Derrière les murs de pierre et les cyprès, il ne s’agit pas seulement d’un espace de recueillement : le cimetière est aussi un registre, un territoire administratif, et souvent un enjeu électoral.
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Un espace public sous tension
Le cimetière relève du domaine public communal. Son aménagement, son entretien, ses concessions et son règlement intérieur dépendent exclusivement du conseil municipal. Or, les choix qui y sont faits – attributions de concessions, reprises, alignement des sépultures, extension du site, columbarium ou jardin du souvenir – sont autant d’actes administratifs susceptibles d’influencer la vie locale.
Car un cimetière, c’est aussi un fichier. On y retrouve les familles enracinées dans la commune, celles qui votent, celles qui ont quitté la ville mais conservent un attachement symbolique. C’est un lieu où la mémoire locale rejoint la sociologie électorale.
Le souvenir du « cas TIBERI »
On se souvient de l’affaire TIBERI dans les années 1990, où la tenue contestée des listes électorales dans le 5ᵉ arrondissement de Paris avait suscité un véritable scandale.
Parmi les irrégularités relevées figuraient des inscriptions fantaisistes ou douteuses, des électeurs domiciliés à des adresses inexistantes… voire à des adresses de défunts.
L’enquête avait révélé que la gestion des listes électorales – et notamment le défaut de coordination avec les registres d’état civil et de décès – permettait de maintenir artificiellement des électeurs « fantômes ».
L’affaire, restée célèbre, a profondément marqué la réflexion sur la sincérité du scrutin municipal et la nécessité d’une mise à jour rigoureuse des fichiers électoraux.
Une vigilance démocratique locale
Aujourd’hui encore, la gestion des cimetières reste un angle mort de la démocratie locale. Combien de communes tiennent à jour leurs registres de concessions ? Combien ont un règlement intérieur conforme au Code général des collectivités territoriales (articles L. 2223-1 et suivants) ?
Et combien surtout assurent une coordination efficace entre état civil, fichier des électeurs, et registres de concessions ? Car il ne suffit pas d’avoir une clôture bien entretenue ou des allées gravillonnées : une commune responsable se reconnaît à la rigueur avec laquelle elle administre ses morts. C’est un sujet éminemment politique, au sens noble du terme.
La gestion du cimetière traduit une conception de la cité : celle où la mémoire collective, la transparence administrative et la probité électorale se rencontrent.
À la veille des prochaines municipales, il n’est pas inutile de rappeler que le cimetière dit beaucoup de la façon dont une équipe municipale conçoit son rapport à la légalité, à la transparence, et à la continuité du service public.
On y trouve parfois le reflet exact de la manière dont elle tient ses listes électorales, ses registres de délibérations, ou son urbanisme.
En somme :
« Dis-moi comment tu tiens ton cimetière, je te dirai comment tu administres ta commune. »