Ullah, le chef de l’Arakan Rohingya Salvation Army, lequel aurait eu droit, en outre, à des entraînements auprès de l’organisation islamiste armée pakistanaise Lashkar-e-Toiba (LeT). Info ou intox ?