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Billet de blog 17 novembre 2025

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Pourquoi il n’existe presque pas de crèches d’entreprise en France ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans de nombreux pays – aux États-Unis, en Suisse, en Scandinavie – ce modèle existe pleinement. Il s’inscrit dans une conception où la garde d’enfants est un volet naturel de l’organisation du travail.

En France, pourtant, ce modèle est quasiment absent.

Non pas par désintérêt, mais parce que tout notre système d’accueil du jeune enfant repose sur une architecture publique très différente.

Illustration 1

En France, la crèche est un service public local, pas un avantage employeur

Depuis l’après-guerre, la France a fait un choix clair : l’accueil des enfants de 0 à 3 ans relève d’un service public, fondé sur la solidarité nationale et territoriale.

Ce choix structure toute l’organisation du secteur.

Le fonctionnement des crèches est d’abord financé par la Caisse d’Allocations Familiales. La PSU (Prestation de Service Unique) couvre environ 50 à 60 % du coût réel, à condition que la structure respecte des normes précises : qualification du personnel, taux d’encadrement, projets éducatifs, tarification proportionnelle aux revenus.

Les communes, elles, assurent quasi intégralement la construction des bâtiments, leur mise aux normes, leur entretien, et financent souvent une part significative du fonctionnement non couvert par la CAF. Sans les communes, il n’y aurait tout simplement pas de bâtiments pour accueillir les enfants.

Les familles, quant à elles, paient une fraction réduite du coût réel (en moyenne 10 à 15 %), selon un barème national garantissant l’égalité d’accès.

À travers ce triptyque CAF–commune–familles, la crèche est pensée comme un droit ouvert à tous, indépendamment de l’employeur et de la situation professionnelle.

Une crèche d’entreprise est très difficile à financer

L’absence de crèches d’entreprise en France s’explique d’abord par le financement.

Pour être subventionnée par la CAF, une crèche doit être ouverte à toutes les familles du territoire. Une structure réservée exclusivement aux salariés d’un établissement n’est donc pas éligible à la PSU.

Sans subvention, une place coûte entre 10 000 et 14 000 euros par an.

Le crédit d’impôt famille ne couvrant qu’un quart de la dépense, le coût devient très lourd pour une PME, et significatif même pour une grande entreprise.

Le modèle public, très subventionné et socialisé, rend mécaniquement le modèle privé difficile à viabiliser.

Les normes techniques empêchent l’intégration d’une crèche dans la plupart des bureaux

Les crèches françaises doivent respecter des normes strictes :

surface minimale par enfant, espace extérieur, cuisine dédiée, salle de change séparée, plans d’évacuation incendie adaptés, isolation acoustique, sanitaires spécifiques, et autres exigences des services de PMI.

Il est donc impossible de transformer une simple salle de réunion en crèche interne, contrairement à certaines pratiques observées dans la Silicon Valley ou au sein d’entreprises nord-américaines.

Un personnel très qualifié… mais en pénurie

Le modèle français repose sur un personnel hautement formé :

CAP Petite Enfance, auxiliaires de puériculture, éducateurs de jeunes enfants (bac+3), puéricultrices (bac+4 pour une partie du personnel d’encadrement).

Cette exigence est une force : elle garantit une grande qualité éducative.

Mais elle entraîne aussi une pénurie nationale, liée à des formations longues, à un manque d’attractivité salariale et à la difficulté du métier.

Ouvrir une nouvelle crèche, qu’elle soit publique ou privée, devient alors un véritable défi.

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