Penser ce choc monétaire sans précédent qui a plongé les Indiens dans le désarroi durant de longue semaines, l’hiver dernier, et que le premier ministre, Narendra Modi, a appelé la démonétisation, à travers l’expérience de la crise grecque. Tel est le propos de Stefanos Tsivopoulos, qui présente jeudi 22 juin, à la Mumbai Art Room du quartier de Colaba, à Bombay, une exposition intitulée « History Zero ».
L’artiste a remonté une installation dévoilée au pavillon grec de la Biennale de Venise, en 2013. Avec le recul, celle-ci prend un sens nouveau, en proposant une réflexion sur les notions de monnaie, d’échange et de création de valeur. Peut-on vivre sans argent liquide ? Comment peut-on se fier au papier monnaie ? Des questions qui interpellent nos sociétés modernes, comme la démonétisation de novembre 2016 en Inde, ou comme la crise de la dette en Grèce, hier.
Stefanos Tsivopoulos exhume par la photo et la vidéo des éléments d’archives autour de la thématique de l’argent, depuis les systèmes de trocs africains jusqu’au virtuel bitcoin qui défie les frontières. Il invite à une réflexion salutaire au moment où les statistiques officielles, à Delhi, admettent que le séisme de la démonétisation a été sévère, puisque la croissance du produit intérieur brut indien a freiné brusquement d’un point et demi (de 7,6% à 6,1%).
Au moment, aussi, où l’économie indienne s’apprête à subir une autre secousse qui pourrait s’avérer encore plus violente : l’instauration d’une TVA unique dans tout le pays, au 1er juillet 2017. Non seulement un nombre incalculable de produits et de services vont se trouver renchéris par des taux plus élevés que ceux pratiqués actuellement dans tel ou tel Etat de l’Union indienne. Mais en plus, la moindre facture va être tracée par un système informatique gouvernemental sans pitié, en temps réel, avec tous les risques de confidentialité que cela pose.
Narendra Modi dira que la corruption va prendre un nouveau coup sur la tête, et ce ne sera pas faux. Mais ce sont une fois encore les petites gens qui vont être les plus exposés, ceux qui vivent de leur minuscule commerce de rue. Et ceux pour qui les achats de première nécessité pèsent déjà lourd dans le budget.