
...: la promotion agressive du capitalisme de marché libre à travers le monde s'appuie systématiquement sur des chocs sociétaux majeurs – guerres, désastres naturels, crises économiques, coups d'État – pour imposer des réformes radicales et impopulaires qui seraient impossibles à mettre en œuvre en temps normal.
Klein argumente que cette "stratégie du choc" n'est pas une série de coïncidences malheureuses, mais une approche délibérée et sophistiquée, orchestrée par un réseau d'économistes, de politiciens et d'entrepreneurs idéologiquement alignés sur les principes du néolibéralisme. Elle retrace l'évolution de cette stratégie depuis les expériences controversées de Milton Friedman et de l'École de Chicago dans les années 1950, jusqu'à son application à grande échelle dans des contextes aussi divers que le Chili sous Pinochet, la Russie post-soviétique, l'Irak après l'invasion américaine et la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina.
Le Cadre Théorique : La Doctrine du Choc
Au cœur de l'analyse de Klein se trouve la "doctrine du choc", inspirée des recherches sur le contrôle mental et la thérapie par électrochocs. Ces études ont montré qu'un individu soumis à un choc violent et soudain régresse à un état d'esprit infantile, devenant plus malléable et réceptif aux nouvelles idées et directives. Klein transpose cette idée à l'échelle sociétale, arguant qu'un choc collectif – qu'il soit physique, économique ou politique – crée un vide, une désorientation et une vulnérabilité qui peuvent être exploités pour imposer des changements radicaux que la population n'accepterait jamais en temps de stabilité.
Les Pionniers : Friedman et l'École de Chicago
Klein identifie Milton Friedman et son École de Chicago comme les architectes intellectuels de cette stratégie. Friedman prônait un retrait maximal de l'État de l'économie, la privatisation des entreprises publiques, la déréglementation des marchés et la réduction des dépenses sociales. Cependant, il reconnaissait que de telles réformes, souvent douloureuses pour la population, ne pouvaient être mises en œuvre que lors de périodes de crise aiguë. Selon Friedman, "seule une crise – réelle ou perçue – produit un changement véritable. Lorsque cette crise survient, les actions qui sont entreprises dépendent des idées qui flottent autour." L'École de Chicago s'est ainsi employée à développer et à diffuser ces "idées flottantes", prêtes à être mises en œuvre dès qu'un choc se produirait.
Les Laboratoires du Choc : Études de Cas
Le livre explore en détail plusieurs études de cas emblématiques qui illustrent l'application de la stratégie du choc :
- Le Chili sous Pinochet (1973) : Le coup d'État militaire brutal qui a renversé Salvador Allende a créé le choc nécessaire pour imposer les réformes économiques radicales préconisées par les "Chicago Boys", les disciples chiliens de Friedman. La privatisation massive, la déréglementation et la suppression des droits des travailleurs ont été mises en œuvre dans un climat de terreur et de répression. Klein soutient que la violence politique a été intrinsèquement liée à la mise en œuvre de ce programme économique.
- La Bolivie (1985) : Face à une hyperinflation dévastatrice, le gouvernement bolivien a mis en œuvre un programme de stabilisation radical, inspiré par les idées de l'École de Chicago. Bien que présenté comme une nécessité pour surmonter la crise, Klein souligne que ce "thérapie de choc" a entraîné des coûts sociaux importants et a ouvert la voie à une plus grande influence des intérêts étrangers.
- La Russie post-soviétique (années 1990) : L'effondrement de l'Union soviétique a créé un choc immense. Des conseillers occidentaux, imprégnés des idées de Friedman, ont encouragé une "thérapie de choc" économique rapide, caractérisée par une privatisation massive et précipitée des entreprises publiques. Klein décrit comment cette transition chaotique a conduit à une concentration massive de richesses entre les mains d'une poignée d'oligarques, à une corruption endémique et à une profonde misère pour une grande partie de la population. La guerre en Ukraine que nous connaissons provoquée par Vladimir Poutine concrétise l’idée de Naomi Klein. Nous constatons ainsi que cette stratégie du choc répétitive devient une forme de gouvernement
- L'Irak après l'invasion américaine (2003) : L'invasion et l'occupation de l'Irak ont créé un vide de pouvoir et un chaos généralisé. Klein soutient que cette situation a été exploitée pour mettre en œuvre un programme de privatisation radical et de libéralisation économique, préparé à l'avance par des think tanks néoconservateurs. La vente des entreprises publiques, l'ouverture des marchés aux investissements étrangers et l'imposition d'un faible taux d'imposition sur les sociétés ont été réalisés dans un contexte de violence et d'instabilité.
- La Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina (2005) : Le désastre naturel dévastateur a créé un choc profond dans la ville. Au lieu de se concentrer uniquement sur la reconstruction des infrastructures publiques, Klein décrit comment des acteurs politiques et économiques ont saisi l'opportunité pour mettre en œuvre des réformes éducatives radicales (privatisation des écoles publiques), pour redessiner le paysage urbain en faveur des promoteurs immobiliers et pour affaiblir les protections sociales existantes. Elle dénonce ce qu'elle appelle le "capitalisme du désastre", où la souffrance et la vulnérabilité sont exploitées à des fins lucratives.
Les Mécanismes de la Stratégie du Choc
Klein identifie plusieurs mécanismes clés par lesquels la stratégie du choc est mise en œuvre :
- La Création ou l'Exploitation du Choc : Le choc peut être un événement soudain et inattendu (catastrophe naturelle, crise financière ou un événement délibérément provoqué (coup d'État, guerre, dissolution de l’Assemblée nationale). L'important est qu'il crée un sentiment d'urgence et de désorientation.
- La "Table Rase" Psychologique : Le choc affaiblit les structures sociales existantes, érode la confiance dans les institutions et rend la population plus réceptive à de nouvelles solutions, même radicales.
- La Mise en Œuvre Rapide des Réformes : Profitant de la confusion et de la distraction causées par le choc, les réformes impopulaires sont introduites rapidement, souvent sans débat public significatif ni consultation démocratique.
- Le Recours à l'Autorité et à la Force : Dans de nombreux cas, la mise en œuvre de la stratégie du choc s'accompagne d'une répression politique, de la suppression des libertés civiles et du recours à la violence pour étouffer l'opposition.
- La Privatisation et la Déréglementation : Les entreprises publiques sont vendues à des intérêts privés, les réglementations sont assouplies ou supprimées, et les marchés sont ouverts à la concurrence mondiale.
- La Réduction des Dépenses Sociales : Les programmes sociaux, tels que l'éducation, la santé et les allocations de chômage, sont souvent réduits au nom de l'austérité budgétaire.
Les Conséquences de la Stratégie du Choc
Selon Klein, les conséquences de la stratégie du choc sont désastreuses pour la majorité de la population :
- Accroissement des Inégalités : La privatisation et la déréglementation tendent à concentrer la richesse entre les mains d'une élite, tandis que la majorité de la population voit ses conditions de vie se détériorer.
- Affaiblissement de la Démocratie : La mise en œuvre de réformes impopulaires sans consentement démocratique érode la légitimité des institutions politiques et affaiblit la participation citoyenne.
- Augmentation de la Dette Publique : Les "plans de sauvetage" et les politiques de libéralisation peuvent entraîner un endettement accru des États.
- Instabilité Sociale et Politique : Les chocs et les réformes brutales peuvent engendrer des tensions sociales, des protestations et des conflits.
L'Émergence d'une Résistance
Malgré la puissance et la sophistication de la stratégie du choc, Klein souligne également l'émergence de mouvements de résistance à travers le monde. Des communautés locales aux mouvements sociaux internationaux, des individus et des groupes s'organisent pour défendre leurs droits, leurs biens et leur environnement contre les tentatives d'exploitation opportuniste des crises. Klein voit dans ces mouvements un espoir pour un avenir plus juste et démocratique.
Conclusion
"La Stratégie du Choc" est un livre essentiel pour comprendre les dynamiques politiques et économiques contemporaines. En exposant la logique et les mécanismes du capitalisme du désastre, Naomi Klein nous invite à être plus vigilants face aux tentatives d'exploiter les crises pour imposer des agendas politiques et économiques contestables. Son analyse met en lumière la nécessité de construire des sociétés plus résistantes, capables de répondre aux chocs sans sacrifier la justice sociale et la démocratie. Le livre est un appel à l'action, encourageant la solidarité et la résistance face à ceux qui cherchent à profiter de la vulnérabilité collective.
L'ouvrage de Naomi Klein dénonce une méthode systémique d'imposer des réformes néolibérales par l'exploitation de chocs sociétaux majeurs, illustrant cette thèse cette stratégie du choc nous la vivons actuellement que ce soit la guerre en Ukraine ou la marche en avant dévastatrice des forces d’extrême droite et de TRUMP en particulier, de la dissolution, d'une utilisation sans Borne du 49.3 et du mépris d'une pétition Ayant recueilli plus de 2 millions de signatures...