En réaction à l’intention du gouvernement Modi d’instaurer une TVA nationale uniforme, le parti nationaliste marathe qui dirige la municipalité de Bombay menace de coupes drastiques les budgets de l’éducation, des routes et de la collecte des ordures.
Depuis la victoire du BJP aux élections législatives du Maharashtra, en octobre 2014, les relations entre le parti de Narendra Modi et le Shiv Sena, variante locale du nationalisme hindou radical, sont un peu compliquées. A Bombay, la capitale, elles le sont d’autant plus que la municipalité est dirigée par ledit Shiv Sena, dont le nom signifie “armée de Chhatrapati Shivaji”, en référence à celui qui fonda l’empire marathe en 1674. Il est notoire que le leader de cette formation, Uttar Thackeray, n’est pas le meilleur ami du nouveau patron du Maharashtra, Devendra Fadnavis, depuis que celui-ci a composé sans lui son gouvernement. Dernier incident en date : les généraux de l’“armée” municipale ont décidé de s’attaquer au projet du gouvernement fédéral d’instaurer une TVA unique en Inde, en se livrant à un chantage des plus navrants.
Puisque le ministre des finances, à Delhi, entend supprimer les TVA régionales, la ville de Bombay vient d’annoncer qu’elle allait tout simplement fermer les robinets des budgets les plus sensibles de cette mégapole de 21 millions d’habitants : l’éducation, les routes et les ordures ménagères, lesquels équivalent chacun à 350 millions d’euros environ. Les frondeurs affirment que la réforme en préparation va faire perdre à Bombay quelque 150 milliards de roupies par an (environ 2,2 milliards d’euros). En conséquence, même si l’Etat central, à Delhi, a promis aux collectivités territoriales de compenser le manque à gagner à venir, ils prétendent qu’il va falloir par ailleurs augmenter les impôts fonciers, les péages prélevés sur les routes, ainsi que les redevances incluses dans le prix de l’eau et dans celui du ramassage des déchets.
Selon le Shiv Sena, c’est le seul moyen de maintenir les ressources fiscales de la municipalité à leur niveau actuel. Il reste aux habitants de Bombay à espérer qu’il ne s’agisse là que d’une posture politique. La nouvelle TVA indienne n’entrera de toute façon en vigueur qu’en avril 2016, avec entre temps un long parcours d’obstacles : au printemps, le Parlement doit adopter le principe de la nouvelle taxe à une majorité des deux tiers, ce qui n’est pas acquis. Puis les Assemblées de chacun des vingt-neuf Etats de l’Union devront en faire de même à la majorité simple. Or au Maharashtra, le BJP ne jouit que d’une majorité relative (122 sièges sur 288) et il aura besoin de rallier à sa cause les élus du Shiv Sena, au nombre de 63 dans l’hémicycle.
Pour se rassurer, les habitants de Bombay peuvent toujours se dire que cette affaire a de grandes chances de faire “pschiiiit”. Pour des questions très politiciennes. Mais aussi parce que la Brihanmumbai Municipal Corporation (BMC) est la municipalité la plus riche de toute l’Inde. Son budget annuel dépasse les 4 milliards d’euros, un montant supérieur au budget des plus petits Etats du sous-continent, tels que le Sikkim (moins d’un milliard d’euros), Goa ou le Nagaland (1,5 milliard chacun). En outre, le Shiv Sena a manifestement de l’argent sous le coude. Pour preuve, le conseil municipal vient de confirmer la construction imminente d’une statue de Chhatrapati Shivaji aussi haute qu’un immeuble de soixante étages, au large de Bombay. La pose de la première pierre est prévue pour le 19 février, en présence de Modi. Son coût ? 200 millions d’euros.