Ils sont venus. Ils sont tous là.

Ils sont venus.
Ils sont tous là.
Les gardiens du vieux monde, le vrai,
celui où l’on tient les femmes, les juges, les pauvres et les étrangers en laisse.
Ils accourent pour défendre leur sœur d’armes, leur rêve commun :
une présidence dure, pleine de frontières, d’ordre et de silence.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Ils sont venus, ils sont tous là,
les pleureuses de la grande droite,
la droite dure, la droite pure,
celle qui prie debout, frappe assis,
et rêve d’un monde propre, très propre,
sans juges, sans migrants, sans féministes,
et surtout sans condamnations judiciaires
qui ternissent les costards.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Orbán a mis son plus beau sourcil et sa constitution de messe dominicale.
Le voilà qui s’agenouille face à la sainte persécutée de France.
Marine, martyre des urnes à venir, trahie par des juges athées,
étranglée par le droit au moment même où elle s’élevait vers la présidence,
comme une colombe… en tailleur bleu nuit.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Il prie, Viktor.
Pas pour ses femmes à lui, celles qui n’avortent plus sans stéthoscope,
ni pour ses journalistes qu’on retrouve à la rubrique nécrologique,
mais pour Marine,
Marine et ses petites notes de frais
distribuées comme des hosties à Strasbourg.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Et Salvini !
Ah, Salvini, sa chemise ouverte sur la patrie,
ses ports clos aux migrants,
ses plages ouvertes à leurs cadavres.
Il hurle à l’inquisition européenne,
le voilà prêt à marcher sur Paris comme sur Rome
pour délivrer la candidate aux mains propres…
à condition qu’on évite les audits.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Et puis Wilders, le Néerlandais au gel capillaire millimétré,
qui veut interdire les minarets, le Coran, les prénoms suspects
et les hivers trop doux.
Il déclare : « C’est une honte »,
lui qui transforme chaque bulletin de vote
en brique jetée contre une mosquée.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Et Abascal, enfin,
l’Espagnol à la moustache franquiste intérieure.
Il accuse la République de sorcellerie judiciaire,
lui qui rêve d’un pays sans régions, sans mariages gays,
et où les femmes marchent trois pas derrière les traditions.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Mais attendez —
voici Musk, en jet privé, téléporté de l’Arizona à la Terre sainte de la droite extrême.
Lui, c’est l’Évangile selon Saint Start-up.
Il tweete la vérité comme d’autres posaient des bombes.
« Quand la gauche ne peut pas gagner, elle juge ! »
crie-t-il entre trois suppressions de comptes militants et deux saluts nazis.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
Et là-bas, dans l’ombre, Peskov,
le croque-mort du Kremlin,
qui parle de démocratie à l’occidentale
comme on parle de sodomie dans une église orthodoxe.
Navalny gît encore dans un coin de mémoire,
mais c’est pour Marine qu’il a une pensée.
Ils sont venus.
Ils sont tous là !
Ils hurlent à l’injustice,
ils pleurent comme des enfants qu’on prive de Playmobil fascistes.
Ils voient s’écrouler leur rêve humide :
la France, aux mains de la Le Pen,
toute bleue, toute ferme, toute rance.
Mais non.
Elle est inéligible la Le Pen.
Elle sera pas élue, la Marine.
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