Il est bien loin le temps ou la « une » transmettait en direct, sur le petit écran le tiercé dominical. L’émission assurée alors, par Léon Zitrone, puis André Théron et Jean-François Pré constituait un véritable évènement, donnant lieu à une grande audience. Un engouement qui inquiétait les moralistes réprouvant un tel opium du peuple. Y compris chez les autorités religieuses. A tel point que l’Evêque de Marseille, dans son prêche dominical déplorait l’addiction de ses fidèles et le risque de nuire par ricochet aux recettes de la quête. Son homélie avait un effet paradoxal : le dimanche suivant, tous les records d’enjeux étaient battus, particulièrement dans la cité Phocéenne. Parallèlement la presse spécialisée connaissait une période de vaches grasses : avec des ventes record qui maintenant font rêver les éditeurs : plus de 300 000 exemplaires pour l’hebdomadaire week end et ses pronostiqueurs vedettes (Zitrone encore, Maurice Bernardet, Léon Bendersky ainsi que Pierrette Bresse) ; et également pour Paris Turf.
Par la suite au cours des décennies, la grand messe des turfistes a été banalisée. Le quinté prenant la place du quarté puis du tiercé, proposé au rythme quotidien moins attractif et porteur d’audience ne constitue plus un évènement. Ce que l’on appelle pompeusement « l’institution hippique » -PMU, Société du Cheval Français, France Galop- n’a plus la côte auprès des diffuseurs du service public ou des chaines privées. Le produit devient banalisé, insuffisamment porteur. Les parieurs branchés, comme les professionnels de la filière ont tout loisir de regarder du matin au soir la double chaine Equidia, l’une exclusivement avec des retransmissions de courses, proche du trop plein (une centaine par jour), l’autre offrant également les concours hippiques. Cela coûte au PMU en l’occurrence -en quelque sorte prestataire de services- soixante dix millions d’euros mais permet de soutenir, et même d’assurer l’essentiel du chiffre d’affaires. Celui-ci, mal en point l’année dernière, atteignant si l’on peut dire à peine dix milliards d’euros et encore, avec le renfort paradoxal des paris en ligne sur le football qui font partie de l’offre, alors que son grand et principal concurrent la Française des jeux approche les quinze milliards. Le fossé s’accentue d’autant plus que sur le petit écran la UNE et la DEUX notamment, donnent la part belle aux tirages des jeux de hasard.
Lorsque TF1 a jeté le gant, la 5 pendant un moment, mais surtout CANAL + dont le patron de l’époque, Michel DENISOT, véritable amateur de courses, lui-même petit propriétaire a pris le relais. D’excellente façon, journalistiquement parlant, avec une équipe de reporters et de chroniqueurs très professionnels. C’était trop beau pour durer, les gestionnaires de CANAL abandonnant à leur tour les chevaux, ceux qui les aiment ou en vivent.
SUR LES CHAINES PUBLIQUES.
La nature ayant horreur du vide, il fallait chercher fortune ailleurs, mais les opérateurs ou diffuseurs ne se pressaient pas aux portillons des hippodromes. Pourtant il leur était offert des aides techniques de production et diffusion d’images par les Sociétés organisatrices (GTHP). Et surtout des conditions exceptionnelles dans ce domaine médiatique. Plus prosaïquement alors que tous les grands sports auxquels l’hippisme a la prétention de se comparer les courses acceptent, elles, jusqu’à maintenant de payer pour passer à l’antenne. Alors que nul n’ignore que pour le football, le tennis et d’autres disciplines moins populaires comme le basket, le handball, le volley ball, etc ce sont les chaines qui encaissent des droits très élevés pour l’exclusivité des retransmissions à des fédérations souvent comparables aux Sociétés de courses. Les unes et les autres en principe à buts non lucratifs.
Il y a 3 ans, après un tour de table difficile, le produit trouvait enfin preneurs l’Equipe 21, les jours de semaine à 13 h50 et France 3 le week end à 15h05, retransmettaient le quinté contre une rétribution fixe mais secrète. Ce système fonctionnait jusqu’à fin 2015, non renouvelé actuellement par les deux chaines qui demandaient, semble t-il ,un tarif encore plus élevé pour leurs prestations. Les discussions n’aboutissaient pas d’autant plus que le tandem Le Parisien l’Equipe est maintenant propriété du Groupe Bernard ARNAULT et les chaines publiques dirigées par la très redoutée et inflexible Delphine ERNOTTE. Si bien ou si mal que depuis le début de l’année, il n’y a plus de quinté sur ces deux diffuseurs…. Et nulle part ailleurs.
PRIX D’AMERIQUE OPODO LE TROT SAUVE BRILLAMENT LA MISE.
Le divorce tombait à un très mauvais moment, c'est-à-dire à quelques jours du Prix d’Amérique OPODO, qualifié à juste titre « de championnat du monde des trotteurs » et qui sera couru à Vincennes dimanche prochain, 31 janvier. L’édition 2016 est particulièrement prometteuse avec le duel prévisible de deux champions, l’un Scandinave TIMOKO, l’autre Français malgré son nom, le jeune BOLD EAGLE. Bien sur l’hippodrome fera le plein avec plus de 50 000 fervents venus de toute la France et particulièrement de la Normandie et de la Mayenne où naissent, sont élevés et entrainés les meilleurs champions tricolores. Il paraissait impensable de ne pas retransmettre ce véritable évènement, qui dépasse et de beaucoup, le cercle hippique avec des professionnels, des propriétaires et concurrents bien plus connus que les purs sang anglais, de l’Arc de Triomphe appartenant eux, pour la plupart, à des investisseurs Anglais, Américains ou moyen orientaux.
Sans paniquer la Directrice du service de presse et de communication de la Société du Cheval Français Isabelle Coltier-Spira (formée à la bonne école de Claude Pierre Bloch) partait en campagne et contactait tous les diffuseurs possibles et imaginables. Avec détermination , sens du relationnel et imagination, elle savait vendre la course ….elle renversait la tendance précédente pour vendre le Prix d’Amérique, et non pas payer pour qu’il soit diffusé. Elle trouvait des arguments efficaces auprès du groupe BMTV - également Radio Monte Carlo. Les décideurs à tous les niveaux y compris le PDG Alain WEIL étaient séduits et conquis par son exposé. Résultat des courses … il était décidé d’ouvrir leurs chaines radios et télés pratiquement en continu toute la journée du 31 janvier, avec une présence sur le terrain avant, pendant et après la course.
Il semble qu’après ce succès une nouvelle ère puisse s’ouvrir pour un mariage entre la télévision et les courses. A part égale, avec un renversement de l’attitude précédente. Les diffuseurs deviendraient payeurs et dans les mois à venir il est même envisageable de vraies émissions, comportant une retransmission du quinté tous les jours, des accès aux réseaux sociaux, un jeu parallèle pour les initiés ou les spécialistes, et des techniques modernes, par exemple un drone au dessus de l’hippodrome. Si comme on peut l’espérer, le test du prix d’Amérique est probant, les dirigeants du trot, accompagnés de leurs petits camarades du PMU et de France Galop seront invités à sortir de leur coquille. Donnant tout naturellement la priorité au groupe BMTV-RMC ils devront faire le tour de toutes les chaines susceptibles de s’engager dans la nouvelle dimension d’un partenariat inédit. Du donnant donnant …. Et un prix à débattre. Le pari est d’envergure et se joue là toute l’évolution et l’image de marque de la filière des années à venir. L’hippisme restera soit un secteur privé, conservateur et peu appétissant, ou au contraire s’inscrira dans les avancées du monde médiatique, moderne, populaire et spectaculaire.
On peut toujours rêver.
Guy de la BROSSE
Directeur de la Tribune Hippique