Le bilan du “scandale de la gnôle” commence à être réellement terrifiant. En huit jours, une centaine d’habitants de Bombay sont morts empoisonnés par de l’alcool frelaté. Ces derniers résidaient tous dans le slum de Malwani, dans le quartier nord de Malad West. Prises de vomissements et de difficultés respiratoires, les victimes tombent comme des mouches, laissant augurer du pire pour une cinquantaine de personnes hospitalisées pour les mêmes symptômes. Maigre espoir, à ce stade : quatre patients placés sous oxygène ont été miraculeusement guéris, après avoir subi une dialyse.
Les bouteilles incriminées étaient préparées à Malwani même, sur le lieu de vente et de consommation. Mardi 23 juin, un suspect a été arrêté à New Delhi, a fait savoir la police de la capitale. Agé de 26 ans, Mohammed Latif Khan, qui se fait appeler Atique et vit à Malwani, a reconnu avoir dilué trois bidons d’alcool frelaté avant de répartir le contenu dans des sachets. En réalité, le dispositif était en place depuis trois ans déjà et les enquêteurs cherchent maintenant à savoir si l’agent toxique, en provenance du Gujarat, était du méthanol, un alcool impropre à la consommation, habituellement utilisé comme antigel ou comme carburant automobile. Les experts sont formels : il suffit de boire 10 ml de méthanol pour devenir aveugle et 30 ml pour mourir au bout d’une dizaine d’heures.
Sept autres suspects sont sous les verrous, parmi lesquels un certain Francis D’Mello, au domicile duquel ont été saisis plus de mille litres d’alcool frelaté. Ils ont tous été interpelés dans les mangroves et les abords du Sanjay Gandhi National Park, l’immense poumon vert de Bombay où des léopards vivent en liberté. Dans ces zones éloignées du centre de la mégapole, particulièrement difficiles d’accès, les fumées produites par les fours à bois utilisés dans la distillation sont en effet plus discrètes. Ce genre de trafic est connu de la police et a déjà été identifié dans les quartiers de Goregaon, Thane, Dombivli et Kalwa.
Du dernier recensement national effectué par Census en 2011, il ressort que ce sont hélas les populations modestes qui sont les plus friandes de l’alcool bon marché, malgré son origine douteuse. Le phénomène est généralement plus fréquent dans les campagnes (où chaque individu consomme en moyenne 220 ml par semaine) qu’en ville (96 ml) : en milieu rural, les Indiens boivent énormément de liqueurs et de grogs tandis qu’en milieu urbain, ce sont les vins et les spiritueux importés qui dominent. Globalement, la consommation d’alcool dans le sous-continent représente 220 millions de litres par semaine. Elle est la plus forte dans les Etats du nord-est - Arunachal Pradesh, Assam, Sikkim, Bihar, Jharkhand, Nagaland, Tripura – où la pauvreté est, comme par hasard, la plus répandue.