Le monde des courses connait une révolution de palais. On frémit dans les bureaux feutrés et confortables de France Galop, du Cheval Français et du PMU. Et plus grave, les salariés de ces deux sociétés (5 600) craignent pour leur avenir.
Parce que les chiffres de jeux sont en chute libre, aux environs de 10 milliards (dernière évaluation pour l’exercice), le mot « crise » n’est plus tabou.
L’apparition d’un différentiel, considérable maintenant, avec le grand concurrent, La Française des Jeux, avoisine les 5 milliards, sans que l’origine du mal et les responsabilités ne soient évidemment imputées à qui que ce soit.
La différence tient à l’ouverture sous la présidence Sarkozy des jeux en ligne, Poker, paris sportifs principalement dans laquelle s’est engouffrée la Française des Jeux. Son réseau beaucoup plus populaire et dense lui permettait une offre immédiate et une demande en conséquence. Les responsables du GIE PMU ont voulu suivre, mais se sont trouvés rapidement en queue de peloton perdant même des parts de marché sur leur filière hippique.
Un moment, le plus par plus a fait illusion, puis, pour de multiples raisons et notamment le peu d’empressement de la clientèle jeune, le fossé s’est creusé. A tel point que depuis quelques trimestres la rumeur, devenue information véritable, annonçait une réforme de structure inévitable du système de gouvernance de l’organisme collecteur de paris hippique, qui fonctionne sous forme de GIE. Cela depuis 1983 où alors que Michel Rocard était ministre de l’agriculture, un système relativement démocratique a été mis en place. Le PMU qui était un simple service des sociétés de courses a fonctionné avec un conseil d’administration à moitié composé de fonctionnaires, la tutelle de l’Agriculture et des Finances et pour l’autre moitié de dirigeants du trot et du galop.
Il en résultait une meilleure marche mais aussi des rivalités plus ou moins anecdotiques : par exemple, Pierre Charron, le bouillant sénateur de Paris ayant pris pied à la direction d’une partie des sociétés de galop, cherchait à déloger du fauteuil confortable et bien rémunéré de la présidence du PMU, le haut fonctionnaire et droit dans ses bottes, Jean Farge qui, pour finir, sortait vainqueur de ce duel.
Deux nouveaux managers, vite fait bien fait-
Alors que d’habitude, dans le monde des courses en particulier et associatif en général, les hommes en place sont pratiquement indélogeables, principalement ceux qui sont issus du sérail ou nommés par le Gouvernement, à la surprise générale des observateurs, en quelques semaines, tout a changé.
L’initiative plus ou moins ouverte d’Edouard de Rothschild, président de France Galop (et ancien actionnaire du journal Libération), l’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement, a accepté et même préconisé un changement radical allant dans le sens de la politique libérale actuelle. Plus clairement, le président de France Galop a semble-t-il convaincu son demi-frère David, qui a longtemps présidé aux destinées de la banque Rothschild & Cie, et ancien patron d’Emmanuel Macron, sinon de donner un coup de pied dans la fourmilière, au moins « de bouger les lignes » selon une expression plus moderne et lisible.
En quelques jours, on a appris que deux personnalités du monde des médias allaient être pratiquement désignées de façon autoritaire pour devenir les patrons du PMU. Le premier est Bertrand Meheut, qui est promu président non exécutif : très proche du clan Fourtou, cela lui a valu d’être porté pendant quelques années à la présidence de Canal+, puis il en est parti sur la pointe des pieds, vraisemblablement avec un très gros chèque, quand Vincent Bolloré, en est devenu le premier actionnaire. Le second est Cyril Linette qui devient directeur général : auparavant, il a été directeur général du journal L’Equipe.
Le paquet cadeau était vite et bien ficelé et en suivant les codes de bonne conduite, c’est-à-dire les statuts en vigueur.
Il a suffi de convoquer une assemblée générale extraordinaire, afin de modifier quelque peu les statuts pour éviter d’éventuelles controverses juridiques. Et surtout, donner immédiatement le titre et l’autorité qui en découle aux deux chouchous des pouvoirs publics et hippiques. Dès le vote acquis, le 7 avril, l’un et l’autre se sont installés au siège du PMU pour démontrer qu’ils n’étaient pas là pour faire de la figuration. C’est aux pieds du mur que l’on juge le maçon mais en l’occurrence, même s’il n’est pas trop grave de connaître les courses, les chevaux et ceux qui les montent pour devenir le patron de la source financière de la filière, il n’est pas moins certain qu’il s’agit de dirigeants d’entreprises qui ne sont pas nés de la dernière pluie. On ne s’affolera pas outre mesure de relever que, lorsqu’il était à Canal+, M. Meheut avait immédiatement exclu les courses hippiques de l’antenne. Tandis que Cyril Linette, à l’Equipe, n’a jamais souhaité, ni instauré, une rubrique « courses », ne les considérant probablement pas comme un sport. D’ailleurs, en cela, il n’a pas entièrement tort car si les chevaux et les cavaliers, jockeys ou drivers, sont des athlètes, les parieurs et spectateurs des hippodromes, sinon d’Equipia, ne sont pas des compétiteurs de quelque discipline que ce soit. Par contre, plus grave apparaît une terminologie qui aurait été employée dès la première réunion du nouveau Conseil d’administration par l’un des nouveaux élus : La volonté de « normaliser » les effectifs du PMU (1 340 salariés actuellement).
On sait ce que cela veut dire et les syndicats commencent à juste titre à prendre date. Dans les sociétés mères, 3 920 emplois, on commence également à se préparer sinon au combat, au moins à la défense contre les licenciements ou réductions d’effectifs. Dans la même ligne de l’instauration du libéralisme triomphant, les champs de courses non rentables et les courses creuses pourraient très bien se voir remises en question par les nouveaux patrons du PMU qui sont d’ores et déjà certains de l’appui de la tutelle.
Ils n’en auront d’ailleurs même peut être pas besoin puisqu’ils ont la réputation de managers ou de patrons très libéraux, au pire sens du terme, et dans la ligne de conduite des pouvoirs publics actuels. Ayant pour autre mission, là également plus ou moins avouée, la préparation de la privatisation du PMU, actuellement SARL et qui en devenant ouvert à des actionnaires privés ou grands publics pourrait là encore coûter moins cher dans son fonctionnement et rapporter plus en dividendes aux porteurs de parts.
Tout cela est à suivre de très près car s’inscrivant dans une évolution politique qui pour la première fois semble devoir toucher des associations n’ayant jusqu’à maintenant comme seul but que de permettre aux adhérents, c’est-à-dire aux propriétaires de chevaux de courses mais surtout aux entraîneurs, éleveurs et cavaliers de vivre d’un métier qui n’a rien de facile ni de confortable. Messieurs Linette et Meheut, pour s’en convaincre, n’ont qu’à passer une matinée à Grosbois, à Maisons Laffitte ou sur un centre d’entrainement de Province.
A bon entendeur salut.