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Billet de blog 30 avril 2015

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Le viol conjugal, un concept occidental

C’est la perle du jour : selon le secrétaire d’Etat en charge de l’Intérieur, Haribhai Parathibhai Chaudhary, le viol conjugal n’existe pas en Inde.

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C’est la perle du jour : selon le secrétaire d’Etat en charge de l’Intérieur, Haribhai Parathibhai Chaudhary, le viol conjugal n’existe pas en Inde. En réponse à une question écrite de Kanimozhi, une sénatrice du Tamil Nadu élue sous les couleurs du Dravida Munnetra Kazhagam (Fédération dravidienne du progrès), ce membre du gouvernement Modi a expliqué mercredi 29 avril à la tribune de Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement, qu’il s’agissait là d’une “notion internationale” - sous-entendu occidentale - qui ne pouvait s’appliquer au contexte indien. Pourquoi ? Parce que le niveau d’éducation de la population du sous-continent est trop bas, l’analphabétisme et la pauvreté trop répandus, a-t-il indiqué, sans parler de “la myriade de coutumes sociales et de croyances religieuses qui portent à considérer le mariage comme un sacrement”.

Membre du BJP, le parti au pouvoir, Haribhai Parathibhai Chaudhary a ajouté que le gouvernement n’avait pas l’intention de reconnaitre le viol conjugal comme un crime dans le code pénal, même si le comité des Nations Unies pour la suppression des discriminations contre les femmes a récemment demandé à New Delhi de le faire, ainsi que l’a rappelé la sénatrice qui l’interpelait. Ces propos ont déclenché la colère d’une autre sénatrice, Brinda Karat, originaire du Bengale Occidental et membre du bureau politique du Communist Party of India (Marxist). “La question du consentement (sexuel entre époux, NDLR) n’a rien à voir avec le certificat de mariage, ces déclarations sont scandaleuses venant d’un membre du gouvernement”, a-t-elle déclaré.

Les Occidentaux peuvent se dire choqués par la position d’Haribhai Parathibhai Chaudhary, ils n’ont pas de leçon à donner en la matière. En France, ce n’est qu’en 1992 que les choses ont commencé à bouger, la cour de cassation ayant admis cette année-là que “la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie conjugale ne valent que jusqu'à preuve du contraire”. Il faudra attendre 2006 pour que le code pénal consacre la notion de viol conjugal. Et 2010 pour que la référence à la présomption de consentement disparaisse. Il y a donc à peine cinq ans que dans l’Hexagone, le viol est considéré réalisé lorsqu'un rapport sexuel est imposé, “quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage”.

Post-scriptum : dans la série des petites phrases qui font choc, le député d’Uttar Pradesh Keshav Prasad Maurya, membre du BJP lui aussi, vient d’appeler à “la peine de mort par pendaison” pour les Indiens pratiquant l’abattage des vaches. Cet élu se laisse sans doute aller à cause de l’interdiction de commercialiser et consommer la viande de boeuf récemment instaurée dans l’Etat du Maharashtra, dont Bombay est la capitale.