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Billet de blog 27 juin 2016

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Les courses hippiques en manque de recettes

De grands mots pour des petits maux. Le moral n’est pas bon actuellement à l’intérieur de ce qu’on appelle pompeusement « l’institution des courses » et plus précisément les sociétés organisatrices de compétitions de trot et de galop à Paris comme en Province.

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 Le moral n’est pas bon actuellement à l’intérieur de ce qu’on appelle pompeusement « l’institution des courses » et plus précisément les sociétés organisatrices de compétitions de trot et de galop à Paris comme en Province.

L’une et l’autre tirant de leurs recettes, pour distribuer des allocations dans les deux spécialités, exclusivement du PMU hippique et aussi depuis l’ouverture des jeux en ligne sur le net des paris sportifs et en ce moment évidemment surtout sur le football. Depuis deux ans, après avoir connu une très forte croissance, le chiffre d’affaires global à hauteur de près de 10 milliards a cessé de croître même avec une offre considérablement accrue ; En effet, on joue non seulement sur les épreuves françaises mais aussi étrangères, européennes principalement et encore le Maroc, le Qatar, les Emirats, les Etats-Unis, le Japon et l’Amérique du Sud.

Toutefois, bien que bénéficiant des retransmissions en direct sur la chaîne Equidia, qui s’avère le meilleur bras armé de recettes, celles-ci connaissent indéniablement une désaffection de la part du grand public, les jeunes couches préférant manifestement parier sur les matches du ballon rond. Les études d’opinion le montrent. Et il n’est que de fréquenter les points de vente dits « en dur » pour le confirmer. Les dirigeants devraient bien s’immerger, en semaine surtout, aux environs de midi dans les brasseries ou cafés au sigle PMU. Pour être plus précis, qu’ils visitent par exemple un établissement situé à la porte Molitor et ils constateront qu’à l’heure de la pause les « ouvriers », les retraités et quelques mamies, forment une clientèle très diversifiée et multi ethnique se rencontrant régulièrement pour miser aux mêmes guichets et discuter, aussi bien de la grève du lendemain que des chances de Jean-Michel Bazire ou de Christophe Soumillion dans l’évènement du jour.

Mais les élèves du Lycée La Fontaine, tout à côté, ne sont jamais à ce rendez-vous. Ils se précipitent, entre deux cours, à la Civette, un tabac voisin, et ensemble remplissent des grilles et des grilles de Loto Sportif plus que jamais actuellement d’actualité du fait de l’Euro 2016 qui –excusez ce jeu de mot de mot idiot- fait là un véritable tabac dans toutes les couches de la population mais principalement les ados.

A côté de la plaque

Or, les dirigeants hippiques (Présidents « Dominique de Bellaigue, et Edouard de Rotschild) et leurs conseils de direction de même que l’état-major du PMU (Président Xavier Hurstel) se croient, encore, souvent « les plus beaux », responsables de l’organisation d’une activité et d’un spectacle dit « sportif ». En effet, à l’inverse de Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, ils baptisent « notre sport » tout ce qui concerne le turf. Cette qualification revient sans arrêt, dans le rédactionnel et les encarts publicitaires des journaux spécialisés et sur la chaîne des courses.

Pourtant, s’il est indéniable que le cheval est un athlète de même que ceux qui le montent ou le drivent en compétitions, par contre le métier de jockey ne suscite aucune attirance sur les jeunes générations à l’encontre de centaines de milliers de pratiquants de football bien sûr, mais aussi de tennis ou d’athlétisme. D’où la difficulté à médiatiser et à populariser le turf sous tous ses aspects. Or, le débutant a besoin d’une idole pour s’identifier, s’assimiler et s’intégrer. Ceci posé, le pari hippique dans sa notion intrinsèque et originelle a beaucoup d’atouts pour plaire à un public large : à condition qu’il soit présenté comme une distraction populaire et ludique sachant que lors d’une réunion, l’entracte dure 6 ou 7 fois plus, selon le nombre de courses, que le « match » lui-même quelques minutes toutes les demi-heures.

Accumulant les déficits, les responsables ou dits tels se sont engagés dans une entreprise de communication, dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est très ambitieuse mais également bien loin du réalisme.

Ainsi ont-ils lancé au mois de mai une campagne conçue et réalisée par l’agence Aristophane sous l’égide du PMU. Le dossier de presse explique que pour « relancer la filière et l’attractivité des courses, il faut leur donner une meilleure visibilité », le comité stratégique a créé cette marque « Epiqe » qui -formule de toute beauté…- sera « la nouvelle marque de l’épopée hippique des temps modernes ». On croit rêver. Le reste étant à l’avenant, avec, autre citation, « la sonorité du nom porte la promesse d’une expérience spectaculaire et extraordinaire ».

Derrière tout ce florilège, il est annoncé « Epiqe série, la course qui ne s’arrête jamais ». Un programme de 7 courses sélectionnées au galop du mois de juin (jockey-club) au 3 octobre (Prix de l’Arc de Triomphe) sera suivi d’un chapitre consacré au trot à l’automne, avec en apothéose, les prix d’Amérique et de France à Vincennes. En quelque sorte, le mariage de la carpe et du lapin auquel le client ne s’intéressera probablement guère, car il n’a même pas été apposé au concept une concrétisation et plus simplement un pari qui permettrait par exemple des jeux de reports sur les grandes courses sélectionnées se poursuivant jusqu’aux évènements de l’autre spécialité c’est-à-dire là encore le binôme galop/trot ou vice versa.

La fin d’une époque

Si les recettes continuent de se tasser ou de régresser, la reprise étant prévue selon les statisticiens, pour l’horizon 2020 seulement, les caisses de France Galop et à un degré moindre, du Cheval Français -car les enjeux du trot restent très supérieurs à ceux du galop- beaucoup de ressortissants du secteur seront morts avant d’être guéris. Particulièrement chez les entraîneurs dont la base ne peut vivre que si elle déniche un bon cheval. Or, hélas, l’argent va à l’argent et ce sont les professionnels têtes de liste de Chantilly ou de Grosbois auxquels sont confiés les meilleurs éléments. Les autres se battent pour des miettes, y compris ceux que l’on appelle les petits propriétaires. Chez les pur-sang, l’entreprise est internationale. Dans le jockey club par exemple, 15 des 17 concurrents portaient des casaques de propriétaires « étrangers ».

Dans toutes les courses de groupes, c’est la même chose. Bien souvent, elles sont réduites en participants car les entraîneurs de base n’osent pas y engager leurs élèves ou leurs pensionnaires par peur d’être ridicules.

Laisser courir

Comme nous l’avions indiqué dans un article précédent, les autorités de tutelle, c’est-à-dire les Ministères de l’Agriculture et du Budget se désintéressent, manifestement ou insidieusement, de la situation économique d’un secteur qui pourtant emploie environ 70 000 personnes, notamment beaucoup de personnel féminin dans les écuries et rapporte aux finances près de 10 millions de prélèvements, un pourcentage qui n’est pas près de diminuer.

Sur le dossier du nouveau Longchamp, un laxisme total pour un investissement sans espoir de retour, l’entreprise Bouygues, maître d’œuvre, et l’architecte Perraud seront les seuls bénéficiaires1. Anne Hidalgo a insisté il y a un an pour que le feu vert soit donné au projet car à l’époque elle pensait que, dans la perspective de l’attribution des Jeux Olympiques à la France, ce site pourrait être tout à fait excellent pour les compétitions de concours hippiques. Depuis, Versailles, dans le cadre flatteur du château, a été choisi, évidemment plus spectaculaire à son inscription sur le projet qui sera présenté aux instances internationales. Le bois de Boulogne se retrouve le bec dans l’eau et la perspective d’organisation de nocturnes après la réouverture est peu envisageable, l’environnement risquant d’être à la nuit tombée peu correct. Il ne s’agit là que d’un exemple d’une sorte de fuite en avant basée sur des grands mots, alors qu’il faudrait indéniablement, faire preuve d’imagination et de réalisme pour trouver de nouveaux jeux tels –on y revient- un duo quinté/championnat de France de football. Parallèlement, mais personne ne pose la question directement et publiquement, le système de fonctionnement selon le régime du bénévolat n’est-il pas caduc, le relationnel restant de mise, aussi bien pour la nomination des commissaires que pour la gestion d’une entreprise à laquelle se posent des questions sur le nombre d’hippodromes, les effectifs, le patrimoine immobilier, les souhaits de la clientèle, etc…

Le microcosme hippique, comme le monde politique, vit dans sa bulle, auto satisfait et peu conscient des difficultés de sa clientèle au quotidien, comme de ses ressortissants.

Jean-Luc Lagardère qui avait présidé la société France Galop, ne cachait pas le souhait d’une révision déchirante et préconisait, peu ou prou, sinon la privatisation du PMU au moins son évolution vers la formule d’une société d’économie mixte (formule proche de la Française des Jeux). Après sa disparition, aucun leader n’a repris, au moins, une étude sur une réforme qui pourrait permettre plus de dynamisme à l’organisme collecteur de fonds sans pour autant couper le cordon ombilical avec les dirigeants des sociétés mères. A force de mettre la tête sous l’oreiller, gare au risque de mourir étouffé.

Guy de la Brosse

Directeur de la Tribune Hippique

1 Bouygues a également remporté le marché de la retransmission des quintés quotidiens en clair et un flash publicitaire payant sur TF1 le week-end.

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