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Billet de blog 2 novembre 2025

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Afghanistan / Ukraine, même Fin ?

Cette analyse examine les vulnérabilités structurelles récurrentes des deux engagements militaires et politiques majeurs de l'Occident, en comparant la déroute des USA et des pays occidentaux de la guerre en Afghanistan (2001-2021) avec les défis de la gestion du soutien à l'Ukraine (depuis 2022).

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Introduction

L'échec de la coalition en Afghanistan a révélé des lacunes systémiques dans la projection de puissance occidentale sur le long terme. Le soutien apporté à l'Ukraine suite à l'invasion russe en 2022 présente un cas structurellement distinct, mais il est néanmoins confronté à des dynamiques de risque étonnamment similaires. L'objectif de cette étude est d'identifier ces parallèles et de distinguer les facteurs qui rendent le cas ukrainien substantiellement différent, afin de dégager des leçons stratégiques applicables.

1. Les Vulnérabilités Structurelles Partagées (Parallèles)

Les mécanismes qui ont conduit à l'érosion de l'engagement en Afghanistan semblent se manifester, sous une forme adaptée, dans le contexte ukrainien.

1.1. La Problématique de la Dépendance Asymétrique

En Afghanistan, la pérennité de l'effort reposait largement sur la volonté politique et les ressources logistiques américaines, dont le retrait a provoqué l'effondrement de la coalition. Pour l’Ukraine, le même risque de dépendance asymétrique envers Washington persiste. Le niveau, le rythme et la durée du soutien occidental restent fortement corrélés aux cycles politiques américains, instaurant une vulnérabilité critique pour Kiev et une incitation pour Moscou à attendre un changement d'orientation politique outre-Atlantique.

1.2. L'Ambiguïté des Objectifs Stratégiques et l'« End State »

L’intervention en Afghanistan fut caractérisée par un glissement et un empilement d'objectifs (contre-terrorisme, nation building, COIN) qui ont dilué l'effort et compliqué l'évaluation du succès. De même, la gestion occidentale du soutien à l'Ukraine souffre d'un débat continu sur l'« End State » recherché (reconquête totale, stabilisation défensive, négociation sous conditions). Ce manque de clarté stratégique à long terme entrave une planification efficace des ressources et envoie des signaux mitigés tant au partenaire qu'à l'adversaire.

1.3. Les Contraintes Logistiques et les Goulots d’Étranglement Industriels

L’expérience afghane a souligné que les réussites tactiques sont vaines sans une capacité logistique et un approvisionnement durable. Dans le cas ukrainien, des lacunes industrielles critiques sont apparues chez les alliés (crise d’obus, délais de livraison des systèmes complexes). Cette faiblesse du socle industriel de défense est un point d'achoppement qui menace de freiner l’effort de guerre ukrainien si le soutien n’est pas sanctuarisé par une accélération de la production.

1.4. L’Érosion du Soutien et la Bataille de la Légitimité

1.4.1. Fragilité du « Will » Démocratique et Usure Politique

L'engagement prolongé en Afghanistan a illustré la faible tolérance des sociétés occidentales aux coûts perçus comme excessifs. L’aide à l’Ukraine fait face au même défi d'usure politique : une perception croissante que l’effort coûte cher et s'éternise pourrait entraîner un tarissement de l'aide, fragilisant le front ukrainien.

1.4.2. Le Domaine Informationnel et la Corruption

L’injection massive de fonds en Afghanistan a parfois nourri la corruption, minant la légitimité interne du partenaire. En Ukraine, l'ampleur du soutien exige une gouvernance anti-corruption et un ciblage rigoureux des fonds. Par ailleurs, la Russie mène une guerre informationnelle massive visant à éroder le soutien occidental. Un échec à maintenir une narration unifiée et une justification claire du soutien mènera à la victoire narrative de Moscou.

2. Les Variables Différentielles (Variantes Structurelles)

Bien que les vulnérabilités soient similaires, le contexte ukrainien présente des différences fondamentales qui modifient l'équation stratégique.

2.1. Légitimité Étatique et Nature du Conflit

L’Ukraine est un État souverain agressé, jouissant d'une forte légitimité interne et d’un soutien populaire massif, conférant une résilience politique que les régimes afghans post-2001 n'ont jamais possédée. De plus, le conflit est une guerre interétatique conventionnelle (artillerie, manœuvres) et non une contre-insurrection, ce qui rend les besoins capacitaires (défenses aériennes, munitions) radicalement différents des besoins du COIN.

2.2. L'Outil des Sanctions et la Perception de la Menace

L’Occident a agi avec une unité et une rapidité supérieures, notamment en utilisant des sanctions économiques massives contre la Russie, un outil indisponible en Afghanistan. Surtout, le soutien à l’Ukraine est perçu, par une majorité d'alliés, comme la défense d’un ordre sécuritaire européen existentiel, et non comme une intervention lointaine contre une menace diffuse. Cette perception d’une menace directe fournit un moteur politique plus puissant pour le soutien à long terme.

3. Dynamiques de Risque et Manifestations Actuelles

L'échec à corriger les vulnérabilités partagées se traduit déjà par des risques opérationnels :

  1. Effet de Falaise (Cliff Effect) : Un soutien inconstant ou conditionnel pourrait entraîner une perte soudaine et massive des capacités logistiques et du moral ukrainien, analogue au retrait américain de 2021 d’Afghanistan.

  2. Escalade Incohérente : L'ambiguïté persistante des objectifs politiques risque de générer des cycles d’escalade/désescalade mal coordonnés, empêchant une issue décisive ou l'établissement des conditions d'une paix durable.

  3. Érosion par les Pénuries : Les retards dans la montée en puissance industrielle se manifestent par des pénuries tactiques (obus, pièces) qui réduisent la marge opérationnelle de Kyiv.

Conclusion et Implications Stratégiques

L'analyse comparative révèle que les mêmes vulnérabilités structurelles (dépendance au leadership externe, incohérence politique, contraintes logistiques) qui ont contribué à l'échec en Afghanistan réapparaissent dans la gestion du soutien à l'Ukraine. Cependant, la nature du conflit, la légitimité du partenaire et la perception existentielle de la menace offrent des marges de manœuvre pour corriger le tir.

Pour garantir la réussite de cet engagement vital, l'Occident doit tirer les leçons de l'histoire récente :

  1. Définir et Communiquer l'« End State » Politique : Articuler un objectif clair et le justifier publiquement pour solidifier le soutien sociétal.

  2. Redéfinir une politique industrielle commune : Prioriser l'augmentation des capacités de production pour éliminer les goulots d’étranglement capacitaires.

  3. Renforcer et respecter l'Autonomie du Partenaire : Offrir un soutien respectueux et non humiliant pour éviter de délégitimer le gouvernement ukrainien.

  4. Maintenir la Cohésion des alliés de l'Ukraine

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