Dans quelques semaines, le 26 juillet, la France connaîtra le coup d’envoi des Jeux olympiques (JO) d’été 2024 – dits “Jeux de la XXXIIIe olympiade”, histoire de leur donner une profondeur historique qu’ils ont perdue depuis longtemps.
Étant donné la débauche de moyens engagés, la fête – puisque c’est ainsi qu’on en parle là-haut – promet d’être gargantuesque. Les premières célébrations du relais de la flamme olympique, pitoyable spectacle directement hérité des nazis, en a déjà largement témoigné – et ce n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend.
Sur les plateaux télé, à la radio, sur les réseaux sociaux, les porte-parole de la grand-messe marchande du sport mondial ne cessent de nous parler de valeurs humanistes, de paix et de fraternité, de joie et de fierté. Mais dans quel monde vivent-ils ?
À qui s’adresse leur fête ?
Aux ouvriers morts ou blessés sur les chantiers des JO ? À celles et ceux qui, parce que sans papiers, sont exploité·es par des patrons sans vergogne, avec la bénédiction des autorités et des donneurs d’ordres ?
Aux étudiant·es expulsé·es de leur logement du CROUS pour loger les athlètes et le personnel des JO ?
Aux locataires qui ont été viré·es de chez eux par des bailleurs sans scrupules désireux de louer à prix d’or leur logement pendant la période des Jeux ?
À tou·tes les habitant·es, travailleurs et travailleuses des « zones rouges » qui vont vivre pendant plusieurs semaines dans l’enfer bureaucratique et policier d’une Cocotte-Minute ultrasécuritaire ?
À tous les salarié·es qui se mobilisent depuis des mois pour arracher des augmentations de salaire à des patrons voyous ou agenouillés devant des actionnaires avides de profits, alors que l’inflation amplifie partout la misère sociale ?
Aux enseignant·es du 93 en lutte depuis des semaines pour obtenir un plan d’urgence pour l’éducation, alors que les établissements scolaires sombrent dans la vétusté et que les manques d’effectifs détériorent les conditions de travail et la qualité du service public d’éducation ?
Aux ouvriers et ouvrières de MA France, à Aulnay-sous-Bois, en lutte contre la liquidation de leur entreprise et les centaines de suppressions d’emplois qu’elle induit ?
Aux éboueuses et éboueurs municipaux parisiens en grève pour des rémunérations enfin décentes et une juste reconnaissance de leur travail ?
Aux ouvriers et ouvrières du Livre parisien mobilisé·es depuis plusieurs semaines pour la défense de leur statut et de leur convention collective historiques, menacés par une direction zélée ?
Aux jeunes des quartiers populaires qui combattent les violences policières, le racisme structurel et l’enclavement de leurs quotidiens ?
À la jeunesse réprimée avec violence et acharnement par l’État français pour s’être mobilisée pour la paix et l’arrêt immédiat du massacre des Palestinien·nes, qui n’en finissent plus de mourir sous les bombes et les chars ?
Aux Kanak insurgé·es contre les magouilles électorales et la colonisation, pour l’autodétermination et l’indépendance, qui font face aux violences de la gendarmerie et des milices de suprémacistes blancs, bien décidées à maintenir l’ordre colonial ?

Agrandissement : Illustration 1

Bordélisons les Jeux olympiques
Ils nous parlent de fête comme si nous avions la tête dans les nuages et un grand sourire aux lèvres.
C’est oublier un peu vite que nous sortons tout juste d’une défaite sociale historique contre une énième casse de notre système de retraites, imposée par un gouvernement aux abois, au mépris de la vie démocratique – qui, en République bourgeoise, n’est certes qu’une douce illusion – et sous les matraques et les gaz de leur police.
C’est oublier que nous avons encaissé d’autres coups durs, notamment une casse violente de l’assurance-chômage et une loi Asile et immigration qui n’a rien à envier aux projets racistes et xénophobes des fascistes du Rassemblement national et de Reconquête. Fascistes qui, par ailleurs, défilent tranquillement dans les rues de nos villes, en beuglant leurs slogans haineux, tandis que les mobilisations sociales ou de solidarité internationale avec les peuples opprimés, colonisés et massacrés sont interdites ou réprimées violemment.
Et nous devrions rester bien sages ? Regarder la télévision et bâillonner nos colères ? Une claque sur la joue droite, une autre sur la joue gauche, tiens-toi droit et tais-toi ? Non.
Si bordéliser les JO peut être un élément déterminant du rapport de force dans le cadre de nos luttes pour la justice sociale, la dignité et les libertés, alors n’ayons aucune pitié pour les JO. L’État et les patrons n’en ont pas quand il s’agit de nous exploiter, de nous voler, de nous matraquer, de nous enfermer. Qu’est-ce qui nous retiendrait ? Devrions-nous culpabiliser de défendre nos droits ? Eux ne se gênent même pas de nous annoncer qu’un nouveau tour de vis sur les droits des privé·es d’emploi est prévu pour la rentrée !
Alors, sabotons le sport marchand sous perfusion chauvine, soyons les rabat-joie de leur été ! En 1975-1977, dans le cadre du conflit du Parisien libéré, les ouvriers du Livre et leur syndicat CGT n’ont pas hésité à perturber le Tour de France pour faire valoir leurs revendications. Les travailleurs et travailleuses en lutte n’ont jamais manqué d’imagination pour s’exprimer ; soyons à la hauteur de ces héritages ! Le mot d’ordre est simple. Ils nous gâchent la vie ? Gâchons leur fête. De Saint-Denis à la Kanaky, ce ne sont pas les raisons qui manquent.
Quant au sport, pas d’inquiétude : le mouvement ouvrier a un long et bel héritage en la matière. Faisons-le vivre et revigorons-le. Montrons-leur que nous n’avons pas besoin de leurs artifices, de leurs glorioles patriotiques et de leur débauche de fric pour nous mettre en joie et en mouvement.