Il n’y a pas qu’à Paris que les Uber et autres sociétés de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) mettent en colère les taxis ordinaires. Pendant que les taxis parisiens font la grève et jouent aux escargots sur le périphérique, à Bombay, ce sont les autorickshaws qui grognent et serrent les coudes. Ce fut le cas lundi 15 juin puis mercredi 17, journée au cours de laquelle plus de 50.000 d’entre eux ont cessé le travail, soit la moitié du parc de trois roues de la ville, pour protester contre la concurrence de Uber et Ola, des prestataires qui ne proposent pourtant qu’une offre de transport urbain alternative balbutiante, faute d’un nombre suffisant de voitures et de chauffeurs.
Les “auto”, comme on les appelle ici, sont restés stationnés sur leurs parkings et le long des rues, obligeant des centaines de milliers de gens à tenter désespérément de grimper dans des bus déjà surchargés. Plus de 300 bus supplémentaires avaient été mis en circulation mais cela n’a évidemment pas suffi à endiguer le flot d’ouvriers, d’employés et d’étudiants restés en rade. Certains d’entre eux ont du parcourir jusqu’à 4 km à pied pour rejoindre une gare ferroviaire et finalement monter dans un train. Les taxis collectifs en ont quant à eux profité pour parfois doubler le prix de leur course, laquelle tourne généralement autour de 20 ou 30 roupies (28 à 42 centimes d’euros).
Au sud de la mégapole, la situation a été superbement ignorée, car il y a déjà plusieurs années que les “auto” n’ont plus accès, ni aux rues chics de Breach Candy, Malabar Hill et Marine Drive, ni aux quartiers historiques de Fort et Colaba. Pour les syndicats des autorickshaws en tout cas, les VTC agissent dans l’illégalité en transportant des voyageurs au moyen de voitures privées. L’affaire prend maintenant une tournure politique : lundi, c’était l’organisation proche du Parti du Congrès (gauche) qui manifestait, mercredi c’était au tour de celle réputée être téléguidée par le Shiv Sena, le parti nationaliste qui dirige la municipalité de Bombay et gère la région en coalition avec le BJP du Premier ministre indien, Narendra Modi.
Diwakar Raote, ministre des transports du Maharashtra, Etat dont Bombay est la capitale, a promis aux uns et aux autres d’édicter de nouvelles règles “d’ici à la fin du mois de juin”, en vue de réguler le marché des VTC et de réduire celui-ci à sa portion congrue. L’idée est de refuser l’agrément aux chauffeurs de Uber et Ola. En attendant, les piétons ont eu frénétiquement recours à Facebook et Twitter pour trouver le moyen de rejoindre leur lieu de travail ou d’études le matin, leur domicile le soir. Quant aux véhicules Uber et Ola, ils ont fait le plein. Débordés par la demande, mercredi, ils se sont même offert le luxe d’offrir des rabais à leurs clients.