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Billet de blog 18 février 2015

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Modi en pleine crise de repentance

Le premier ministre indien a reconnu publiquement le droit de chacun à choisir sa religion. Il a vendu aux enchères le costume à 14.000 euros qu’il avait enfilé pour recevoir Obama fin janvier. L’humiliation subie par le BJP aux élections locales à Delhi y est sûrement pour beaucoup.

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Le premier ministre indien a reconnu publiquement le droit de chacun à choisir sa religion. Il a vendu aux enchères le costume à 14.000 euros qu’il avait enfilé pour recevoir Obama fin janvier. L’humiliation subie par le BJP aux élections locales à Delhi y est sûrement pour beaucoup.

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Une semaine après la victoire écrasante de son adversaire, Arvind Kejriwal, voilà que Narendra Modi tente de prendre de la hauteur et d’enfiler la kurta du père de la nation, au-dessus des partis et garant de la Constitution. Profitant de la fête organisée mardi 17 février par la communauté chrétienne de la capitale pour fêter la béatification récente par le pape François de Kuriakose Elie de la Sainte Famille, fondateur en Inde de la Congrégation de la Mère du Carmel et des Carmes de Marie-Immaculée, le Premier ministre s’est posé en défenseur de la laïcité.

“L’Inde a donné naissance à beaucoup de religions et de courants spirituels, a déclaré Modi, la tradition d’accueil, de respect et d’honneur à l’égard de toutes les croyances est aussi ancienne que le pays lui-même”. Reprenant à son compte les propos du philosophe Swâmi Vivekananda qui oeuvra à l’ouverture du monde occidental à l’hindouisme, il a affirmé que l’Inde croyait “non seulement à la tolérance universelle” mais qu’elle acceptait également la “vérité” de “toutes les religions”. Il y avait de quoi se pincer, venant d’un homme soupçonné d’avoir laissé les pogroms anti-musulmans se produire au Gujarat en 2002, lorsqu’il dirigeait cet Etat.

Il aura donc fallu à Modi deux mois - et deux avertissements de Barak Obama à l’égard de l’intolérance religieuse qui sévit en Inde - pour prendre ses distances avec le RSS, le mouvement nationaliste hindou dont le BJP est la branche politique. Un mouvement qui orchestre semaine après semaine des conversions de masse à la religion de Brama, Vishnu et Shiva, dont il y a tout lieu de penser qu’elles sont forcées, moyennant la distribution de roupies sonnantes et trébuchantes. “Je m’engage à ce que mon gouvernement garantisse une totale liberté religieuse, chacun a le droit indéniable d’adopter la confession de son choix sans coercition ni influence, et aucune religion majoritaire ou minoritaire ne sera autorisée à inciter à la haine envers les autres”, a-t-il promis.

“Chiche !”, a aussitôt répondu l’opposition, qui attend maintenant que des actes soient joints à de telles paroles, alors que des églises ont été profanées tout récemment à Delhi. Reste à savoir ce que Narendra Modi va faire de sa propre pratique religieuse. Il est le premier chef de gouvernement, depuis l’Indépendance de l’Inde, à se rendre publiquement dans des temples hindous pour prier. Mais après tout, relève le politologue Pramod Kumar, “la France qui se targue d’être un modèle de laïcité ne trouve rien à redire lorsque ses dirigeants se rendent à la messe, et c’est la même chose aux Etats-Unis. Modi est juste en train de copier le modèle occidental".

Nota bene : au moment précis où les Chrétiens entrent en Carême, Modijee, comme l’appellent respectueusement ses concitoyens, semble décidément entré dans une phase de repentance. En recevant Barak Obama fin janvier à l’occasion du “Republic Day” célébrant la Constitution, le Premier ministre indien avait fait scandale en arborant un costume dont les rayures étaient formées par la retranscription de son nom en lettres fines. Un choix vestimentaire narcissique et mégalomane d’autant plus choquant que ledit costume aurait coûté la bagatelle de 10 lakhs, soit plus de 14.000 euros. Le costume en question a finalement été mis aux enchères lors d’une vente organisée à Surat, la circonscription du Gujarat où Modi était candidat aux législatives l’an dernier. Il a trouvé acquéreur vendredi 20 février : un diamantaire l'a obtenu pour 43,1 crore, soit plus de 610.000 euros. Au catalogue figuraient aussi les 465 cadeaux que le chef du gouvernement a reçus depuis son accession au pouvoir, en mai 2014. Bonne nouvelle pour le Gange : le produit de la vente va parait-il abonder le financement du programme d’assainissement du fleuve sacré. A suivre...