J’avais 14 ans (pour ceux qui ont du temps à perdre en voulant connaitre mon âge) et j’étais bien sûr impressionné par toute cette foule compacte, cette fumée, ces manifestants qui avaient grimpé tout en haut sur le toit de cette gare magnifique et qui plantaient des drapeaux rouges et noirs.
Nous commencions à nous regrouper et nous défilions sous la bannière PSU (Parti Socialiste Unifié). Je donnais la main gauche à mon père car nous étions en première ligne et je donnais ma main droite à un jeune homme que je ne connaissais pas. J’appris plus tard par mon père que ce jeune homme, plein d’avenir, s’appelait Michel Rocard et qu’il était à cette époque secrétaire-général du PSU.
Oui je le dis à cette époque Préhistorique ; Michel Rocard était de gauche que l’on qualifierait aujourd’hui d’extrême gauche, chantre de l’autogestion. Malheureusement les années passant, son militantisme de l’époque et l’autogestion ont été broyé par le rouleau compresseur du parti socialiste et l’on sait ce qu’il est devenu. Par la suite bien que je ne fusse pas encore majeur (la majorité était à 21 ans à l’époque) je participais avec mes camarades de lycée à quasiment toutes les manifestations, l’atavisme aidant sans doute. À cette époque le corps enseignant était assez solidaire des étudiants et vice versa et mes professeurs n’étaient pas les derniers à faire grève. Désolé mais ma mémoire défaillante m’a fait oublier les mots d’ordre. Malgré cela, mes résultats scolaires étaient honorables et nous avions, il est vrai des professeurs impliqués et très compétents. J’ai encore en mémoire cette femme mon professeur d’économie, qui en larmes nous annonçait que Salvador Allende avait été tué par Pinochet lors de son putsch au Chili.
Il est vrai que ma vie professionnelle commençant je participais de moins en moins aux manifestations, encouragés par la gauche au pouvoir et les syndicats qui avaient ordre, sans doute, de la mettre en sourdine. C’est peut-être pour cela que quand la droite est repassée les réactionnaires au pouvoir et le CNPF (ancêtre du MEDEF) ont été obligés de recourir à des caisses noires pour fluidifier le dialogue social au niveau de l’UIMM (Union des Industries Métallurgiques et Minières) dans un premier temps et des autres conventions collectives par la suite.
Il y eut bien sûr des soubresauts notamment quand un ministre droit dans ses bottes voulait toucher à la sécurité sociale avec comme résultat de paralyser la France. Oui, en ce temps-là quand les organisations syndicales criaient : à la grève ! Les salariés dans leur grande majorité arrêtaient de travailler.
Comme mon Père, j’ai amené mes enfants faire leur première manifestation contre le CPE mis en place par un noble, Dominique de Villepin, premier ministre de Jacques Chirac. Quelle joie pour moi de voir toute cette jeunesse et cette même inquiétude qu’a dû ressentir mon père lorsqu’il m’a amené à ma première manifestation. Les flics il y en avait, mais ils attendaient patiemment de recevoir une multitude d’objets sur leur carapace et ils fonçaient quand ils avaient enfin reçu l’ordre de matraquer et de gazer, mais c’était presque « bon enfant ». Quand on constate aujourd’hui la violence de leurs interventions où des armes létales sont utilisées sans sommation avec la détermination de blesser voire de tuer, mais par accident ! Y aurait-il une volonté étatique d’insuffler la peur ?
Je me rappelle la manifestation contre la Loi El Khomri écrite par un dénommé Macron qui détruisait des pans entiers de protection des salariés (gouvernement socialiste dois-je le rappeler).
Je manifestais par solidarité (solidarité mot qui est tombé en désuétude) n’étant plus salarié et beaucoup de manifestants avaient mon âge.
Les manifestations sur la retraite il faut le reconnaitre ont été timides et même le 49/3 d’Élisabeth n’a pas suffi à allumer le feu du Grand soir.
Pourquoi cette désaffection dans les manifs, la peur du flic ? J’ai cherché et j’ai eu le déclic quand je me suis rendu compte que la révolution ne se fait plus dans la rue, mais sur les réseaux dit sociaux ou sur des blogs ou plus près de moi mon dieu : A L’APÉRITIF !
Entre les cacahuètes et les apéricubes, chacun y va de son couplet extrémiste ou même des Proudhon, Marx, Trotski, j’en passe et des meilleurs font figure d’enfants de chœur. Certains de ces amis extrémistes utilisent des moyens de rébellion disproportionnés : Ils ne vont plus voter !
Des petits malins utilisent le télétravail pour manifester (Vive le COVID !). Attention de ne pas être photographié et d’avoir sa trombine sur les réseaux.
Bien sûr je suis très en colère et j’ai beau dire lors de ces apéritifs où nous refaisons le monde que le seul mode de contestation est de descendre dans la rue, mais j’ai la désagréable impression de passer pour un Mammouths à poil laineux.
Quand j’écris ce billet, je me rappelle que je suis passionné de photos et j’en ai fait beaucoup car une manif dans la rue c’est festif. Je regarde mes photos et je vois beaucoup de Mammouths à poil laineux. Bien sûr il y a quelques jeunes et je me doute que certains lecteurs vont être fâchés et ne seront pas d’accord avec ma conclusion
Mais comme je suis fâché avec tout le monde…
Il y a au doigt mouillé 26 Millions de salariés
J’ai écrit ce billet en écoutant la Bohème d’Aznavour