Avec le gouvernement Modi en Inde, c’est un peu comme avec Trump aux Etats-Unis d’Amérique : on se demande jusqu’où il ira, quelle sera la prochaine annonce que personne n’osera prendre pour crédible, et quelles seront les motivations rétrogrades d’icelle. Ainsi, lundi 11 décembre, la ministre indienne de l’information et des télévisions a décrété que les publicités pour le préservatif disparaîtraient dorénavant du petit écran entre 6h du matin et 10h du soir.
Smriti Irani s’était déjà faite remarquer au début du quinquennat de Modi, lorsque ministre de l’éducation nationale, elle avait tenu des propos agressifs à l’égard des étudiants de la Jawaharlal Nehru University de Delhi, foyer « gauchiste » et « séditieux » que cette nationaliste hindoue pur jus abhorre. Cette fois, c’est au nom de la morale qu’elle est intervenue. Le préservatif est porteur d’images « indécentes et inappropriées » pour les enfants qui regardent la télévision dans la journée, affirme-t-elle.
Smriti Irani, qui selon nos informations, n'a pas encore déposé sa candidature au poste de porte-parole du pape, estime que la capote est un sujet qui « met en danger la sécurité » des plus jeunes et qui risque de susciter chez ces derniers « un intérêt pour des pratiques sexuelles mettant leur santé en péril », des situations bannies par une loi de 1994. Aux yeux de la ministre, le préservatif représente donc « un danger » et non, comme on le croit en Occident, un moyen de se protéger. Les professionnels de santé et ceux qui se dépensent sans compter pour la lutte contre le sida en sont pour leur frais. Faire de la capote un nouveau tabou est « choquant » et « contreproductif », prêchent-ils, comme s’ils se trouvaient en plein désert.
Interdire la publicité arrive d’ailleurs au plus mauvais moment. En Inde, l’usage du préservatif a chuté de 52% entre 2008 et 2016. En outre, d’après une étude récente du département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, seuls 5,6% des Indiens ont enfilé une capote en 2016 et 57,8% de la population n’a eu recours à aucun moyen contraceptif.
Sur les réseaux sociaux, Smriti Irani a mis le feu. Mention spéciale au groupe « Humans of Hindutva » qui, sur Facebook, s’amuse à moquer les prises de position des fondamentalistes hindous. Mardi 12 décembre, ce dernier a publié une fausse interview hilarante de la ministre. « Pourquoi interdire la publicité pour le préservatif dans un pays qui est en passe de devenir le plus surpeuplé de la Terre ? », lui est-il demandé. Réponse de l’intéressée : « Le sexe nous terrorise et il est bien connu que les gens du BJP (le parti de Modi actuellement au pouvoir, ndlr) n’ont pas de rapports sexuels ».
« Mais dans ce cas, comment vous reproduisez-vous ? ». « Sur l’autoroute Bombay-Ahmedabad (ville d'origine de Modi, ndlr), il y a un puits tenu secret dans lequel, tous les mardis entre 2h43 et 5h29 du matin, un bébé apparaît », explique Smriti Irani. « Et qu’en est-il des maladies sexuellement transmissibles ? ». « Nous sommes en discussion avec le VIH et l’herpès pour qu’ils ne contaminent pas le corps des Indiens entre 6h du matin et 10h du soir », précise la ministre.
Seul argument qui pourrait la faire revenir sur sa décision ? Le taux de natalité des musulmans, réputé largement supérieur à celui des hindous. « Si vous empêchez les musulmans de voir des pubs sur la capote, ils auront de plus en plus d’enfants. Avez-vous pensé à cela? », lui demande « Humans of Hindutva ». « Oh mon Dieu ! s’écrie la ministre de l’information. Qu’est-ce que j’ai encore fait ? »