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Billet de blog 28 octobre 2025

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RN blues bistro

Un zinc, une télé, Bardella en prime time. Et soudain, tout le cirque bleu marine s’invite dans le comptoir : la vertu en façade, la magouille en coulisse, la haine en bande-son. Chronique d’un soir ordinaire dans la France qui s’habitue à l’odeur du brun.

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Illustration 1
© MasavIA

Il faisait chaud sur le zinc, la sueur qui colle, deux pubs pour des SUV qui te vendent la rouille en techno, et bam, Bardella qui déboule sur l’écran, brushing de premier communiant, gueule d’enfant-soldat du capital.

Dans le bistrot, les yeux s’allument, les cerveaux s’éteignent. Des tronches béates, bouches ouvertes, prêtes à avaler la couille patriotique du jour.

Moi, je sens la pression monter : j’ai envie de hurler, de balancer ma bière sur l’écran. Mais j’ai des manières, putain. Alors je serre les dents, je rumine, et je pense si fort que ça devrait s’entendre.

Le RN.
Ouais, eux.
Les chevaliers du bon sens, les laveurs d’honneur, les pisseurs d’hymnes.

Allume la télé, tu tombes dessus : « La France est en danger », qu’ils braillent, sauf quand il s’agit de leur compte en banque. Là, curieusement, tout va mieux. Ils ont la morale bien rembourrée, et la poignée souple pour se remplir les poches d’emprunts russe troubles, de magouilles bruxelloises, de cadeaux de potes milliardaires, peu importe le mode d’emploi.

Marine, la Vierge du peuple, la Jeanne du pognon, elle s’est fait pincer. Quatre ans dont deux fermes, cent mille balles d’amende, cinq ans d’inéligibilité. Et la moue : « C’est une cabale ! » Bien sûr. Un complot européen pour t’empêcher de bouffer au râtelier public. Poétique, le cynisme : détourner l’argent de Bruxelles pour gueuler contre Bruxelles, c’est du grand art.

Et si leurs mairies brillaient de vertu républicaine, on espérerait encore, mais les maires RN, c’est la République en version graisseuse : ça colle aux doigts et ça pue la nappe pas nette. Aliot, condamné pour détournement, trône à Perpignan. Rachline, à Fréjus, se sert dans la caisse qu’il gère, main dans le pot, sourire du saint homme. Lansade, à Cogolin, empile les casseroles comme d’autres collectionnent des trophées. Briois, à Hénin, crache sur ses employés pour tuer le temps. Et Sanchez, a Beaucaire la sainte du foutoir, plante sa crèche dans l’Hôtel de Ville et paye sa foi municipale avec une amende de 5 000 balles la journée. Tous des curés de la magouille, bénis par la merde et l’hypocrisie : la morale en vitrine, la combine en sacrement.

Les élus du RN prêchent la vertu du peuple, vivent de son scrutin et votent contre lui une fois élus. Tu veux des exemples aux parlements français et européen ?

SMIC à 1 500 balles ? Non.
Blocage des prix ? Non.
Encadrement des loyers ? Non.
Taxe sur les superprofits ? Non.
RSA revalorisé ? Surtout pas.
Soutien aux syndicats ? Beurk.

Au Parlement européen, c’est le même disque rayé : le Pacte vert ? Non. L’interdiction des moteurs thermiques en 2035 ? Non. L’égalité salariale homme-femme ? Toujours pas. La nature, la taxation des riches ? Non, non et re-non.

Toujours contre tout, sauf quand il s’agit d’alléger la note pour les grosses caisses. Des « défenseurs du peuple » qui votent comme des actionnaires, mais avec la fibre patriotique. Des sociaux-patriotes low-cost, voilà ce qu’ils sont.

Et le nerf de la guerre, l’os qu’ils servent à ronger tous les soirs à la radio et à la télé : la haine mécanique. Ils recyclent les rancœurs, immigration, islamophobie, peur de l’autre et, nouveauté, le « woke ». Pas besoin de couleur ni de religion, juste un ennemi sans odeur pour sacrifier la colère. Le « woke », c’est l’étranger intérieur, le bouc émissaire moderne : profs qui pensent, femmes qui décident, jeunes qui se renseignent, gays fiers, trans déterminés, tout ce qui remet en question le confort moral désuet de la bourgeoisie.

Perversion suprême, voilà que les héritiers du vieux borgne celui qui rangeait les chambres à gaz entre un pet de travers et un détail de l'histoire se découvrent une tendresse pour la Torah. Jean-Marie empestait encore le Zyklon que sa fille agitait déjà le goupillon du repentir. Les Juifs sont devenus leurs accessoires de vertu, les musulmans leur gibier dominical. Netanyahou archange massacreur d'arabe, devient leur idéal à cultiver. Belle hypocrisie, encensée à pleins poumons sous le drapeau bleu marine.

Leur écologie ? Une mascarade. On sauve les coquelicots, pas les glaciers. Les éoliennes, c’est moche. Le solaire, c’est suspect. Le nucléaire, c’est sexy. Ils ont même fait passer un moratoire sur le renouvelable : comme si le soleil était une idéologie de gauche. La planète crame, eux votent pour que ça flambe plus proprement. Je les vois assis sur un barbecue, drapeau d’une main, merguez dans l’autre, criailler : « C’est la faute aux écolos ! » Et derrière, la forêt qui brûle. Mais tout va bien, on chante la Marseillaise.

Et les femmes ? Ah, les femmes. Pour eux, la femme est un monument historique : on la restaure, on la visite, mais surtout on l’empêche de bouger. Ils veulent des ventres utiles, pas des têtes pensantes. Le mot « genre » leur file des boutons. L’écriture inclusive ? Un blasphème. Ils parlent d’un « féminisme à leur manière » autrement dit, la vitrine : une femme en façade, trente mecs derrière.

L’IVG dans la Constitution ? Ouais, ils ont fini par voter pour. Ils ont dit oui avec la ferveur d’un curé qui bénit une capote. Pas par respect, mais par trouille de salir leur image.

Et les gays, les lesbiennes, les trans ? Ils les tolèrent comme on tolère un hoquet : vite, discrètement, pas de drapeaux. Contre le mariage pour tous ? Contre la PMA ?

Contre tout ce qui met du désir en dehors de leur rectangle moral.  « On n’est pas homophobes », qu’ils disent. Non, juste compatissants envers la norme ; la tolérance, chez eux, est une option qu’on range dans le tiroir derrière le chapelet. Ils veulent une France hétéro, virile et bien coiffée, où les gosses apprennent la morale avant la tolérance.

La sécurité, leur dada ? Leur came électorale. Plus de flics, plus de matraques, plus de caméras, et basta. Une France transformée en commissariat à ciel ouvert : des keufs jusque dans les pissotières, des caméras jusqu’aux slips. Ils appellent ça « restaurer l’ordre » ; moi la politique-spectacle pour rassurer ceux qui ont déjà tout.

Leurs cousins germains de la droite républicaine et macroniste l'ont bien compris. Pendant qu’on vous vend la peur, on vide les caisses ailleurs : hôpitaux, écoles, culture. Leur patrie, c’est un chenil où ils ont réussi à faire aboyer la moitié du pays.

Leurs idoles ? Trump, Poutine, Netanyahou, Orbán : quatre brutes de salon qu’ils vénèrent comme des saints patrons. Poutine, le boucher mystique, agresse l’Ukraine, « suicide » ses opposants et contrôle les médias ; Orbán, le curé fascistoïde, bâillonne la presse, cogne les trans : « un modèle », qu’ils disent.  Netanyahou massacre un peuple et négocie ses combines ; Trump, ce bonimenteur orange, inculpé comme un dealer, rêve de tirer sur les migrants, d’annexer le Canada et le Groenland en tweetant sa gloire. Leur héros, évidemment.

Voilà les modèles qu’ils admirent : guerre, censure, corruption, autoritarisme. Le RN voudrait la succursale française de cette merde. La même misère autoritaire, repeinte en bleu-blanc-rouge.

Parfois, j’ai envie de tout balancer : le poste, la télé, leur vanité d’opérette. Mais le plus flippant, c’est pas eux : c’est ceux qui les écoutent en silence, en se disant : « Pourquoi pas ? On n’a jamais essayé. »

L’hypnose du fascisme sans uniforme, c’est la banalisation du venin.

Juste une chemise repassée et des mots bien polis pour faire avaler la soupe brune.

Alors ouais, je suis vulgaire. Et alors ?

Je préfère puer la bière que suer la haine.

Leur patriotisme, c’est du formol : ça conserve la France en attendant l’embaumement.

Moi, j’aime ce pays vivant, râpeux, bruyant, contradictoire pas cette momie qu’ils veulent promener sur des chars.Aux adorateurs du fascisme, j’leur laisse leur os, leur bave et leurs souvenirs rances. Qu’ils s’étouffent avec.

Je sors du bistrot.

Il pleut. Les flaques brillent comme des miroirs sales. Et je me dis : la République, elle est là, dans la flotte qui lave la crasse nationaliste et dans la dignité anonyme des gens solidaires.

Je suis un peu las ce soir, je sens mes mots sonner comme un pétard mouillé...

Sais pas, ya des jours sans ...
Guy Masavi

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